Avouez que de temps en temps vous avez envie de tout envoyer balader. Boulot, maison, amis, hobbies, chien, chaises, moquette, téléphone portable, l’épicier du coin qui vous refourgue des trucs périmés, les photos de famille, le mixeur, et même le paillasson dans la gueule du postier qui vous laisse des avis de passage alors que vous êtes à la porte. Bref, le ras-le-bol, la fatigue, le burn-out, appelez-ça comme vous voudrez, mais on ressent tous ça un jour. Moi c’est en ce moment. Tout me saoule, un rien me fatigue, un pas grand-chose m’énerve, et je ne sais pas comment aborder les choses. Alors, de temps à autres, entre deux petites pilules, je m’envoie une bonne rasade de Grind. Mais du costaud, pas du marrant en calembour, non, du vrai, du méchant, du poilu, du qui pue et qui ne se lave pas la tête. Du Grind avec des malandrins qui hurlent comme des gorets et des ours, avec un batteur qui ne connaît que deux tempi, un bassiste surdistordu, un guitariste qui recycle Birmingham, et une ambiance générale de démence instrumentale. Il faut dire que j’ai connu les débuts de la scène, son explosion, son crash en plein vol et ses esthètes qui continuent le combat. J’ai connu les productions Earache de Dig, j’ai connu AGATHOCLES, j’ai connu REPULSION réédité sur Necrosis, j’ai connu S.O.D, SORE THROAT, SUBLIME CADAVERIC DECOMPOSITION, DECHE CHARGE, ANAL CUNT, ASSUCK, NASUM, et puis tout un paquet d’autres qui évoluent dans l’underground depuis leur naissance et qui y mourront sans doute. J’ai connu les singles épais d’une minute, les splits en single-tape, les trucs lâchés par douze maisons de disques sur onze pays différents, enfin tout. Depuis les premiers hurlements de Scum, et les régurgitations de Horrified. Alors je peux vous dire que si un taré pète plus vite que son ombre du côté de Santiago, je suis le premier à l’entendre et à chroniquer sa démo anale. Natale. Bref.
Le bon Grind, on y revient. C’est comme le bon chasseur, il ne tire pas n’importe comment, vise, mais une fois la cible dans le viseur, les cartouches tombent. Celles tirées par les brésiliens de BAIXO CALÃO ne sont pas à blanc, je vous le garantis, et laissent des plaies béantes dégoulinant de sang. Il faut dire que ces canardeurs n’ont pas appris à recharger leur pétoire hier, puisque leur premier baptême du feu date de 1996. Alors, ok, on pose le truc cinq minutes, Grind, Brésil, 1996, avec ça, on attend une discographie longue comme soixante-seize versions de « You Suffer » remixées par Mick Harris. Sauf que s’ils sont efficaces et puissants, les originaires de Belem ne sont pas les plus productifs. Là où leurs frères d’armes bousillent dix cartouchières par mois en multipliant les splits, les singles, les compilations et les EP, eux se contentent de deux démos en 2003 et 2004, deux albums dans la foulée (Tu Crias en 2008 et Atmo Mediokra en 2012, soit presque dans la foulée), et puis entre 2013 et 2018, quelques splits propres avec SLAG, CHIKARA, MASISI, SRAM, ou VJÖLENZA. En gros, un trou dans l’emploi du temps de huit ans pour enfin savourer leurs efforts sur longue-durée, et ce Necrológio que les fans de boucan attendaient certainement impatiemment. Selon le site bien pratique Reverso, le nom du groupe signifie :
Après écoute du machin en question, vous pouvez déjà biffer la seconde définition, qui ne s’applique décidément pas ici. Mais gardez les deux autres. Parce que cet album est effectivement sous pression, et qu’il est aussi graveleux que tonton Pablo qui se lâche à l’apéro.
Pour autant, pas question de paillardise, mais bien d’un Grind sud-américain qui n’a pas oublié d’écouter ce qui se fait en Crust en Suède et en Angleterre, et qui accommode les restes saignants à sa recette magique. Et après une courte intro exotique, BAIXO CALÃO rentre dans le vif du sujet à grands coups de machette et nous charcle d’un impitoyable « Necrologio », rappelant les méthodes de dépeçage magiques de BRUTAL TRUTH, le tour agité d’une grosse dose de démence à la BRUJERIA. Car le Grind des brésiliens est très métallisé, très dense et épais, et lâche d’énormes riffs. Le quintet (Leandro Pörckö - chant, Beto Core - chant, Danilo Leitão - guitare, Marcio Old man - basse et William Gomes - batterie) appuie donc sur toutes les pédales pour nous livrer un véritable festival de Grind/Crust/D-Beat de première bourre, atteignant l’intensité de THE KILL et la vélocité d’INSECT WARFARE. On mange donc chaud, méchamment pimenté, et les morceaux passent mais l’inspiration jamais ne trépasse, et la demi-heure proposée est un vrai délice de cruauté. Quelques inserts pour faire joli et coller au thème, de courts moments de folie pure qui n’oublient pourtant pas de plaquer des licks en glaviot Heavy (« Insantidades »), mais du solide, de l’ultrarapide, de l’ultraviolent, des clins d’œil à NAPALM et NASUM (« Otromismo »), mais surtout, de quoi redonner du sens au mot « extrême ». De vrais chansons, et pas de simples excuses pour blaster et grogner, un respect du fan qui se voit caressé dans le sens des poils, de petites blagues appréciables (« Aqui Jazz », Jazz de pauvres qui dégénère en fiesta Crust de première bourre), un peu de variations pour mosher sans pantalon (« Cadaver de Poeta »), et en gros, tout ce qui fait que le Grind est toujours l’exutoire le plus efficace à la violence intérieure et extérieure.
Vous pouvez envoyer valser le canapé par la fenêtre, ça vous fera du bien aussi. Mais écouter BAIXO CALÃO coûte moins cher en assurances.
Titres de l’album :
01. Necrologio
02. Marcha Luxuriante
03. Solipsista
04. Agitacoes No Sistema Limbico
05. Nada Poder
06. Esboroavel
07. Insantidades
08. Perfunctorio
09. Panoplias Contemporaneas
10. Oximoros
11. Essencial Ignom?nia
12. Otromismo
13. Aqui Jazz
14. Cadaver de Poeta
15. Animalia Dei
16. Cesio 137
17. Epilogo
18. Datilocavando
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21/11/2024, 08:46
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