Vous entrez dans un bar de Londres, dans une rue un peu louche, sur les conseils d’un traveler louche lui aussi qui veut vous faire éviter les circuits touristiques lénifiants. A peine les portes décapées grossièrement passées, vos remarquez une brune accoudée au comptoir, l’air las, et la mine méfiante. Dans un désir de lier connaissance dans un pays où la langue ne vous est pas maternelle, vous l’approchez, timidement, un peu craintif aussi pour obtenir des conseils éventuels sur la boisson locale la plus recommandable. Les yeux fardés de noir, la bouche pulpeuse aussi, le top aux manches en résilles vous indique que la demoiselle est au fait des tendances locales, mais ne se laissera pas amadouer comme une cagole lambda. Vous prenez grand soin d’éviter les phrases les plus clichés de la drague made in Shakespeare, et citez Yeats pour détendre l’atmosphère, tout en ouvrant votre veste pour qu’elle distingue le logo DILLINGER ESCAPE PLAN de votre t-shirt. Amusée de cette attitude un peu gauche, la brune répond poliment à votre sollicitation, et vous recommande le cocktail PUPIL SLICER. Intrigué, vous vous inquiétez de ses effets sur l’organisme, et la mystérieuse femme en noir vous répond d’une voix gravissime :
« Imagine que tu es toujours au collège, et qu’un flingué s’approche de toi avec un couteau de cuisine pour t’égorger. La plaie est béante, le sang coule sur ton pupitre, et tu restes l’air hagard, suffocant, à te demander pourquoi la vie est si peu chère aux yeux des plus désaxés »
Aussi effrayant qu’attirant, le mélange promet de laisser des séquelles sur les neurones, mais la brune ne s’arrête pas là, elle donne quelques précisions utiles :
« Si ma métaphore est trop complexe pour ton t-shirt de beauf du Glazart, imagine un shaker géant. Et là, les mecs de CONVERGE, FULL OF HELL, CLOSET WITCH, CANDIRIA et ATARI TEENAGE RIOT y sont jetés sans ménagement pour que le jus coule de partout. Tu avales d’un trait, et ton pauvre cerveau se gèle instantanément. Après, si c’est trop costaud ou pas assez tu ajoutes un peu de liqueur de PRIMITIVE MAN et un zeste de NAPALM DEATH, et ça devrait aller. Maintenant tu es gentil, tu vas boire ailleurs, et tu me laisses contempler le néant ».
Ainsi se résume l’aventure que vous pourriez vivre grâce aux sadiques de Prosthetic Records en écoutant le premier album du trio anglais de PUPIL SLICER, aussi romantique que son nom n’est engageant. Eux-mêmes (Kate Davies - guitare/chant, Josh Andrews - batterie et Luke Fabian - basse) utilisent des codes bien connus des engagés, en parlant de Death/Grind, de Mathcore, de Powerviolence. Très vague, mais le mélange parle de lui-même, comme le cocktail évoqué plus haut. En faisant simple, on pourrait envisager Mirrors comme un miroir donnant sur l’au-delà du chaos musical en phase avec le nouveau siècle, piquant au Math ses structures mouvantes, au Grind sa rapidité d’exécution, et au Powerviolence sa folie en reflets bruitistes. Le tout est assez proche de cette description, et pourtant l’album étonne de sa violence et de sa méchanceté. On y sent en ouvrant ses narines auditives à plein rendement des effluves de COMITY, de PSYOPUS, et de tous ces barges qui ne prennent même pas la peine de baptiser leurs morceaux. On y sent une envie de faire remonter l’underground le plus profond à la surface de la brutalité, et surtout, une envie d’atteindre le paroxysme, quel qu’il soit. La volonté est là, mais les moyens aussi : les trois anglais sont de fins musiciens, et en tant que frontwoman et guitariste/chanteuse, Kate Davies renvoie la concurrence dans les chiottes à se repoudrer le nez. Hurlant comme une mégère qui en veut à son facteur, la chanteuse fait montre d’une maitrise absolue de tous les registres Hardcore modernes, et nous mène par le bout de ses gueulantes qui ne font pas semblant d’engueuler le chien qui a encore pissé sur ses New-Rock.
Venu de New-York, le trio n’aurait étonné personne. Venu de Boston ou de Portland, on aurait trouvé ça trop normal pour s’en étonner. Mais venu de Londres, on se complait dans une surprise qui en est vraiment une, et on encaisse les hymnes à l’ultra-brutalité qui s’alignent comme des pintes le vendredi soir pour la populace.
Inutile de faire dans le détail et l’explication linéaire qui réfuterait le principe même de globalité de Mirrors. Après tout, lorsqu’on se regarde dans un miroir, c’est l’image qu’il renvoie qui focalise le regard, et c’est ensuite, une fois habitué, que le cerveau prête attention aux détails. Dans le cas de cet album, la globalité est dense, virulente, pusillanime en diable, et ne laisse que peu de place aux pauses et respirations. Le but est de faire suffoquer l’audition, d’engluer dans des agressions rythmiques en toiles de contretemps, de boucher les deux narines de vocalises agressives, et de paralyser le système nerveux d’une terreur artistique peu commune. Adeptes des transitions dissonantes, des effets électroniques qui vrillent, les PUPIL SLICER réconcilient les scènes les plus extrêmes, servent de trait d’union entre le Death électronique et le Mathcore viscéral, et osent des choses que le jeune DEP n’aurait pas forcément tentées, même à l’époque de « 43% Burnt » (« Mirrors Are More Fun Than Television »).
Alors, je te l’accorde, la brune était jolie dans son costume de poupée gothique cheap avec son verre de je-ne-sais-quoi ou il-ne-vaut-mieux-pas-savoir. Mais une fois le regard détourné, elle s’est mise à hurler à la mort (« Collective Unconscious »), et tu n’as pas regretté de ne pas être allé plus loin. Trop belle pour toi, trop dangereuse, et pas assez…consensuelle. Laisse-là à ceux qui savent apprécier les mystères et qui considèrent encore que la nuit trop calme cache les monstres les plus hideux.
Titres de l’album:
01. Martyrs
02. Stabbing Spiders
03. L'Appel Du Vide
04. Panic Defence
05. Husk
06. Vilified
07. Worthless
08. Wounds Upon My Skin
09. Interlocutor
10. Mirrors Are More Fun Than Television
11. Save The Dream, Kill Your Friends
12. Collective Unconscious
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