Rob Dukes et Jason Trenczer reviennent, et ils ne sont pas contents du tout. J’en tiens pour preuve la thématique de leur nouvel album, ce fameux projet MKUltra lancé par la CIA, qui reposait sur diverses expériences réalisées sur des cobayes volontaires ou non, et visant à étudier le comportement du cerveau sous divers stimuli pour créer de super-soldats, contrôlables à distance. LSD, électrochocs, bactéries, virus, privation de sommeil, tout a été tenté pour sonder les profondeurs de la conscience, avant que l’expérience ne soit abandonnée, puis rendue publique dans les années 90, entraînant des excuses nationales du président Clinton. Alors, lorsqu’on s’attaque à un tel dossier, autant en avoir sous le coude et être prêt à aller jusqu’au bout, ce que Rob et Jason savaient dès le départ. D’où ce troisième album méchamment tendu et attendu, qui vient enfin rompre avec les neuf années de silence imposées par We’re All Gonne Die en 2013.

GENERATION KILL reprend dont le boulot, enregistre un disque fort à la puissance incontestable, respectant le cahier des charges établi à l’occasion du séminal Red, White and Blood, proposé il y a déjà plus d’une décennie. Un Thrash d’obédience nineties/2K, soit la période passée par Rob au sein de la légende EXODUS. Et une fois encore, le parrainage de son ancien groupe se fait sentir, au point de retrouver dans la liste des guests le nom de Gary Holt sur le morceau d’ouverture « Never Relent », justement très symptomatique de l’EXODUS période… Rob Dukes.

Bien que subtilement plus ouvert et léger, GENERATION KILL n’a toujours été que la conception de Rob d’un groupe fortement influencé par sa propre expérience au sein de la confrérie Bay-Area, mais après tout, qui s’en plaindrait, puisque l’époque durant laquelle il a officié aux côtés de Gary a offert quelques albums des plus fameux. Alors, bien sûr, MKUltra sonnera convenu aux oreilles des spécialistes du Thrash classique, terriblement formel et décalqué aux accros de l’EXODUS le plus teigneux, mais l’un dans l’autre, une copie savante et sincère d’un groupe au parcours en dents de scie n’est pas forcément superfétatoire.

Pour l’occasion, le quintet complété par Jason Velez à la guitare, et par les deux derniers arrivants Max Velez (basse) et Craig Cefola (batterie) a donc sorti les couteaux et la méfiance, et nous lâche une bombe en pleine face. Dans un registre qui se veut synthèse des deux premières explosions, MKUltra se présente sous un jour connu, avec toujours en exergue ces riffs syncopés et ce phrasé de chant unique et presque Hardcore dans la forme. « Never Relent » donne donc le ton et la couleur, proposant ce genre d’ouverture dont EXODUS est coutumier, à base de licks francs et massifs, d’une production concentrée, et d’une agressivité presque palpable au travers des haut-parleurs.

Aussi efficace qu’il n’est traditionnel, le Thrash de la bande est toujours aussi respectable et de qualité, mais toujours aussi dénué de la moindre prise de risques. L’originalité a donc encore été bradée sur l’autel de l’efficacité, comme si tout avait déjà été dit dans le style et qu’il était vain de chercher une porte de sortie. Ce qui est évidemment vrai, mais qui empêche du coup ce genre de projet de vraiment décoller, et de sortir de l’ombre de son illustre modèle.

Heureusement, quelques pics d’intensité viennent nous extirper d’un rêve pas vraiment éveillé, comme cette intro au T.N.T sur « MKUltra », aussi véloce que l’EXODUS le plus rageur, et propulsé par un jeu de batterie démoniaque singeant les fills les plus fluides et acrobatiques de Tom Hunting. D’ailleurs, ce cher Craig Cefola n’hésite pas à mettre la pression et à se permettre quelques blasts de bon ton, histoire de densifier un instrumental bien trop sage qui reste dans les clous. Et s’il est toujours difficile de pointer du doigt les défauts d’une musique aussi parfaite, on ne peut pas non plus en accepter toutes les facilités d’usage.

Ainsi, malgré un featuring fameux de l’ex-MEGADETH Chris Poland, « Evil Eye » se traîne le long d’un Heavy pas vraiment inspiré malgré sa méchanceté qui suinte, et il faut attendre le mid tempo de « Dogs of War » pour dodeliner du chef sans arrière-pensée, grâce à un jeu de chœurs roublards et une double grosse caisse vraiment puissante.

Le schéma est heureusement interrompu par le très inspiré et psychédélique « Opiate of the Misinformed Masses », qui n’est pas sans évoquer un subtil mélange enter ALICE IN CHAINS, BLACK SABBATH et PANTERA, mais les systématismes Thrash sont encore trop réguliers pour que l’ensemble se montre suffisamment crédible, et l’affaire tourne rapidement en rond sur le tarmac come un avion dont les hélices manquent de jus.

Bon disque, impeccablement interprété, rageur, au parfum nostalgique étrange (« La Fin Du Monde », l’un des meilleurs du lot et un épilogue vraiment ambitieux), MKUltra présente le visage d’un GENERATION KILL se reposant sur des acquis, à l’image d’un complotiste aux dossiers déjà connus de tous.

Titres de l’album:

01. Never Relent (feat. Gary Holt)

02. MKUltra

03. Evil Eye (feat. Chris Poland)

04. Into the Black

05. Dogs of War (feat. John Joseph)

06. Opiate of the Misinformed Masses

07. Rat King

08. Mold of Clay (MKUltra 2)

09. Life of Sin

10. La Fin Du Monde

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