Voici encore une chronique qui ne va pas exiger de moi beaucoup d’imagination. J’ai même failli utiliser un procédé peu catholique pour gagner du temps et vous duper, mais je vous respecte trop pour ça. Cela dit, pour parler de ce troisième LP des suédois de LIK, il m’eut suffi de prendre la chronique précédente, de changer le nom de l’album et les titres des morceaux, et je suis certain que personne n’aurait noté le subterfuge. Dans le mille Petronille, les rois du recyclage ont encore frappé et fait fonctionner la photocopieuse à plein régime, et ce Misanthropic Breed ne diverge que de deux ou trois notes de Carnage, paru il y a deux ans, à tel point qu’on se demande parfois si on ne réécoute pas la même œuvre. Toujours protégé par Metal Blade, qui croit dur comme fer au potentiel de ses poulains, LIK s’en revient donc nous narrer ses légendes de la Suède ancienne, lorsque les défricheurs de l’extrême imposaient leur froid point de vue au reste du monde, et si un ajout au line-up est à noter, c’est bien la seule chose inédite que je pourrai souligner. Non, admettons aussi que l’album a été enregistré at home, COVID oblige, sous la houlette de Lawrence Mackrory (DARKANE), dans la propre salle de répétition du groupe. Sinon, l’artwork a encore été confié à Mark Riddick, et les chansons sont toujours aussi empruntes de cette fascination pour les maîtres de DISMEMBER, qu’on croirait entendre dans l’ombre à chaque chanson qui défile dans nos oreilles. Certains se demanderont l’intérêt d’une telle entreprise, qui pousse le mimétisme dans ses derniers retranchements, et je serai en partie d’accord avec eux, d’autant que le Swedish Death à la mode old-school fascine de plus en plus et contamine même la France. D’autres au contraire se repaîtront de cette violence sourde et effective, retrouvant l’impulsion de Stockholm et des dérives glacées d’ENTOMBED et UNLEASHED. Alors, choisissez votre camp, puisque vous savez déjà ce qui vous attend.
Misanthropic Breed nouvelle ode à DISMEMBER donc, qui fraîchement reformé, pourra bientôt en remontrer à cette jeune génération qui n’a de cesse de piller son héritage. Pas grand-chose ne vient distinguer ce troisième tome des deux premiers, si ce ne sont quelques petits détails disséminés de çà et là, une basse plus ronflante, un break plus acrobatique, des effets de voix plus personnels, mais on sent que les musiciens sont de plus en plus à l’aise avec leurs personnages, et qu’ils poussent leur art de l’imitation à la perfection. On retrouve sur cette nouvelle livraison Jonas Antman (THE UGLY, OVERTORTURE, ex-DECADENCE) à la basse, ce qui transforme donc notre trio en quatuor, avec toujours aux commandes Chris Barkensjo (batterie), Tomas Akvik (chant/guitare) et Niklas ''Nille'' Sandin (guitare) qui s’en donnent à cœur joie dans le genre retranscription de langages anciens dans un idiome plus moderne. Toutefois, et encore une fois, tout ici respire l’air des nineties, tout sonne comme si le temps s’était arrêté en 1993, et comme si le Death suédois n’avait jamais évolué. L’impression est évidemment savoureuse, mais toujours aussi discutable d’un point de vue créatif, puisque les riffs, les rythmiques, le chant, les breaks, les soli, et tout autre détail semblent exhumés d’un album fantôme et inédit composé conjointement par DISMEMBER et ENTOMBED, mais en faisant fi de ce clonage habile, il est toujours possible d’apprécier ces purs hymnes à la violence nordique, toujours aussi bien troussés.
Je l’avoue, même si l’impression de déjà entendu m’a irrité les oreilles à la première écoute, j’ai noté une petite évolution des capacités du groupe. On sent qu’ils commencent à trouver leur voie, et qu’ils comptent exploiter des astuces plus personnelles, comme le démontre avec brio l’infernal et surpuissant « Female Fatal to the Flesh » et son titre à la MORBID ANGEL. Plus de mélodies, plus de down tempo, chant qui assume sa sècheresse, breaks plus pointus, et du coup, l’attention s’en trouve plus captivée. Il est donc possible qu’à l’avenir LIK s’en remette à son propre talent pour composer, et nous offre des morceaux plus intimes et révélateurs de sa personnalité. C’est peut être encore plus parlant sur « Funeral Anthem », la surprise de l’album, avec cette grosse basse qui s’impose enfin sur le devant de la scène, et cette optique plus catchy dans les riffs qui rappelle même l’extension Melodeath nordique. On a le sentiment sur ce titre que les suédois sont capables de se rapprocher du CARCASS de fin de carrière et de dévier un peu de leur trajectoire sans trahir leur crédo. Evidemment, pour le moment, ces digressions sont minoritaires dans l’hommage ambiant, ce que « The Weird » trahit de sa violence immédiate trahissant une fascination pour « Skin Her Alive » de qui-vous-savez, mais ces détails donnent de l’espoir quant à la suite des évènements qui sera peut-être moins prévisible que prévu.
Impeccablement produit malgré des conditions peu idéales, Misanthropic Breed n’en reste pas moins un énorme album de Death nostalgique de son propre passé, une fois encore. Les titres sont en grande majorité brillants, et d’une puissance à déterrer les ancêtres, et lorsque le quatuor appuie sur le turbo pour épaissir la sauce, ça donne des excroissances monstrueuses comme « Morbid Fascination ». Toujours aussi efficaces dans tous les secteurs de jeu, les musiciens déroulent leur savoir-faire, n’utilisant la vitesse qu’à bon escient pour nous entraîner dans une spirale de violence (« Wolves »), et signent encore un manifeste de respect, trop diront certains, mais même si les griefs s’accumulent à son encontre, on ne peut qu’éprouver de la sympathique pour un quatuor qui sait si bien s’y prendre pour nous replonger dans notre jeunesse. Car loin de se contenter de refourguer quelques plans appris par cœur, le groupe dose son effort, digresse sur des thèmes connus, et accouche de morceaux d’une puissance indéniable, nous ramenant au cœur de l’histoire pour mieux la réécrire à leur façon (« Becoming »). Du copié/collé certes, mais fameux, imparable, et qui finit par avoir raison de nos principes les plus sincères, au fur et à mesure que l’album égrène se litanies hivernales. Et comme le tout se termine par un featuring de Matti Kärki sur le fatal « Revel in Gore », tout n’est finalement que joie et allégresse, Death et tripes, zombis et dépeceurs, femmes nues et mortes et animaux empaillés plein de poussière. LIK nous a donc découpé une nouvelle part de gâteau conséquente, au glaçage épais, et qui trahit éventuellement une envie de changer un peu de recette.
En attendant le prochain cake au macchabé, on savoure encore, malgré la facilité de préparation exagérée.
Titres de l’album:
01. The Weird
02. Decay
03. Funeral Anthem
04. Corrosive Survival
05. Female Fatal to the Flesh
06. Misanthropic Breed
07. Flesh Frenzy
08. Morbid Fascination
09. Wolves
10. Faces of Death
11. Becoming
12. Revel in Gore
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