Ah les amours d’été…Vous remarquez une jolie fille au camping, et vous la retrouvez le soir même dans la seule discothèque du coin. Alors, vous l’invitez gauchement à danser un blues sur la piste (« L’été Indien » ou « Le Petit Bonhomme en Mousse » font l’affaire), vous la faites rire avec deux ou trois boutades sur le commerce international, vous déposez un petit bisou sur ses lèvres, et vous marchez sur la plage, riant sous les étoiles les yeux embués de désir. Ou…
Ou alors, il y a aussi la méthode mexicaine des PYPHOMGERTUM. Vous remarquez une fille jolie ou non dans la rue, vous la coincez dans une impasse, lui démontez le vagin à coups de pied de biche, et puis vous la jetez dans le terrain vague le plus proche après utilisation. C’est moins romantique, mais plus pragmatique.
Fondé en 1992 à Mexico City, PYPHOMGERTUM est donc l’un des plus anciens représentants de la brutalité hispanique d’Amérique du Sud, et si son premier album n’a vu le jour qu’en 1996 après trois démos, son second long n’a été expulsé qu’en 2009, presque vingt ans après sa naissance aux forceps (et en plus, il ne s’agissait que d’un remake du premier, paye ta feignasse). Il faut dire que le bébé pesait déjà quinze kilos, et qu’il n’était pas du genre conciliant…ni constant. Une vie marquée par des hiatus et des colères braillantes dans son coin, un split en 1999 pour revenir en 2014.
Multiple Forms of Humiliation to Satan est donc le second longue-durée officiel des mexicains, qui ont cette fois-ci jeté toute leur vilénie dans la bataille. Conscients de leur statut de gardiens de la légende Death, les instrumentistes (Ángel Flores - basse, depuis 1992, Miguel Ángeles - guitare, depuis 1993, Oskar Baltazar - guitare, depuis 1993 et le petit dernier, Alex Camacho - chant, depuis 2016) ont donc mis leur gros paquet dans la balance pour jouer le Death le plus impénétrable et cryptique du marché. Un Death qui refuse l’évolution du style et les théories musicales de Darwin, et qui creuse la tombe de l’opportunisme avec un bel entrain.
Gravissime, violent, affreux, le Death des mexicains est à l’image d’un règlement de compte entre deux cartels à minuit, dans le cimetière le plus décati de la ville. Les riffs ne sont que des prétextes à soutenir les grognements d’un chanteur plein de ressentiment d’avoir laissé échapper le dernier pot de miel, la rythmique, quasiment indiscernable joue la vitesse et le beat d’arrière-plan, la basse sert de fondation qu’on ne remarque même pas, et le tout à des allures d’enterrement sans fleurs ni témoins dans un recoin peu recommandable de Mexico City.
Alors évidemment, avec des titres comme « Multiples Formes d’Humiliation », « Encore un morceau à l’Ossuaire », « Sculpté dans la Chair Morte » ou « Les Choses Mortes Pourrissent », pas la peine de s’attendre à du Ronsard ou du Baudelaire, et le Death des mexicains est aussi cru qu’il pouvait l’être dans les années 90 lorsqu’il était pratiqué par les esthètes de CANNIBAL CORPSE ou SUFFOCATION. De la pourriture qui empeste les naseaux, des restes de viande humaine sur la vieille table en bois dans la grange, de l’entrain dans le sadisme, et un manque d’empathie total pour les tympans. Mais le tout est judicieusement agencé, sonnant suffisamment tartare pour séduire les anti-végétariens, une linéarité de ton qui n’empêche pas les plans bien catchy (« Sculpted in Dead Flesh »), et un classicisme old-school très formel, mais efficace en diable.
Satan a donc la générosité de partager le spectacle avec nous, et reconnaissons que le tableau dépeint est bien morbide. Rien de bien neuf dans les caveaux moisis, le salpêtre fait suinter les pierres, et la monotonie post-mortem suscite un climat oppressant à défaut d’être passionnant. On a déjà assisté à des cérémonies plus barbares, mais l’attitude droite comme un piquet des PYPHOMGERTUM séduira la frange la plus primaire des fans de Death sourd, diffus mais efficace, de ceux qui aiment les guitares sous-accordées à outrance, les accélérations qui cassent les reins, et les grognements à rendre fou une troupe d’ours en rut.
On pourrait résumer l’affaire d’un lapidaire « tiens, voilà du bourrin mort », et la formule serait totalement idoine. Mais en restant fidèle à une recette vieille de plusieurs décennies, Multiple Forms of Humiliation to Satan est un blasphème qui s’apprécie en toute méchanceté, et qui donnera quelques frissons au psychopathe qui sommeille en vous les soirs de pleine lune.
Titres de l’album:
01. Dead Things Get Rot
02. Morbid Samples of Disintegration
03. Dismembering Belial
04. Sculpted in Dead Flesh
05. One More Piece to the Boneyard
06. Multiple Forms of Humiliation
07. Private Carnage
08. Unholy Blood
09. Impaled By the Sources of Death
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