Entre THIN LIZZY, BLUE OYSTER CULT et la NWOBHM, il y a de la place. Beaucoup de place même, pour y caser quelques groupes trop nostalgiques pour oublier que finalement, « c’était mieux avant ». Il y a de la place pour HAUNT, mais aussi pour d’autres américains décidés à rock n’roller comme si chaque soir était un samedi soir, passé dans un bar, quelque part dans ces villes oubliées par le temps. Et dans ce vortex d’énergie, les LOCUST POINT évoluent depuis quelques années, les guitares en avant en guise de sextant, et la voix pure émergeant de la proue pour guider la poupe.
L’histoire de ce groupe est la même que celle de centaines d’autres groupes, unis par une même passion pour une musique simple, à dimension humaine, de celles que l’on joue dans les salles, les petits festivals itinérants ou non, mais surtout pas dans les stades. Une musique similaire à celle qu’on pratiquait dans les années 70, avant que l’esbroufe ne soit inventée, époque bénie durant laquelle les cols bleus allaient oublier leur quotidien devant une bière bien fraîche. Et ce deuxième album du trio est un véritable manifeste d’humilité que les fans d’un Rock dur à l’américaine devraient savourer comme un barbecue improvisé.
Fondé en 2016 à Lansing, Michigan, le trio LOCUST POINT est l’exemple même de l’art authentique qui prévaut sur les concepts pompeux. En six ans, le groupe a payé sa dime aux incarnations live, à la sueur qui coule du front en été ou dans une salle de répète chauffée à blanc, un trio qui connaît son bréviaire Americana sur le bout du médiator, et qui rend hommage à la culture de son pays sans être dupe du caractère old-school de son approche.
Dave Peterman (batterie/chant/guitar), Al LaRose (basse/guitare) et Phil Lynch (guitare/chant) se promènent donc depuis quelques années dans les couloirs du temps, pour en synthétiser tous les gimmicks les plus sincères, entre rodéo et gros pick-up de l’enfer. Sans jouer l’influence à outrance, LOCUST POINT accepte le legs des références les plus établies, et sort ses tripes pour les poser sur le plateau droit de la balance de la sincérité. Une distorsion qui n’en fait pas trop, une technique affutée mais mise à l’épreuve avec parcimonie, des envies d’ailleurs et d’atmosphères progressives sans tomber dans la redondance, pour un trip légèrement sudiste, que les CORROSION OF CONFORMITY en tournée avec le LIFE OF AGONY de « Weeds » auraient pu entreprendre durant les mid nineties.
Trop léger pour être affilié NOLA, le groupe ose la légèreté énergique que prônait le regretté Phil Lynott, évite le piège du Blues trop connoté, et nous ramène des années et des années en arrière, avec des boucles de basse serpentines et des chorus en tierces qui s’ancrent dans une tradition NWOBHM, mais aussi de ces francs-tireurs sudistes qui n’aimaient rien tant que partir en solo de concert. Pour avoir un petit exemple du talent de ces trois hommes, écoutez l’énorme « The Chaser » et ses six minutes évolutives totalement prenantes, entre Rock pur et non dilué et Hard ambitieux mais groovy comme une balade en moto du dimanche après-midi. Maniant le boogie, le Rock musclé et raide et le Heavy Rock gorgé de feeling LOCUST POINT se dandine comme un ZZ TOP des jeunes années à peine barbues (« Swampers »), accélère le tempo façon « Ballroom Blitz » version rade du Michigan et ses routiers venus se décrasser les oreilles (« In This City »), et accumule les moments de bravoure, ceux qui font se lever une foule déjà debout, mais transcendée mode lévitation par ce partage des sens et ces citations Rock dans le texte.
Les hits ne manquent pas sur ce sophomore, qui fait suite à un premier essai éponyme. A vrai dire, et même en restant objectif jusqu’au bout des ongles, Michigan Drag fonctionne comme un best-of d’un Rock américain dur et dru, mais assez souple pour séduire le mainstream. Entre immédiateté évidente et approche plus posée pour tamiser, les trois musiciens font montre d’un potentiel de club band énorme, et le prouvent sans fausse modestie en clôturant leur album par une sorte de proto « Free Bird » plus personnel, dont l’intro n’est pas sans rappeler les EAGLES.
Petite merveille d‘introspection, « Texas Switch » réconcilie les Tom PETTY, le Boss, LYNYRD, et nous offre un point final en pointillé, qui invite à l’after dans la grange d’une ferme. La bière est fraiche, mais pas question d’ivresse excessive. LOCUST POINT reste une délicate impression de décollage du sol, de lumière guidant les pas, et surtout pas de grosse charge pour se mettre minable avant de repartir au boulot le lundi. Cette musique est fine, ciselée mais sincère et authentique, et cet album est une petite perle perdue dans la production tape à l’œil actuelle, qui confond amour et perversité lubrique d’une nostalgie qui se vend comme des petits pains.
Titres de l’album:
01. True North
02. Michigan Drag
03. More than the Measure
04. Quiet Ones...
05. The Chaser
06. Swampers
07. In this City
08. Movers & Shakers
09. Drain Fly
10. Texas Switch
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