C’est le printemps, je vais à Bourges. Excusez cette mauvaise blague eu égard au contexte actuel, mais c’est pourtant la vérité. Peu importe que plus de cent kilomètres me séparent de cette ville, puisque le déplacement est virtuel. Je n’ai en effet pas besoin de bouger de chez moi pour aller à la rencontre de ces musiciens, qui ont pris la peine de m’envoyer leur travail via la magie du réseau. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de FORGIVE, groupe fondé en 2016, et qui sort enfin après quatre ans d’existence son premier long. Quintet (Jean-Charles Guimard - chant, Alban Morin - batterie, Guillaume de Sutter - basse/chœurs, Xavier Ponelle &
Julien Rogozinski - guitares), FORGIVE est ce qu’on pourrait appeler sans condescendance un archétype de groupe Hardcore de la nouvelle génération. Un groupe qui se situe à la croisée des chemins entre le Hardcore classique, le Post Hardcore des années 90, mais aussi le Hardcore mélodique de la scène américaine des nineties. Non que les mecs ne puissent pas choisir leur voie avec fermeté, ils préfèrent simplement proposer une musique plus riche que la moyenne, qui ne se satisfait pas d’une violence omniprésente ou d’une contemplation mélodique un peu trop facile et ennuyeuse. Proposé par le label Krod Records, ce premier LP est riche de ses expériences personnelles et de son Crossover fameux. En acceptant le legs de FUGAZI, de HUSKER DU, de TENGIL, d’UNSANE aussi quelque part, d’HYPNO5E même parfois, dans une version simplifiée, les résidents de Bourges prouvent qu’ils sont des gens cultivés, et ouverts. On trouve dans leur musique la rage des pionniers, mais aussi la soif de renouveau de la génération 2K qui a proposé des perspectives différentes. C’est ainsi que d’un morceau à l’autre, nous passons d’une saine colère originelle à une réflexion plus posée sur l’avenir d’un style qui a refusé d’être entravé.
Ne jouons pas les prosélytes, et n’essayons pas de vous convaincre que Mirrors est une révolution, ni une percée quelconque. Avouons que ce premier album est juste une façon très pertinente de se présenter au public, dont certains ont déjà pu apercevoir le groupe sur scène. Mirrors est en fait à l’image de sa superbe pochette, qui dévoile de son trait des éléments de contenu, des symboles, des images qui vous mettront sur la voie. Le premier véritable morceau de l’album, « I'll Finally Sleep » a la rage sèche et âpre du Hardcore new-yorkais des années 90, avec ses riffs tendus, son chant tout en colère, mais on décèle vite de grosses traces de mélodies qui traînent, comme si Bob Mould et Ian MacKaye partageaient des revendications. Intelligence de composition, agencement avec espaces négatifs trompeurs, soudaines montées qui explosent en une gerbe de riffs, et basse énorme qui alourdit le tout. C’est particulièrement bien fait, le dosage est excellent, et on sent des capacités notables, individuellement évidemment, mais c’est l’effort collectif qui frappe le plus. La production, équilibrée, ne cherche pas la gravité excessive et laisse les instruments respirer, laissant une guitare traîner à droite pour mieux lâcher la basse au centre. Et lorsque la reprise est vraiment effective, l’impression de puissance énorme saute aux tympans. Et en un titre, FORGIVE prouve qu’il a assimilé tous les courants Hardcore ayant accepté la densité du Metal. D’ailleurs, Hardcore ou Post Metal, là n’est pas le propos, puisque nous parlons de musique. Une musique plurielle, parfois viscérale, très brutale et épidermique, ne rechignant pas à intégrer des rythmes plus souples et des guitares moins hargneuses, pour oser la séduction rapide sur « Engraved ». En évitant le piège putassier du Pop Punk le plus vulgarisateur, mais en adoptant les tics du Hardcore le plus abordable, le quintet rappelle la scène frenchy des années 90, mais se plaît dans son époque. On trouve des choses assez formelles, des approches classiques, pourtant le traitement est résolument personnel.
En faisant grimper la tension d’un cran, « Broken Family » hurle et tempête, mais une fois encore, le groupe s’arrange pour proposer des interstices plus lumineux, toujours inondés de mélodies plus amères que réellement avouées. Les riffs sont parfois complètement Metal, à la limite d’un Thrash digéré, mais la sincérité de l’ensemble en appelle au Rock Noisy le plus abordable, et la complexité de certaines progressions fait montre de prétentions artistiques au-dessus de la moyenne. « Psyche », morceau proposé en avance, renouvelle le propos, et se montre plus friendly, presque radiophonique dans son couplet et ses boucles de guitare. Mais ne comptez pas sur eux pour se compromettre dans une quête de popularité, l’idée n’est pas là, et « Faceless » le démontre assez rapidement de sa philosophie presque REFUSED. On sent de la rigueur suédoise dans ce Hardcore qui n’en est pas vraiment, mais aussi de la souplesse américaine, via l’ambiancé « Trust & Commitment », instrumental qui offre une pause bienvenue dans la chaleur ambiante. En évitant la redondance et les répétitions trop évidentes, FORGIVE s’éloigne des schémas les plus usuels pour proposer une violence plus larvée, et osons le terme, plus « mature ». D’ailleurs, ce premier LP étonne de la sienne. On se croit parfois face à un groupe à la discographie riche, enfin stabilisé, et osant son album le plus équilibré. Le problème majeur de cet album réside dans sa diversité. Trop Hardcore pour les fans de Post Metal, trop multiple pour les fans de Hardcore. Certains titres comme « Stars Are Expected To Shine By Night », peineront à trouver un public franc, et pourtant, ils montrent tout simplement une autre facette du groupe de Bourges, dont le visage entier se révèle sur cette magnifique pochette aux symboles multiples.
Résumer l’affaire en quelques termes conclusifs n’est pas chose facile, et je m’y refuse. D’ailleurs, « Solace » sera plus explicite que les mots que je pourrais employer. Une dernière dérive, une humeur en demi-teinte, et l’affaire est pliée. C’est le printemps à Bourges et pourtant personne n’est dans les rues malgré ce soleil éclatant. Le paradoxe d’un siècle qui nous entraîne vers un ailleurs incertain.
Titres de l’album :
01. Lost
02. I'll Finally Sleep
03. Engraved
04. Find What's Lost
05. Broken Family
06. Psyche
07. Faceless
08. Trust & Commitment
09. Smokescreen
10. Stars Are Expected To Shine By Night
11. Hell Is the Others
12. Solace
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30