Changeons complétement de décor, de pays, et de tendance. Après l’Italie mélodique de Frontiers, voici la France sombre et étrange des Acteurs de l’Ombre. Nouvelle salve de sorties pour le cheptel de Gérald, qui a mis le paquet niveau diversité pour nous envouter, et qui nous propose en ce mois d’aout quatre groupes aussi différents que cohérents à sa politique artistique, et c’est par le plus complexe, le plus tordu et inclassable que nous allons débuter cette analyse globale.
1/2 SOUTHERN NORTH et son baptême étrange est loin d’être un émergeant sur la scène Doom/Black européenne. Venant de Kalamata en Grèce, ce concept étrange et polyculturel nous propose aujourd’hui un gigantesque album, aux proportions épiques et aux ambitions pantagruéliques. Comme beaucoup d’autres groupes, 1/2 SOUTHERN NORTH n’en est pas vraiment un, mais bien le vecteur d’expression d’un musicien solitaire, vaguement accompagné de pairs pour l’enregistrement, mais totalement seul dans la composition. Et plutôt que « seul », je devrais d’ailleurs dire « seule », puisque le musicien derrière ce projet est musicienne.
IDVex aka Ifigeneia Derizioti a déjà un lourd passé dans l’extrême, a multiplié les ensembles et les collaborations, s’éparpillant sur de nombreux splits pour mieux se concentrer sur ce projet principal, qui mêle toutes ses influences pour en faire un énorme cake au coulis épais, et au biscuit étrangement amer. Ifigeneia Derizioti a confié l’enregistrement, le mixage et le mastering à George Dimitrakopoulos au Bandapart Recording Studio, et a invité quelques amis pour poser quelque voix ou interventions instrumentales folkloriques avec au casting VIP Philippos Lyrintzis (batterie), George Kastanos (Saxophone), Efraimia Giannakopoulou (violon), Dimitris Soureas (davul), Stavros Panagiotopoulos (kaval), Malena Pereske (dahare) et Polytimi Noea (textes en grec ancien).
Des instruments étranges faisant partie de la culture de la musicienne, des morceaux incroyablement longs et intenses, pour une apnée dans un Doom occulte et délicatement Black. Et autant jouer la franchise, je n’avais pas écouté un album capable de me transporter aussi loin depuis très longtemps, ce qui est généralement très bon signe. IDVex, capable de singer Diamanda GALAS, Nina HAGEN, MYRKUR, mais aussi les cadors Doom de l’orée des années 80, ou COVEN et ses incantations maléfiques, nous offre là un album incroyable, sombre, stellaire, voué aux anciens Dieux grecs mais aussi au Lucifer le plus insistant. On reste pantois face à cette interprétation habitée et ces textures empilées, donnant un réel aperçu de l’énorme talent de la musicienne grecque, bien décidée à se construire un monde unique qu’elle modèle à son image.
Souvent fidèle à mes principes de modération, pour rester purement objectif, je les abandonnerai ici pour souligner le caractère majestueux et fascinant d’un disque qui nécessite des dizaines d’écoutes pour seulement commencer à révéler sa richesse. En confrontant la structure de base du Doom (lenteur, insistance, redondance) à une instrumentation plus légère et folklorique, 1/2 SOUTHERN NORTH signe un tableau en triptyque, dont les détails ne sont perceptibles qu’aux passionnés. Je pensais que la durée de Narrations of a Fallen Soul serait définitivement rédhibitoire, et pourtant, aucun titre ne semble étiré au-delà du raisonnable, et toutes les idées sont exploitées à plein régime. On s’en rend d’ailleurs rapidement compte en encaissant la prise de contact « Alpha Sophia », qui en douze minutes tente le tour du propriétaire, pour finalement plus cacher que montrer. Incroyable de constater qu’une artiste soit capable de trousser un tel dédale de couloirs, de fausses portes, pour nous immerger dans sa psyché torturée en faisant de nous des prisonniers volontaires.
Chef d’œuvre en devenir ? Non, chef d’œuvre actuel, rien de moins. En brodant sur les obsessions seventies les plus ténébreuses, 1/2 SOUTHERN NORTH substitue la chanteuse de COVEN par une Diamanda GALAS moins obsédée par le Sida et les péchés que d’ordinaire, et livre une prestation de haute volée, incantatoire, et un acte de contrition envers un Dieu qui n’est pas celui des hommes, mais celui d’un autre univers, où le péché est salué, loué et encouragé. Et l’un dans l’autre, entre BLACK SABBATH et les envolées en solo de Natasha Khan (SEXWITCH principalement), entre Paul CHAIN et CHRISTIAN DEATH, Narrations of a Fallen Soul est une descente aux enfers délicieuse, avec un guide qui connaît bien ces escaliers en spirale….
Le décalage entre l’atonalité de l’instrumental et le lyrisme de la voix de tète est évidemment l’un des points forts de cette réalisation, qui créé un modèle unique pour nous éloigner d’une réalité pesante. Entre chansons traditionnelles du répertoire grec et manipulation BM, ce nouvel album réserve des surprises énormes, comme ce mantra « Narrations of a Fallen Soul », maculé de sons électroniques, d’arrangements modernes et qui pourtant donne le sentiment d’émerger de la nuit des temps.
Agencement complexe de chansons logiques, ascenseur émotionnel qui vous oblige à regarder votre propre nature en face, Narrations of a Fallen Soul a de faux airs d’introspection conseillée. Et si de temps à autres, des plans rappellent le FLOYD ou ARCHIVE (« Remnants of Time »), et si le final totalement incongru en reprise de BATHORY referme la porte en laissant le mystère planer (et qui suggère un apprentissage de la cover chez Tori Amos ou Siouxsie Sioux), 1/2 SOUTHERN NORTH reste une énigme merveilleuse de surprise dans un univers sclérosé de convenances.
L’album de l’année en terme d’ambitions, et celui de la décennie si l’on restreint le champ d’application au Doom et ses extensions bâtardes. Qu’il est bon de se perdre parfois…
Titres de l’album :
01. Alpha Sophia
02. Hearts of Hades
03. Breastfeed Your Delightful Sorrow
04. Elegy of Hecate
05. Narrations of a Fallen Soul
06. Remnants of Time
07. Song to Hall Up High (BATHORY Cover)
Extraordinaire album ! En tout point d'accord avec cette chronique. De mon côté l'influence de CHRISTIAN DEATH est plus que perceptible en effet.
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30