Le Brésil, une pochette exemplairement grossière, des titres de morceaux qui ne laissent pas plus planer de doute que ce nom de baptême très honnête, c’est donc un retour aux fondamentaux que les originaires de Rio de Janeiro de THRASHERA nous proposent, et pas le premier. Fondé en 2010 et très actif dans l’underground, ce collectif aux positions passéistes très affirmées nous a déjà exposé ses vues sur pas moins de deux longue-durée, mais surtout sur une myriade de supports, donc un paquet de splits en compagnie de plein de monde (GALOPE MORTAL, ZEBARGES, FLAGELADÖR, RUBBISH MOB, INFESTATOR, SPAVALDERY, SUFFOCATION OF SOUL, WARPATH, ANGRY, ORGIA NUCLEAR, DEATHCHARGE, ARMA, PRAGA, MADDÖG), mais aussi des démos, des live, et des compilations aux titres évocateurs et poétiques (Drunk'n'Roll - Only Loser Is Real, subtil hommage à DARKTHRONE). Inutile donc d’attendre la moindre preuve de finesse de la part de ces barbares qui ne conçoivent leur Metal que pur, provocateur, passéiste et non édulcoré. Mais avec un line-up aux pseudos sentant bon la provocation cheap (Chakal - chant, Madcrusher - guitare, Bode de Sade - guitare/chœurs, Anras Vardamir - basse/chœurs et Surtur Impurus - batterie), des textes pas foncièrement concernés par la philosophie ou les atermoiements littéraires, des graphismes à faire se pâmer tous les fans de série B violente du monde entier, des une sympathie affichée pour la bière, le sexe, le cuir et les clous, pas de confusion possible. Les THRASHERA sont de gros et gentils bourrins dont l’éphéméride est resté bloqué sur 1985, et les influences coincées entre leur propre pays et les Etats-Unis, un peu plus au nord. Du Thrash donc, qui n’est ni groovy, ni évolutif, encore moins progressif et surtout pas technique, à faire passer les plus rudimentaires des instrumentistes pour des jazzmen expérimentés, mais un plaisir immédiat, celui de retrouver les sensations éprouvées dans les eighties lorsque le Metal commençait à durcir le ton.
Que les fans de For All Drunks 'n' Bitches et Morte Webbanger, les deux premières « œuvres » du combo se rassurent, le quintet n’a rien changé à son approche. On retrouve sur Nao Gosto! tous les ingrédients qui avaient fait de ces premiers longs les pastiches incroyablement pertinents qu’ils étaient sont encore présents, renforcés, puisque la seule philosophie du groupe est de jouer gras, grave, vite, et sans arrière-pensée. Rendant ainsi hommage à leur scène nationale la plus brute et aux prémices du Thrash brésilien, les THRASHERA ne sont pas sans évoquer une sorte de melting-pot international des combos les plus bruts et sans artifices de leur époque. A l’écoute de ces huit titres, on pense irrémédiablement à un nom bien précis, celui des WHIPLASH, qui prônaient en leur temps les mêmes valeurs de franchise et de brutalité, mais impossible de ne pas associer cette référence à d’autres combos tout aussi primitifs, dont CARNIVORE, VULCANO et BULLDOZER, pour produire le cocktail servi ici bien épicé. Les chansons sont la plupart du temps basées sur une idée unique plus ou moins modulée, soutenue par un tempo inamovible, un chant régurgité dans la caverne d’à côté, le tout joliment emballé par des textes d’une profondeur incroyable. Alcool, sexe, violence, on pense à EXCITER, à TANKARD, et à tous ceux qui ont décidé un jour que le Metal se devait d’être festif et exutoire, sans se préoccuper du monde extérieur. Et après une intro scandée grandiloquente qu’AC Wild de BULLDOZER n’aurait pas reniée, c’est parti pour un trip nostalgique qui ne connaîtra que très peu de modulations et variations. D’ailleurs, il n’y en a presque aucune, mis à part quelques inserts plus ou moins mélodiques sur les premières secondes, et quelques breaks plus ou moins bien amenés.
D’ailleurs, les THRASHERA jouent franc jeu, et admettent leurs inclinaisons dès le départ. Entre ce titre (j’aime pas !) qui veut clairement dire que tout ce qui est moderne déclenche des crises d’urticaire, des morceaux qui avouent sans ambages leur passion du passé et l’impossibilité de s’en extraire artistiquement parlant (« Trapped in the 80’s (Hard version) »), d’autres qui cernent efficacement le terrain balisé (« Metal! »), le jeu est clair, la donne persistante, et le résultat aussi linéaire qu’un soundcheck de SEPULTURA en 1984. On pense évidemment à VENOM pour ce côté rustique et gentiment paillard, on se dit souvent que les soli ne sont pas forcément indispensables, on aimerait parfois que le quintet ose des choses un peu moins prévisibles, surtout après tant d’années, mais on reste admiratif face à cette passion sans bornes qui dévore les âmes et les instruments. Sans être des modèles de dextérité, les musiciens font le job, utilisant des recettes largement éprouvées, et si des albums comme The Day of Wrath et Power and Pain déclenchent chez vous un headbanging ininterrompu et des crises d’euphorie viscérales, alors il en sera de même avec Nao Gosto! qui pendant trente-cinq minutes en reproduit tous les tics, allant même jusqu’à copier ce son si sourd qui transforme la grosse caisse en baril de lessive. Produit honnêtement selon les standards en vogue dans l’underground Thrash, ce troisième album, aussi rudimentaire soit-il parvient quand même parfois à évoquer la rage diabolique des prémices d’EXODUS (« Metal! », le vrai hit de l’album, avec son refrain braillé à l’allemande avec l’accent brésilien), tout en proposant une reprise inconnue qui clôture l’album joyeusement, sans dévier d’un pouce de sa trajectoire (« Igreja »).
Il est tout à fait possible de trouver le chant poussif et geignard, de regretter que les riffs ne soient pas plus solides et touffus, mais l’un dans l’autre, cette démonstration de classicisme n’est pas sans charme, ne serait-ce que pour son évocation d’un lointain passé qui a forgé nos goûts et personnalités. Tout ça mérite une bière bien fraiche et bien secouée!
Titres de l’album :
01. Intro Víbora Resistente / Não Gosto!
02. Maré 669
03. Rei dos Excessos
04. Sangue ao Metal
05. Trapped in the 80’s (Hard version)
06. Metal!
07. Correntes Não Prendem Serpentes
08. Igreja (TITÃS cover)
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