D'ordinaire, les termes « Power Metal mélodique » et « Folk Metal » me font fuir aussi vite qu'un enfant qu'on menace avec un plat de blettes bouillies. Mais comme je ne suis plus un enfant et que j'assume mes choix, il m'arrive aussi de jouer avec mes phobies pour me surprendre, et tester mes capacités d'adaptation. C'est ainsi que je me retrouve ce soir à vous parler du dernier album des suisses de PERTNESS, qui à la base incarnent une sorte de Némésis personnelle pro-GRAVE DIGGER ou toute autre extension germaine d'un Metal sans compromis, mais sans imagination. Il serait pourtant injuste de classer nos amis dans cette catégorie, eux justement qui n'hésitent pas à plaquer des harmonies héritées du folklore irlandais sur un Power bien troussé, et ce, depuis l'orée de leur carrière qui ne remonte pas à hier. Car PERTNESS, c'est une appellation contrôlée depuis les années 90, date de leurs premières démos, qui furent suivies après quatorze ans de préparation et d'élaboration d'une pelleté de LP's qui ont réussi à conquérir un public de fans indécrottables, toujours avides de sensations mélodiques appuyées et certifiées. Il est intéressant de noter que le groupe aime d'ailleurs alterner les périodes de production intenses et les longs silences, puisque nous étions sans nouvelles d'eux depuis six ans et la sortie de leur dernière œuvre Frozen Time, alors que leurs trois premiers travaux avaient été terminés en moins de cinq ans. Et qui dit hiatus dit attente et plus, et les suisses étaient attendus au tournant avec ce quatrième du nom, qui se devait de combler leur absence prolongée. La question restant en suspens devenait alors évidente, ce Metamorphosis allait-il les montrer transfigurés, ou allait-il simplement continuer sur la lancée de l'impulsion d'origine? La réponse est simple, puisque c'est la seconde option qui s'avère être la bonne, ce qui ne manquera pas de provoquer une dualité satisfaction/déception chez leurs followers les plus fidèles.
Six ans pour élaborer cet album ne furent visiblement pas suffisants pour faire changer le groupe d'optique, et les originaires de Berne ont donc misé sur l'amour que l'on peut leur porter, puisque peu de grands changements se font sentir depuis leur dernière production. Et même si les deux LP se démarquent de leur ton et de leur son, ils n'en restent pas moins partie d'un tout, et suite très cohérente, sans que l'on puisse reprocher quoi que ce soit aux musiciens. Les mélodies Folk sont toujours aussi présentes, la polyvalence rythmique aussi, le chant est toujours aussi rauque et grave, et les guitares rugissent toujours autant, dans cette union pas si contre nature que ça entre le Metal le plus allemand et le Power le plus scandinave, un peu comme si les BLIND GUARDIAN, GRAVE DIGGER, IN FLAMES et autres SOILWORK se retrouvaient à partager une partition, avec toutefois des croches qui s'accrochent plus volontiers aux portées germaines. On se dit d'ailleurs parfois que l'influence de BLIND GUARDIAN est la plus présente, même si les ombres de SLYCLAD (en version expurgée de toute exagération folklorique s'entend) et de MYRATH planent assez bas dans le ciel suisse, sans forcément servir de référence absolue. Ceci étant dit, et le contexte étant placé, le quatuor se montre sous un jour flatteur techniquement parlant, avec un casting légèrement adapté (Tom Schluchter – guitare/chant et Tom Zurbrügg – guitare sont toujours fidèles au poste depuis les origines, ainsi que Märs Bühler à la basse depuis 2012, seul le poste de batteur accueille un nouveau venu, Tobi Hari fraîchement intégré en 2018), et surtout, une bordée de chansons qui tiennent méchamment debout, et qui osent une légère variété, ce qui est loin d'être toujours le cas des combos évoluant dans ce créneau. Bien sûr, on retrouve la patte qui griffait les titres passés, cette façon de transfigurer des riffs classiques pour les insérer dans un contexte Folk très harmonique, ces soudaines envolées lyriques, ces embardées rythmiques nous ramenant à l'orée des nineties et la scène Power Metal allemande, et surtout, cette foi sans faille en un Metal qui n'accepte les influences extérieures que pour devenir meilleur. De fait, peut-on en conclure que Metamorphosis fait partie du haut du panier dans le parcours erratique de PERTNESS ? Il est encore un peu tôt pour le dire, mais en écoutant des morceaux de la trempe de « Metamorphosis » ou « I'm a Slave », il est toujours possible de soutenir l'hypothèse sans trembler.
