Je ne pensais pas que l’air de Wolfsbourg était si vicié. Ceci étant dit, je connais mal cette ville de Basse-Saxe, alors, il n’y a guère de quoi s’étonner, certaines cités exhalant un délicieux parfum de mort et de pourriture, partout dans le monde. Mais cette dernière cache un petit secret, vite éventé. Elle a en effet été le cadre de la naissance d’un des groupes les plus laids de la scène Death Metal, CRYPTIC BROOD. Une portée hargneuse, avec les dents en avant et le poil rêche, prête à mordre à la première occasion et vous refiler des parasites plein la maison.

CRYPTIC BROOD est un trio que l’on hésitera à qualifier de Power eu égard au style pratiqué. Mais Steffen Brandes (batterie/chant), Richael Lehner (guitare/chœurs) et Dennis Butzke (basse/chant) savent quand même utiliser la puissance, pour nous mettre en terre sous la lune faiblarde. Sevrés de Metal morbide depuis leur plus tendre enfance, les trois musiciens recyclent comme l’appellation old-school le précise, mais le font avec un panache certain, loin des démarcations à peine modulées de la concurrence. N’espérez donc pas tomber sur une influence marquante, puisque les trois compères ont bien compilé leurs références. Et si le nom d’AUTOPSY est le premier à venir à l’esprit, beaucoup d’autres vous agiteront le bocal pour brouiller les pistes de vos synapses.

Laid, purulent, lent et odorant, Necrotic Flesh Bacteria fait honneur à sa pochette de l’horreur, et nous sert faisandés des riffs congelés, qui une fois sortis du freezer se périment dans l’heure. On sent que l’importance de la scène américaine a eu un impact énorme sur ces gars, qui en utilisent toutes les ficelles avec le brio d’un marionnettiste. La guitare est grasse, la basse énorme et bien grave, et le chant déliquescent, comme une tapisserie moisie qui se décolle d’un mur aux inscriptions morbides et cryptiques.

Il leur aura fallu cinq ans pour revenir par la petite porte, et ainsi offrir à Outcome of Obnoxious Science un digne successeur. Un croque-mort chasse donc l’ancien, mais la méthode est toujours la même. Une suite de plans aux vitesses variées, une bordée de mélodies avariées, et beaucoup d’agressivité, parfois renoncée, souvent plaquée, pour nous traîner jusqu’aux origines macabres. Du déjà vu et entendu, mais joué avec brio, et une passion qu’on ne saurait remettre en question.

Mixé et masterisé au Hellforge Studio, ce troisième album est une étape franchie avec brio, mais sans gants ni protection de surface. En juxtaposant des idées formelles et d’autres accrocheuses et sensuelles (si tant est que la nécrophilie soit votre truc en mode Nekromantik ou Lune Froide), CRYPTIC BROOD passe la rampe du retour avec une facilité déconcertante, truffant certains de ses morceaux d’idées logiques et imbriquées, pour bien faire monter la mayonnaise de terreur. Ainsi, « Hallucinogen Poison », pourtant bref et lapidaire, résume merveilleusement bien les options, et termine la face A de l’option vinyle avec fermeté et vilénie. 

Proche d’un Death/Doom putride et empestant la charogne, Necrotic Flesh Bacteria joue avec nos sens comme un film d’horreur en odorama, entre œuf pourri, pieds sales, aisselles mal lavées, usine de traitement des déchets et égouts fluviaux charriant des tonnes de cadavres de poissons. C’est évidemment assez repoussant sur le papier, mais étonnamment appétissant dans les faits. « Realm Of Rot » en témoigne de son allant trépidant, et de sa basse mutine qui sort de son cadre régulièrement, tout comme l’entame « Acrid Fumes » qui vient même chatouiller le Crust du bout de son admiration pour DISCHARGE.

Agencé et ordonné, ce troisième album tant attendu ne déçoit pas. Il synthétise le concept depuis ses débuts, et ouvre d’autres portes, plus difficiles et grippées, mais menant sur des destins possibles enviables. Des destins terminaux évidemment, entre hôpital abandonné et asile désaffecté, dont les murs résonnent de la violence « Oozing Pox », héritière de l’oppression Severed Survival.

Le plus simple dans ce cas précis, c’est de mettre en avant le sublime artwork de Slimeweaver, dégoulinant à souhait, mais caractéristique de cette approche épaisse et rance. Regardez-la attentivement en vous délectant du title-track « Necrotic Flesh Bacteria », et voyagez dans les arcanes d’un cerveau malade, avide de torture, de putréfaction, de tables de dissection et autres sévices infligés à une pauvre victime qui n’a rien demandé. L’effet est bœuf, donne envie de gober un œil pour mieux le recracher sur un squelette récemment déterré.

Classique ? Oui. Old-school ? Jusqu’au bout des ongles sales. Enivrant ? Comme un vieux vin vinaigré par les années. Nostalgique ? A peu près autant qu’un road trip home qui vous rappelle votre adolescence. Ou plutôt comme une virée au cimetière du coin pour y admirer les tombes craquelées et tombant en ruine, sans même savoir qui y est enterré.

C’est ça le pouvoir du vrai Death Metal. Suggérer des images, imprimer des odeurs, recycler des horreurs. Mais avec style, et assez de technique pour jouer les mesures impaires et l’arythmie décalée. CRYPTIC BROOD est comme Free, il a tout compris. Le service aussi.

A moi les caves qui suppurent et les blessures qui durent. Miam. 

Titres de l’album :                                              

01. Acrid Fumes

02. Digging Through Skin

03. Oozing Pox

04. Viscid Fluid

05. Hallucinogen Poison

06. The Pile Of Flesh Is Served

07. Realm Of Rot

08. Necrotic Flesh Bacteria

09. Reeking Pitted Innards

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