Des suédois qui font du Black Metal, jusqu’ici, rien d’anormal. Des suédois qui en 2019 jouent du Black Metal comme en 1995, rien d’anormal non plus, puisque les scandinaves peuvent revendiquer la moitié du patrimoine extrême de cette décennie à égalité avec leurs amis norvégiens. Mais des suédois qui jouent du Black Metal en 2019 en sonnant comme un groupe des racines en 1995, c’est déjà plus rare. Et c’est pourtant la performance remarquable accomplie par les GAST, qui de leur nom de baptême évoquent déjà une iconographie spectrale et morbide. En effet, leur nom dans leur idiome natal signifie fantôme ou poltergeist, et autant dire que leur musique ne suggère rien d’euphorique ou d’optimiste…Se cantonnant délibérément aux sonorités les plus abrasives du style, ce quatuor souhaite de facto s’intégrer à un certain classicisme, ce qui n’est pas franchement un problème au jugé de leurs qualités individuelles et collectives. Fondé en 2015 dans la région de Västmanland par Fredrik Lundell (guitare) et Joel Axelsson (batterie), GAST a vite recruté pour accueillir Mikaela Åkesson à la basse et Johan Fröjd au chant, et ainsi donner plus d’ampleur au projet déjà responsable d’une démo deux titres en duo en 2016. Avec ces deux nouveaux venus, le groupe a donc pu se mettre à sérieusement composer, et à élaborer un répertoire plus conséquent en 2017, avant de se lancer dans la composition d’un premier longue-durée à cheval sur 2018. Et c’est après avoir proposé leurs services au label canadien Black Market Metal Label qu’ils obtinrent leur première signature, permettant à ce Mokret Kallar de connaître une sortie CD et dématérialisée en janvier dernier, en attendant une release en vinyle dans les mois à venir. Et si l’ensemble ne s’écarte nullement des pistes traditionnelles abondamment foulées par leurs aînés, l’énergie dégagée et la violence permanente aboutissent à un climat déliquescent parfaitement délectable.
Exprimant le désir de s’exprimer dans sa langue d’origine, le groupe possède donc un cachet indéniable. Certes, leur partition à de grands airs de déjà entendu, mais leur véhémence, et leur intelligence d’agencement permettent à ce premier album de passer les tests de qualité sans déclencher de reproche majeur. On retrouve sur Mokret Kallar tout ce qui a toujours fait la gloire du BM scandinave, entre ces rythmiques franches et déboussolées de blasts et ces riffs morbides et froids comme le trépas, qui une fois combinés à un chant méchamment écorché forment une symphonie d’outrance qui ne sombre jamais dans le chaos. Et une fois n’est pas coutume, la basse est même audible et créative, ce qui ne fait qu’ajouter une plus-value à un LP qui mérite d’ores et déjà l’attention. Se rapprochant d’un melting-pot global de plusieurs influences, dont les principales semblent être les 1349, le MAYHEM de la première époque, mais aussi le DIMMU BORGIR de sa jeunesse, Mokret Kallar est un concentré de brutalité sourde et rigide, qui dégouline des sillons virtuels dès l’entame sans concession de « Distans ». Car après une courte intro qui plonge dans le bain de haine, les GAST nous donnent une leçon de méchanceté à la MARDUK, et se rapprochent des cimes autrefois atteintes par leur chef d’œuvre absolu Rom 5 :12. Pourtant, pas de plagiat à déplorer, mais juste une volonté de coller à une éthique bien particulière, que d’aucuns jugeront un peu puriste, mais que les fans acclameront comme un retour aux sources remarquable. Vitesse d’exécution, mais précision, avec cette basse dont les notes les plus aigües se plantent comme des poignards dans le dos de l’espoir, chant qui réussit la gageure de réconcilier Mortiis avec Legion, pour une avalanche acide vous enfermant dans les neiges du désespoir d’un hiver suédois sans fin.
Disposant d’une production qui pourrait se croire d’époque, ce premier LP fait montre d’une maîtrise incroyable dans le difficile exercice de reproduction d’ambiance. Pour peu, et en ignorant les informations promotionnelles, on pourrait penser avoir déniché un vieil et obscur album jamais sorti, qui aurait enfin pu voir la nuit par l’entremise des efforts d’un label plus curieux que la moyenne. Il est certain que la stridence de la guitare aide beaucoup à s’imaginer projeté dans le passé, mais c’est aussi le travail global de décalque des atmosphères qui prend à la gorge, comme en témoigne le vénéneux et éprouvant « Avgrund ». Démontrant qu’ils ne sont pas qu’une bande de brutes avides de vélocité, les quatre suédois nous font le coup du mid tempo oppressant, misant tout sur des riffs lancinants et gelés, pour nous replonger dans les affres de la genèse du BM moderne de la première génération de combos nationaux. On pense irrémédiablement au MAYHEM le plus fétide, mais encore au MARDUK de La Grande Danse Macabre, même si les points communs ne jouent pas en défaveur des GAST. Et loin d’habiles copieurs, les musiciens se montrent plutôt sous un jour flatteur, celui qui éclaire la routine d’une capacité à s’approprier les codes pour les transcender, et ainsi nous offrir un regard old-school sur un genre en perpétuelle mutation. Et malgré une courte intro glauque, « Under Satans Vingar », relance la machine et nous déborde sur la gauche, ramenant à la surface les idées nauséabondes du MARDUK de Heaven Shall Burn et du 1349 de Hellfire, privilégiant un tempo épileptique sur fond de tronçonnements typiques. Ralentissements en mid très efficaces, mixage qui ne lèse personne, et « Transcendens » de nous offrir une superbe accalmie acoustique avec volutes d’harmonies amères et silences lourds de sens.
Néanmoins, et pour rassurer les plus inquiets, c’est la violence qui domine les débats, et « Där Livet kvävs » de faire encore plus monter la tension, en parsemant le chemin de petits pièges en licks rouillés, permettant à la section rythmique de faire preuve d’inventivité. Morceaux courts mais percutants, guitariste qui n’a pas la créativité abjecte dans sa poche, constante opposition entre lourdeur et fureur, pour un LP à la brièveté qu’on finit par regretter, mais qui agit comme un catalyseur. Impossible de ne pas repenser en écoutant Mokret Kallar aux premières œuvres du genre qui nous l’ont tant fait aimer, et la dextérité dont font preuve les suédois est suffisamment crédible pour ne pas tolérer les allusions au passéisme qui ne manqueront pas de fuser. Mais il n’y a aucun mal à prôner des valeurs ancestrales, pourvu qu’elles soient appliquées par des gens de talent, ce que les GAST sont sans aucun doute possible. On espère juste que le groupe se montrera plus généreux lors de sa prochaine livraison, et que leur second chapitre fera preuve du même esprit pluriel tout en étant légèrement plus étoffé. Mais se baigner dans une mer de méchanceté pareille fait du bien à l’âme souillée et aux articulations rouillées par le temps et les expériences un peu trop avant-gardistes.
Titres de l'album :
1.Distans
2.Avgrund
3.Under Satans Vingar
4.Transcendens
5.Där Livet kvävs
6.Morgonstjärna
7.Sorgens Skugga
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