« Every year is getting shorter never seem to find the time.
Plans that either come to naught or half a page of scribbled lines
Hanging on in quiet desperation is the English way
The time is gone, the song is over,
Thought I'd something more to say. » (Roger Waters, 1973)
Le temps. N’est-ce pas la problématique majeure de notre époque, à l’heure où l’information devient caduque en quelques secondes et les appareils électroniques obsolètes en à peine plus longtemps ? Le temps, donné fixée par les mathématiques et la physique, la rotation de la terre sur elle-même et sur le soleil, est relative selon les études d’Einstein et la physique quantique. D’une, parce qu’avec l’appareillage idoine, il serait possible de se déplacer plus vite que la lumière, et entreprendre des voyages de millions d’années tout en ne vieillissant que de quelques-unes. Un paradoxe ultime, et sans doute la dernière grande quête de notre siècle naissant, mais déjà agonisant. Ce temps que nous n’avons presque plus et qui nous oblige à penser en mode V.3, ce temps qui file entre les doigts comme le sable entre les mains d’un bébé sur la plage, cette épée de Damoclès au-dessus de têtes qui finalement, font comme si de rien n’était, mode autruche et « de toutes façons, que faire ? ». Oui, que faire ? Courir dans tous les sens, s’asseoir et organiser sa pensée, ou alors, attendre juste le bon moment, celui qui vous apportera la solution sur un plateau, en pleine lumière alors que les interrogations allaient bon train dans l’ombre. L’ombre qu’a laissé EXHORDER derrière lui a permis d’exposer au soleil le manque d’inventivité et de culot d’une horde de suiveurs pillant leur héritage, parfois avec flair, mais le plus souvent avec une fatuité hors du commun le confinant à la morgue la plus détestable. Pour beaucoup de néophytes et les plus jeunes, EXHORDER est juste un nom qu’on trouve dans certaines colonnes, une référence que l’on ne comprend pas vraiment, deux petits albums qui servent de point de repère, et une musique qui finalement, n’est pas plus marquante que les autres. Et il convient alors de remettre les choses dans leur contexte.
Nous étions sans doute assez peu à l’époque à comprendre que Slaughter in the Vatican était le dernier grand album de Thrash à ne pas en être un d’une décade rongée jusqu’à la moelle. J’avais personnellement découvert le groupe sur une de ces compiles bon marché, un truc lâché par Roadrunner, leur label, depuis passé à la postérité des samplers les plus mythiques. J’avais été soufflé par la violence et la rudesse de « Desecrator », un morceau aussi virulent musicalement qu’il n’était blasphématoire thématiquement. Et en écoutant de plus près, il eut été possible à priori d’y voir des prémices, des tendances à venir, des possibilités émergeant des égouts du sud des Etats-Unis. On ne va pas revenir sur la légende urbaine prétendant que PANTERA a viré Power en tombant sur EXHORDER, puisque Phil a reconnu lui-même l’importance de l’emprunt depuis. Mais il est impossible de ne pas citer DOWN dans le texte en ayant connu les deux premiers glaviots des originaires de la Nouvelle-Orléans. Encore une fois, l’éternel problème de l’esthète qui sème et de l’opportuniste qui récole. Et EXHORDER n’a jamais récolté quoi que ce soit, à part des louanges post-mortem. Mais deux problèmes se posent alors. Car le groupe n’est jamais mort, et le temps, aussi lointain et fugace soit-il, finit toujours par rappeler les héros au front. Et 2019, c’est l’heure de la bataille pour EXHORDER. Pas la dernière, mais la plus importante.
« Ça fait 35 ans que nous avons fondé EXHORDER. 27 ans que nous avons sorti notre dernier album, et depuis, pas mal de séparations et de rabibochages…Alors pourquoi les choses seraient différentes maintenant ? Pourquoi tout recommencer à cinquante ans au lieu de prendre notre retraite ? Tout simplement, parce qu’il est finalement temps. » (Vinnie La Bella)
Vinnie La Bella (guitare) et Kyle Thomas (chant) n’auraient certainement pas pensé devoir attendre leurs cinquante ans pour entendre leur machine rugir de nouveau. Alors, que leur fallait-il finalement pour en arriver là ? Ils le disent eux-mêmes. Les bonnes chansons, le bon management, le bon label, et surtout, les bons comparses pour relancer l’aventure. Ces comparses ne pouvaient venir de n’importe où et être n’importe qui, alors ils ont pioché dans l’arrière-garde qui comme eux, meurt mais ne se rend jamais. Jason Viebrooks (HEATHEN) à la basse, Marzi Montazeri (ex-SUPERJOINT RITUAL, PHILIP H. ANSELMO & THE ILLEGALS) à la guitare et Sasha Horn (FORBIDDEN) à la batterie. Certes, nous aurions peut-être préféré une réunion du line-up d’origine, nostalgie oblige, mais le résultat eut certainement été totalement différent. Et la tuerie qu’est Mourn The Southern Skies moins évidente, plus forcée, plus nostalgique. Car vingt-sept ans après The Law, et vingt-neuf après le mythique Slaughter in the Vatican, le choix était double, et simple dans les faits. Reprendre là où les choses s’étaient arrêtées, ou alors tout recommencer, sans penser au passé, mais sans oublier qui ils étaient. C’est cette deuxième option qui a été privilégiée, et la bonne. En gardant leur groove unique sous le coude, mais en occultant cette ultraviolence qu’on leur reprochait parfois, les originaires de Louisiane nous rappellent toute leur importance, et font la nique à la vague NOLA qui leur doit tant. Non qu’ils se soient apaisés, même si les textes apparaissent beaucoup plus matures qu’à l’époque, mais autant être franc, et assumer le virage Thrash qui s’est opéré sur ce comeback. On y trouve les morceaux les plus groovy de la carrière du groupe, les plus mélodiques aussi, les plus progressifs, pour une symphonie presque ininterrompue en l’honneur d’une créativité retrouvée. Et aussi étrange que cela puisse paraître, je n’aurais jamais pensé employer les noms de DEATH ANGEL et EXODUS en parlant d’EXHORDER. Pourtant, en écoutant la déflagration « My Time », il est impossible de ne pas les évoquer. Leurs versions les plus modernes, et les moins évidentes. Mais une fois le choc passé, le reste déroule le tapis rouge de l’excellence grâce à des compositions travaillées, et une hétérogénéité incroyable.
