Nature Morte

Penitence Onirique

03/11/2023

Les Acteurs De L'ombre Productions

« Je rêvais d’un autre monde », chantait Jean-Louis Aubert. A l’époque les illusions avaient toujours cours, mais en 2023, rêver d’un autre monde semble temps perdu à espérer un quelconque revirement de situation qui n’interviendra jamais. En tout cas, dans un sens positif. Alors, que nous reste-t-il finalement ? Le rêve, seule échappatoire possible, mais selon conditions, et sous la limite des stocks disponibles. Car même la divagation nocturne nous confronte à un Dieu omniscient qui exige la pureté de l’âme. Et la pénitence pour avoir défiguré son monde parfait.

Une PENITENCE ONIRIQUE.

Au sens propre, le groupe de Chartres nous propose justement sa troisième vision des choses, après l’alchimie de V.I.T.R.I.O.L et le noir et blanc de Vestige. Leader de la nouvelle scène Black Metal, PENITENCE ONIRIQUE avait un sacré challenge à relever. Celui d’un troisième album qui se devait d’être sans défauts, et aussi sauvage que les deux premiers. Mais le poulain des Acteurs de l'Ombre était parfaitement conscient de cette barrière à sauter, et livre avec Nature Morte le postulat définitif que l’on était en droit d’attendre de lui.

« Une authentique nature morte naît le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d'organiser en une entité plastique un groupe d'objets. Qu'en fonction du temps et du milieu où il travaille, il les charge de toutes sortes d'allusions spirituelles, ne change rien à son profond dessein d'artiste : celui de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets et leur assemblage. » (Charles Sterling)

Cette définition de la Nature Morte est la plus proche possible de la démarche artistique du quintet (Bellovesos et Vorace - guitares, Diviciacos - chant, Dimiourgos - basse et Cathbad - batterie), qui navigue encore à vue dans les différentes eaux de son courant d’origine. Entre agressivité sèche et lancinance renoncée, PENITENCE ONIRIQUE nous embarque encore dans les cales de la nuit, enchaînés à nos propres cauchemars, et nous confronte à la réalité d’un monde qui a effacé le sens du mot « empathie » depuis longtemps.

Dès lors, ce Black classique et subtilement nostalgique balaye les derniers doutes qui pouvaient subsister, à grands coups d’accélérations mortelles et d’atermoiements moribonds. La solitude, le drame, l’introspection, l’acceptation d’un destin funeste, quelques actes d’attrition, la grandiloquence dans la punition et la foi indéfectible envers une brutalité sourde et inévitable, transforment ce troisième album en tableau inquiétant d’une humanité qui n’en est plus que de nom, et en lieu et place d’objets inanimés, PENITENCE ONIRIQUE peint des hommes et des femmes qui depuis fort longtemps, ne sont plus qu’éléments d’un décor et non acteurs de leurs existence.

Nature Morte reprend donc les éléments connus de la discographie du quintet, pour en proposer une synthèse admirable, empruntant des éléments de Black atmosphérique, de Post-Black, mais aussi de cette violence froide des jeunes années noires. Bâti comme un crescendo horrifique, il se regarde comme on décompose une peinture détail par détail, révélant sa richesse par petites touches, avec un brossé remarquable qui autorise toutes les nuances de noir et blanc, les espaces positifs et négatifs, dans un équilibre qui trouve son apogée sur le précieux et délicat « Lama Sabachthani », intermède mélodique qui permet de couper l’effort en deux pour en supporter la pression.

Mais aucun doute à avoir : les rêves de PENITENCE ONIRIQUE sont toujours aussi violents, traumatisants, et soulignés de symboles et autre esthétique morbide, entre Eros et Thanatos, la beauté du Black Metal et la mort des espoirs déchus.

En tant que troisième étape, Nature Morte est un succès incontestable. Son évolution est calibrée, mais son énergie débridée. On reprend les choses-là ou Vestige les avait stoppées, pour continuer un voyage démarré en 2016, d’une façon encore un peu désorganisée, mais professionnalisé depuis pour atteindre une perfection difficilement contestable.

Les longs morceaux se succèdent, utilisant tous les codes nécessaires, entre aplatissement funèbre et dissonances irritantes, entre histoire fantasmée et rêve concret, pour un dur réveil qui sonne au pire moment d’un sommeil paradoxal agité. L’heure est donc à la gravité, comme le souligne impeccablement « Je Vois Satan Tomber comme L’éclair », ange chassé du paradis pour hanter les couloirs de l’enfer, et la voix impressionnante de Diviciacos se veut narratrice d’un délire diurne dicté par une phobie nocturne.

En accumulant les breaks, les parties indépendantes, PENITENCE ONIRIQUE filme sa musique comme un réalisateur sonorise sa pellicule. Précipitation, brutalité sans pitié, et traditionalisme revu et corrigé, pour un remake des grandes œuvres du cru, retentissant au son d’un « Pharmakos » tassé comme des piles de corps dans un charnier.

Peut-on encore fermer les yeux sur cette créativité en phase avec un monde à l’agonie ? Non, car l’achèvement que représente ce troisième album définira les œuvres à venir du quintet de Chartres. La barre de qualité a été placée si haute qu’il sera difficile de la franchir sans prendre de risques, mais en l’état, Nature Morte est un bilan exhaustif et précis des huit premières années d’existence de ce groupe unique, aussi attaché à l’intégrité qu’ouvert au champ des possibles.

A vous de rêver d’un autre monde, tout en sachant qu’il n’existera probablement jamais.

       


Titres de l’album:

01. Désir

02. Les Mammonites

03. Nature Morte       

04. Lama Sabachthani           

05. Je Vois Satan Tomber comme L’éclair   

06. Pharmakos

07. Les Indifferencies


Bandcamp officiel


par mortne2001 le 25/10/2023 à 17:30
85 %    774

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