Comme il y a avait un certain temps que je ne m'étais pas penché sur la question de l'évolution du Mathcore, je me suis dit qu'une petite mise à jouer était nécessaire. Non que le style ne semblait déjà avoir dit tout ce qu'il avait à dire de la naissance de DILLINGER jusqu'à son trépas, mais il était quand même intéressant de savoir si certains faisaient non évoluer, mais progresser l'excroissance histoire de l'adapter à une époque rompue à l'exercice de la violence. Alors, quoi de plus idoine qu'un petit tour aux États-Unis, le pays qui vit naître le chaos, et qui éleva ses enfants bâtards les plus doués ? Le PLAN évidemment, mais aussi les CONVERGE, bien que difficilement rattachés au genre, en tout cas complètement, et puis quelques autres, de là-bas ou d'ailleurs, les ARSONISTS, GET ALL THE GIRLS, CAR BOMB, et certains, plus calmes, dont les CANDIRIA pour l'honneur...Après consultation à distance, je tombais enfin sur l'exemple parfait pour étayer mon propos, en la présence des BLACK MATTER DEVICE, qui avec leur nouvel effort longue-durée Modern Frenetics tentaient de donner un nouveau sens au magma sonore, sans en trahir les dogmes les plus figés. Quintette originaire de Fredericksburg, Virginie, les BLACK MATTER DEVICE nous ont déjà offert un premier EP éponyme en 2014, avant de mettre les années à profit pour enrichir leur répertoire, qui aujourd'hui s'enorgueillit de onze nouvelles compositions oscillant entre Mathcore pur, Post Hardcore dur, et Noise sur. Terriblement à l'aise dans cette multiplicité de créneaux, les cinq musiciens (Michael Toney – chant/guitare, Colton Armer – basse, Roman Rodriguez – batterie, Bryan Kern – bruits et Joey Woodard – guitare) jouent donc leur va-tout, et dominent de la tête et des épaules une nouvelle direction à suivre pour le chaos organisé, n'hésitant pas à tomber la chemise pour révéler une nature plus complexe et baraquée qu'il n'y paraît.
Loin de se contenter de copier les coups de rein déjà donnés par leurs aînés, les américains tentent de défricher un peu plus de terrain, et combinent la force de frappe du DILLINGER des jeunes années et la colère du CONVERGE de Jane Doe, pour parvenir à transpercer l'aridité ambiante de leur haine rythmique méchamment bien agencée. Comme souvent dans ces cas particuliers, c'est la rythmique qui impressionne, et autant dire que la paire Colton Armer/Roman Rodriguez donne tout ce qu'elle a dans le bide pour propulser les riffs de Toney/Woodard dans la stratosphère. Aussi désireux de se montrer ultra-violents qu'insolents, les BLACK MATTER DEVICE suralimentent l'énergie pour l'obliger à plier sous le coup de mélodies insidieuses, permettant ainsi à leurs morceaux de gagner ce petit plus de vitesse et d'efficacité qui fait souvent défaut à leurs contemporains. Si la base n'est pas radicalement différente d'un subtil mélange d'harmonies typiques du Post Hardcore moderne US et de rage en pulsations héritée d'un Mathcore de tradition, parfois, les excroissances vont se nicher au plus profond d'une inspiration en manque de respiration, histoire de nous asphyxier de plans qui s'entrechoquent à la limite d'un Djent pas vraiment assumé (« Gloom Balloons »). Lacérée d'intermèdes Noisy qui placent ce premier album sous des auspices hermétiques, la musique est souvent défouloir et exutoire, mais reste truffée d'idées qui provoquent le chaos pour souffler le très chaud (« Curses », avec en exergue le reproche majeur que l'on puisse formuler envers le son trop synthétique et triggé d'une double grosse caisse vilainement compressée), voir le brûlant, lorsque les réflexes tirent vers le classicisme d'un DEP période Calculating Infinity (« The Pointy End »).
Mais en optant pour une brièveté de fond, les cinq musiciens font le bon choix et frappent très fort, entortillant le Jazz autour du Hardcore le plus fast pour une symphonie d'outrance qui assomme les sens (« Ricky Simmons »), mais qui nous réveille de mélodies éthérées presque sorties d'un esprit dérangé. Non que la plupart des morceaux osent le petit jeu de la dualité bruit/douceur, mais lorsqu'ils s'y risquent, le résultat est plutôt probant, et fait couler la brutalité avec plus de facilité. D'aucuns diront que les inserts Ambient n'apportent pas grand-chose à la cause, ce qui est évidemment faux, puisqu'ils assurent des transitions sans bousculer les tonalités, ce qui permet de garder une homogénéité d'ensemble relativement appréciable. Spécialement lorsque l'enchaînement « I Am In Pain » / « Signals » nous prend à la gorge, les deux segments ne dépassant même pas les trois minutes à eux-deux. Virevoltant entre plans supersoniques et mises à plat iniques, les américains jouent le contre-pied permanent, mais ne s'égarent pas pour autant. D'ailleurs « Presto Manifesto » leur permet d'étaler quelques qualités d'arrangements indéniables, découpant leur schéma en strates de sons qui s'empilent à la perfection. On se demande à cette occasion si le Post-Hardcore contemplatif n'aurait pas sa place à la maison, tant l'harmonie centrale joue le zen opposé aux attaques sensorielles habituelles. Évidemment, et malgré toutes ces remarques, les BLACK MATTER DEVICE ne se posent pas en nouveaux apôtres du genre, mais permettent de le garder à flots, sans pour autant marcher sur les eaux. Mais en partant du principe que le style était quasiment condamné dès ses origines à se mordre la queue, il est toujours plaisant de constater que certains font ce qu'ils peuvent pour casser le moule de ce cercle vicieux. Ce que tente assurément de faire Modern Frenetics qui de son titre et de sa musique démontre qu'il reste encore un peu d'espace dans le vortex du Mathcore pour le projeter un peu plus loin que ses premiers jets.
Un disque pas foncièrement étonnant, ni forcément déroutant, mais largement assez intriguant pour mériter votre attention, sans pour autant remettre en cause le leadership des cadors déjà nommés. La frénésie moderne reste donc partiellement traditionnelle pour l'instant, mais il ne serait pas étonnant de retomber sur le nom des BLACK MATTER DEVICE dans un avenir plus ou moins proche. Ici ou ailleurs d'ailleurs, tant les options semblent multiples.
Titres de l'album:
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29