And then, there was one. And then, there were three. And then, there were six.
C’est un peu l’histoire de METH. Réduite à sa plus simple expression, puisque le groupe n’en était pas un au départ, mais un projet, celui de Seb Alvarez. The Children Are Watching fut pourtant en tant que premier EP enregistré en trio, version power, avant que I Love You, un an plus tard, ne voie les membres enrôlés doubler. Aujourd’hui, METH est un sextet, aux rangs resserrés, mais à l’envie toujours aussi large que compacte. Originaires de Chicago, Illinois, ce combo aux influences multiples abandonne donc le format médium pour se lancer dans l’aventure du longue-durée, qu’il comble de quarante-quatre minutes d’expérimentation sonore, typiquement américaine dans sa pluralité, mais blafarde comme un livret du BAUHAUS allemand, et assez européenne dans sa volonté de déconstruire les limites et de faire tomber les barrages. Cette mère de la lumière rouge est donc le premier avertissement, comme un feu de signalisation qui intime l’ordre de s’arrêter sous peine d’accident inévitable. Mais l’accident se produira ici, celui qui opposera votre raison et votre santé, celui qui fera se percuter votre marteau et votre enclume. Parce que le Hardcore des originaires de l’Illinois n’est pas du genre à faire dans la dentelle pour décorer les jolies robes. Non, il préfère faire gicler le sang déjà épais pour les souiller de souffrance. On reconnaît pas mal de choses dans cette approche, des tendances urbaines des années 90 avec les UNSANE qui poussaient les cadavres dans les caniveaux, du DEP bien sur lorsque le rythme s’emballe et se déstabilise, mais aussi du DAUGHTERS, et pas mal de combos torturés de la trempe de CONVERGE, mais à l’inspiration plus étouffée, et moins exposée. En gros, une manière de jouer le Hardcore en appuyant sur l’alternance faux-calme/agacement ultime, et des mélodies, biscornues, un chant qui vomit mais qui sait aussi se faire de la peine, et une énorme basse à la SWANS qui écrase la rythmique.
Et plus encore, plus que tout, du désespoir, blême, celui des petits-matins qui ne deviennent jamais des journées ensoleillées.
S. Alvarez, Z. Farrar, R. Kasbee, A. Smith, K. Peitre et M. Meifert ne sont pas les joyeux drilles qu’ils ne seront jamais. A six, ils font beaucoup de bruit, et tendent un pont entre toutes les directions Core de ce nouveau siècle, n’hésitant pas à accélérer le Math de pulsions Grind, tout en noyant leur âme dans la solitude d’un Hardcore dissonant, à la limite du Post, et pourtant, aussi frais qu’une lettre de suicide signée par les NAILS (« Inbred »). Le son global, véritable sceau de qualité du label Prosthetic respecte la charte signée autrefois par les BREACH, ALL THAT REMAINS, LIGHT THIS CITY, JUNIUS ou ANIMALS AS LEADERS, mais s’en éloigne toutefois de cette tendance à se rapprocher d’une rigidité presque Post Punk qui rappelle la scène anglaise des années 80, et ce Hardcore aussi dark qu’une banlieue ouvrière une fois l’éclairage public éteint. « Cold Prayers » se sent d’ailleurs à l’aise sur le bitume frappé par la pluie, et résume en moins de trois minutes tous les espoirs déchus d’une génération industrielle ne voyant que dans l’oppression et la résignation un avenir pas vraiment réjouissant. Cette pluralité de ton, qui hésite entre les fulgurances, les stridences, la lourdeur et la moiteur, la puissance et le renoncement est justement le point fort de ce premier album qui refuse obstinément de se placer sous la lumière blafarde d’un réverbère Hardcore. Il y a du Metal là-dedans, mais pas traditionnel et certainement plus assourdissant que la moyenne, il y a aussi du Post-Hardcore, quelques petites vues plus classiques sur l’absurdité de la vie qui accélère le tempo pour mieux nous perdre dans les dédales de la surconsommation et de l’impatience (« Child of God », DEP, CONVERGE, avec une gigantesque basse à la Paul Raven), mais aussi des silences, des cassures très nettes, qui ne font pas pour autant sourire les plus dépressifs. « Failure » en ouverture donne le ton, une intro grondante qui monte et s’insinue, pas mal de feedback nauséeux, et puis des répétitions graves, une sorte de régularité rythmique qui inquiète, et qui pioche dans les coffres de GODFLESH de quoi payer sa dette aux DAUGHTERS.
Evidemment le plus simple et évident serait de se raccrocher au long final « The Walls, They Whisper », qui en onze minutes pile joue l’Ambient troublant, avant de s’attacher à introduire des valeurs de Jazz dans un contexte de Post Metal assez indéfinissable. On reconnaît très bien ce manque d’harmonies, tuées dans l’œuf de la méchanceté, mais on adore ces arrangements qui couvrent le bruit ambiant de leur bruit encore plus étouffant. Pas vraiment un morceau à proprement parler, mais plutôt une conclusion logique, de celles qu’on trouve sur les collaborations entre bruitistes anglais, les Justin, Mick, JESU, PAINKILLER, SCORN, soit la quintessence de l’évasion vers des cieux encore plus noirs. Plus que la musique, ce sont les strates de son et les arrangements qui enrichissent les textures de Mother of Red Light. Les riffs n’en sont pas à proprement parler, mais la guitare sait meubler l’espace, ou au contraire le vider pour lâcher quelques thèmes épars, mais à la sensibilité écorchée. « Psalm of Life » pourrait être du TENGIL repris par les NEUROSIS, avec ce long crescendo strié de bruits inquiétants et de percussions sentencieuses, alors que « Return Me (My Body) » se promène entre le Grind éclair et le Post Hardcore teigneux et viscéral. Plus créatif que PRIMITIVE MAN, et certainement plus fertile, plus grondant que la plupart des groupes américains du créneau, METH n’évite pas toujours le piège du bruit pour le bruit, ou les figures un peu figées du Chaotic Core, mais avance, ose des choses, et finalement, se créé un style pour ne pas en piller un autre.
And then, there was one. L’avantage d’être six, mais d’être unique.
Titres de l’album :
1.Failure
2.Child of God
3.Swallowed Conscience
4.Her Womb Lays Still
5.Inbred
6.Cold Prayers
7.Psalm of Life
8.Return Me (My Body)
9.The Walls, They Whisper
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