« Je rêvais d’un autre monde », chantait Jean-Louis Aubert. A l’époque les illusions avaient toujours cours, mais en 2023, rêver d’un autre monde semble temps perdu à espérer un quelconque revirement de situation qui n’interviendra jamais. En tout cas, dans un sens positif. Alors, que nous reste-t-il finalement ? Le rêve, seule échappatoire possible, mais selon conditions, et sous la limite des stocks disponibles. Car même la divagation nocturne nous confronte à un Dieu omniscient qui exige la pureté de l’âme. Et la pénitence pour avoir défiguré son monde parfait.
Une PENITENCE ONIRIQUE.
Au sens propre, le groupe de Chartres nous propose justement sa troisième vision des choses, après l’alchimie de V.I.T.R.I.O.L et le noir et blanc de Vestige. Leader de la nouvelle scène Black Metal, PENITENCE ONIRIQUE avait un sacré challenge à relever. Celui d’un troisième album qui se devait d’être sans défauts, et aussi sauvage que les deux premiers. Mais le poulain des Acteurs de l'Ombre était parfaitement conscient de cette barrière à sauter, et livre avec Nature Morte le postulat définitif que l’on était en droit d’attendre de lui.
« Une authentique nature morte naît le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d'organiser en une entité plastique un groupe d'objets. Qu'en fonction du temps et du milieu où il travaille, il les charge de toutes sortes d'allusions spirituelles, ne change rien à son profond dessein d'artiste : celui de nous imposer son émotion poétique devant la beauté qu'il a entrevue dans ces objets et leur assemblage. » (Charles Sterling)
Cette définition de la Nature Morte est la plus proche possible de la démarche artistique du quintet (Bellovesos et Vorace - guitares, Diviciacos - chant, Dimiourgos - basse et Cathbad - batterie), qui navigue encore à vue dans les différentes eaux de son courant d’origine. Entre agressivité sèche et lancinance renoncée, PENITENCE ONIRIQUE nous embarque encore dans les cales de la nuit, enchaînés à nos propres cauchemars, et nous confronte à la réalité d’un monde qui a effacé le sens du mot « empathie » depuis longtemps.
Dès lors, ce Black classique et subtilement nostalgique balaye les derniers doutes qui pouvaient subsister, à grands coups d’accélérations mortelles et d’atermoiements moribonds. La solitude, le drame, l’introspection, l’acceptation d’un destin funeste, quelques actes d’attrition, la grandiloquence dans la punition et la foi indéfectible envers une brutalité sourde et inévitable, transforment ce troisième album en tableau inquiétant d’une humanité qui n’en est plus que de nom, et en lieu et place d’objets inanimés, PENITENCE ONIRIQUE peint des hommes et des femmes qui depuis fort longtemps, ne sont plus qu’éléments d’un décor et non acteurs de leurs existence.
Nature Morte reprend donc les éléments connus de la discographie du quintet, pour en proposer une synthèse admirable, empruntant des éléments de Black atmosphérique, de Post-Black, mais aussi de cette violence froide des jeunes années noires. Bâti comme un crescendo horrifique, il se regarde comme on décompose une peinture détail par détail, révélant sa richesse par petites touches, avec un brossé remarquable qui autorise toutes les nuances de noir et blanc, les espaces positifs et négatifs, dans un équilibre qui trouve son apogée sur le précieux et délicat « Lama Sabachthani », intermède mélodique qui permet de couper l’effort en deux pour en supporter la pression.
Mais aucun doute à avoir : les rêves de PENITENCE ONIRIQUE sont toujours aussi violents, traumatisants, et soulignés de symboles et autre esthétique morbide, entre Eros et Thanatos, la beauté du Black Metal et la mort des espoirs déchus.
En tant que troisième étape, Nature Morte est un succès incontestable. Son évolution est calibrée, mais son énergie débridée. On reprend les choses-là ou Vestige les avait stoppées, pour continuer un voyage démarré en 2016, d’une façon encore un peu désorganisée, mais professionnalisé depuis pour atteindre une perfection difficilement contestable.
Les longs morceaux se succèdent, utilisant tous les codes nécessaires, entre aplatissement funèbre et dissonances irritantes, entre histoire fantasmée et rêve concret, pour un dur réveil qui sonne au pire moment d’un sommeil paradoxal agité. L’heure est donc à la gravité, comme le souligne impeccablement « Je Vois Satan Tomber comme L’éclair », ange chassé du paradis pour hanter les couloirs de l’enfer, et la voix impressionnante de Diviciacos se veut narratrice d’un délire diurne dicté par une phobie nocturne.
En accumulant les breaks, les parties indépendantes, PENITENCE ONIRIQUE filme sa musique comme un réalisateur sonorise sa pellicule. Précipitation, brutalité sans pitié, et traditionalisme revu et corrigé, pour un remake des grandes œuvres du cru, retentissant au son d’un « Pharmakos » tassé comme des piles de corps dans un charnier.
Peut-on encore fermer les yeux sur cette créativité en phase avec un monde à l’agonie ? Non, car l’achèvement que représente ce troisième album définira les œuvres à venir du quintet de Chartres. La barre de qualité a été placée si haute qu’il sera difficile de la franchir sans prendre de risques, mais en l’état, Nature Morte est un bilan exhaustif et précis des huit premières années d’existence de ce groupe unique, aussi attaché à l’intégrité qu’ouvert au champ des possibles.
A vous de rêver d’un autre monde, tout en sachant qu’il n’existera probablement jamais.
Titres de l’album:
01. Désir
02. Les Mammonites
03. Nature Morte
04. Lama Sabachthani
05. Je Vois Satan Tomber comme L’éclair
06. Pharmakos
07. Les Indifferencies
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15