C’est « déjà » l’heure du cinquième album pour la créature suédoise OFERMOD, et l’heure d’un bilan qui dresse un portrait assez fidèle de ce concept erratique, au parcours semé d’embuches. On le sait, OFERMOD obéit au doigt et à l’œil son leader, l’impétueux et imprévisible Michayah Belfagor, ce musicien blafard au physique impressionnant et aux mimiques grotesques, un leader au passé trouble qui aura du remiser au placard nombre de projets à cause de son passé criminel agité. Mais depuis quelques années, le leader affirme avoir trouvé la raison, se concentrant sur sa musique et la religion, et un an à peine après la sortie de Pentagrammaton, cet album maudit enregistré il y a plusieurs années, OFERMOD revient plus décidé que jamais, avec ce qui s’annonce déjà être son grand œuvre.
Depuis 1996, le concept ne s’est pas montré des plus prolifiques, pour les raisons déjà énoncées, ce qui ne l’a pas empêché de construire patiemment son univers, pierre après pierre, blasphème après blasphème, intervenant après intervenant, et aujourd’hui, cette nouvelle pièce ajoutée à l’édifice permet de célébrer le retour de Nebiros au chant, disparu depuis 2011.
En vingt-cinq ans d’existence, le quatuor a largement eu le temps de se construire un following fidèle et curieux, attirant de plus en plus d’adeptes dans sa Suède natale mais aussi en Europe, et la sortie de Mysterium Iniquitatis risque de grossir ces rangs de façon exponentielle. On le sait, l’attachement farouche de Belfagor au Black de son propre pays, ce Black des origines, truffé de mélodies infernales et de brutalité viscérale est le moteur principal de son inspiration, et ce nouvel album ne fait aucunement exception à la règle. Le meneur connaissait les enjeux, et il a relevé le défi avec une morgue le confinant à la provocation, mais en soit, l’effort méritait un traitement exceptionnel de la part de son géniteur. Et solidement épaulé par une formation aux rangs serrés, Michayah a mis le paquet pour retrouver sa grandeur d’antan.
De sa composition à son enregistrement, de ses riffs porteurs à ses arrangements ciselés, de son énergie brute à son romantisme morbide, ce cinquième album est l’achèvement dont tout le monde rêvait. Plongée dans les abysses du Metal noir des nineties, lorsque les pays nordiques régnaient en maître sur le mal musical, Mysterium Iniquitatis mixe les influences, convoque aux agapes MARDUK et MAYHEM, mais aussi DARK FUNERAL, tout en rendant hommage au BM de l’est, si empreint de tradition folklorique harmonique. Dans un registre classique n’excusant aucune approximation ou faute de goût, ce nouveau chapitre est compact, solide, impressionnant de grandeur et de décadence, et sublime de grandiloquence, notamment grâce à ce chant théâtral et dramatique qui ponctue chaque couplet de ses litanies étranges et occultes.
L’album est d’ailleurs introduit par un brouillard de cordes délicates, ce qui ne fait qu’accentuer cette sensation de traquenard qui nous attend au détour de la forêt. Et en effet, il ne suffit que de quelques mesures pour que l’atmosphère ne change radicalement, nous entraînant dans un ballet de brutalité à peine interrompu par quelques breaks plus accessibles.
Dans le fond et la forme, OFERMOD est aussi classique que les grands prêtres ont pu l’être dans les années 90, développant un argumentaire de vente on ne peut plus traditionnel basé sur des riffs circulaires et/ou dissonants, agrémentant son fiel d’une douceur amère d’harmonies létales piquant les chairs à vif de leurs énormes aiguilles. On reconnait évidemment les racines d’un musicien ayant baigné dans l’occultisme de ses contemporains, et si le tout peut gêner d’un traditionalisme poussé, il devient vite évident que le combo n’a pas souhaité s’éloigner de ses influences historiques. Le seul but de ce cinquième chapitre était alors de proposer l’album le plus solide et imperfectible possible, et en ce sens, l’opération est réussie. Et en se basant sur des constructions longues et évolutives, Mysterium Iniquitatis ne fait pas grand mystère de ses inclinaisons, et nous ramène à l’époque où la Suède, tout comme la Norvège, avait vendu son âme au grand cornu.
Les variations sont à chercher du côté des détails qui jonchent les compositions, et leur apporte luxuriance et opulence. Les arrangements de voix, en couches superposées, ces leitmotivs hurlés au-delà de toute humanité, cette basse sinueuse et vicieuse de R. Fjäll, cette frappe sèche et presque paisible en mid-tempo, et ce partage des rôles entre Nebiros et Anomias font de cette nouvelle histoire sombre l’un des chapitres les plus passionnants d’une histoire née il y a bien longtemps.
Et en tergiversant entre l’impact morbide d’un « Poraios De Rejectis », lourd et sentencieux comme une peine de mort, et la bestialité ouverte de « Consecration », OFERMOD couvre tout le terrain possible, après avoir pris soin de dégager les branches et les ronces sur l’ouverture dantesque de « Mysterium Iniquitatis ».
Rien n’a donc été laissé au hasard, même pas cette clôture en aveu qu’est « Loyal to Belial », hymne parmi les hymnes, qui renvoie dans les cordes le pourtant légendaire « Souls for Belial » de MARDUK, et en laissant tourner l’œuvre plusieurs fois entre vos oreilles, vous constaterez de vous-même que ce nouvel album est bien la réussite totale que l’on était en droit d’attendre d’un groupe unique au parcours irrégulier.
En restant le plus classique possible, Michayah Belfagor a une fois encore accompli un pas de géant vers la perfection, ce qui n’est pas le moindre des paris. Cruel, sombre, insistant, Mysterium Iniquitatis est un petit chef d’œuvre de formalisme, qui crache dans les trompettes de Jéricho pour annoncer l’apocalypse à sa façon.
Titres de l’album:
01. Mysterium Iniquitatis
02. Inax Ya Lil
03. When the Blacksmith Killed the Shepherd
04. Arteria Uterina
05. Sacrosanctus
06. Poraios De Rejectis
07. Consecration
08. Loyal to Belial
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