Rien de bien neuf, mais du solide, bien produit, avec ce chant si caractéristique qui rebutera toujours certains auditeurs, habitués à des notes plus élevées ou des grognements plus violentés. S'il est certain que la fanbase du groupe le retrouvera sous son jour le plus flatteur, les détracteurs continueront de tourner le dos aux suisses, qui ne comptent pas chambouler leur façon de penser pour devenir consensuels. C'est ce que l'on constate sur les chapitres les plus symptomatiques, qui alternent accélérations à la suédoise et mélodies à l'allemande, majoritaires sur cette livraison, et classiques comme peut l'être « Face to Face with Hell ». Les harmonies restent dans le domaine public, la véhémence du fond est toujours aussi modulable mais sans compromis dans la forme, et cette tendance à recycler des riffs presque éculés n'a pas été substituée pour un esprit plus frondeur, les suisses restant dans leur zone de confort, sans chercher à innover. Ce qui n'empêchera pas les acheteurs éventuels de méchamment craquer pour un titre aussi séduisant que « Fortress », bâti sur un mid tempo d'acier, et qui supporte de ses fondations des digressions folkloriques assez enivrantes, même si la tendance globale est plus à la démonstration qu'à la suggestion. Pas trop d’ornementation, des arrangements réduits à la portion congrue, puisque c'est la musique qui parle d'elle-même, dans un ballet incessant entre Power et Heavy, selon un schéma bien établi, et certainement un peu trop pour certains qui auraient préféré un peu plus de culot ou de diversité. Mais le but était certainement de rassurer les fans, et ils le seront sans conteste, même s'ils pointeront du doigt la durée un peu trop raisonnable de l'album.
Trente-huit minutes après six ans d'absence, on ne peut pas dire que le quatuor a joué la carte de la générosité, même si ce timing resserré permet justement de ne pas se lasser. D'autant que certaines interventions lâchent suffisamment la vapeur pour qu'on chope le train à l'heure, et « Firestorm » d'y aller de son hommage conjoint JUDAS PRIEST/HELLOWEEN/IRON MAIDEN, adaptant la nostalgie à des attentes de production modernes, et tricotant des riffs inoxydables pour bien appâter le chaland. Dépassant rarement les trois minutes, ces chansons fières savent développer des ambiances dans un contexte réduit, et frappent exactement là où ça fait du bien, tâtant du Speed lorsque l'urgence le réclame (« Flying to the Sun », l'un des plus rapides du lot, et le plus proche de l'école Néo suédoise des années 90/2000). On pourra déplorer que l'émotion ne se fasse ressentir que par intermittence, et que des harmonies moins naïves ne parviennent pas à s'imposer, spécialement lorsque le climat l'aurait permis (« Waves of Pain », sympathique, mais trop facile). Heureusement, le final de « There's a Storm in my Mind » nous laisse sur une note plus acoustique et percussive, ce qui permet de rester sur une impression plus positive qu'on aurait pu le penser. Mais si le hat-trick n'est pas encore pour aujourd'hui, les PERTNESS évitent de peu le faux-pas, grâce à une formule bien rodée, mais qui risque de les condamner en cas de statisme trop prononcé. Et si six longues années viennent encore nous séparer de la prochaine histoire contée, il restera certainement peu de monde dans le public pour patienter.
Titres de l'album :
1. Metamorphosis
2. Fortress
3. Words of Lies
4. Firestorm
5. Left Behind
6. I'm a Slave
7. Face to Face with Hell
8. Flying to the Sun
9. Waves of Pain
10. There's a Storm in my Mind
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