En simple clin d’œil au passé brutal et excessif, deux occurrences, à peine plus. L’entame vraiment méchante de « Hallowed Sound », avec ses blasts sortis de nulle part, et « Ripping Flesh » repris de la première démo de 1986, avec le bref retour sur le tabouret de batteur de celui des débuts, Chris Nail. Le reste se résume à des allusions, mais le tout donne vraiment le sentiment de ne pas courir après le temps perdu, et de se sentir bien dans son époque. Nous sommes en 2019, plus en 1990 ou 1992, et l’heure n’est plus au leadership, mais à la joie de jouer une musique vraiment riche et puissante. Sous cet aspect-là, et aussi étrange que ça paraisse, Mourn The Southern Skies est le meilleur album du groupe. Celui où les riffs de Vinnie La Bella sonnent le plus plein, naviguent, sinuent pour toujours trouver l’angle d’approche le plus idoine. Il y a la souplesse groovy de Dimebag dans ces plans-là, ce même Dimebag qui justement à beaucoup écouté les albums du groupe pour forger son style. Et sans revenir à l’anecdote interdite, écoutez « Asunder », et si vous n’y voyez pas le meilleur morceau que PANTERA et CORROSION OF CONFORMITY n’ont jamais enregistré, c’est que vous avez manqué quelque chose à l’histoire. Tout n’est pas parallèle sur ce disque, étonnamment apaisé. Il y a aussi des choses parfaitement individuelles, des suites qui donnent envie de s’asseoir et de regarder les nuages passer, avec le merveilleux « Yesterday's Bones » en fond sonore. Une redondance extraordinaire, une fluidité dans les idées, une guitare qui comme d’habitude tranche sans faire gicler, et une humeur du sud qui revient jusqu’en Europe. C’est progressif autant qu’un titre à tiroir peut l’être, mais surtout fascinant dans la facilité, comme si les thèmes débordaient de l’imagination. Et tout l’héritage de ce fameux sud nous en revient au visage avec le déhanché de « All She Wrote » que le gros Phil se devra d’envier au moment de rédiger ses propres mémoires. Paradoxe suprême de ce troisième effort, son côté dualité temporelle. Tous les morceaux claquent à la première écoute, et pourtant, demandent du temps pour être compris et vraiment appréciés. Comme si le groupe avait voulu empiler les couches pour laisser les années faire leur office, et révéler la vérité bien plus tard. Les quickies les plus faciles fonctionnent eux aussi sur plusieurs niveaux, comme la rythmique incroyable de « Rumination » qui rebondit sur une guitare élastique. Alors évidemment, beaucoup s’en tiendront au final homérique de « Mourn The Southern Skies » pour arguer du caractère de chef d’œuvre de l’ensemble. Ils préciseront que ces presque dix minutes, ces mélodies amères, la voix incroyablement puissante et émouvante de Kyle Thomas, cette lourdeur emphatique sont tout ce que la vague NOLA essaie de nous faire comprendre depuis son émergence, et qu’elle a dû attendre que l’outsider ultime, le colosse aux pieds d’argile revienne de son silence pour le démontrer clairement. Mais aussi essentiel et superbe soit ce final, il ne parvient pas à occulter toute l’importance de ce qui le précède. On entend du Anselmo dans la voix de Thomas, mais seulement en écho du passé. On entend surtout un très grand groupe, revenu de nulle part, en témoignage du présent. Un présent qui ne fait pas le deuil des nuages du sud, mais qui en suit la course en se disant que le temps est capricieux, mais parfois généreux.
« The sun is the same in a relative way but you're older, shorter of breath and one day closer to death. ».
Moribond, EXHORDER n’a pourtant jamais semblé aussi vivant.
Titres de l’album :
01. My Time
02. Asunder
03. Hallowed Sound
04. Beware The Wolf
05. Yesterday's Bones
06. All She Wrote
07. Rumination
08. The Arms Of Man
09. Ripping Flesh
10. Mourn The Southern Skies
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