Généralement, j’évite les groupes de Sludge, pour les mêmes raisons que j’évite les groupes de Doom, de Post-Hardcore ou de DSBM : pour ne pas me cogner cinq chansons interminables, basées sur la même litanie morne aux ambitions émoussées par le temps. Mais des quatre styles, le Sludge est celui qui me sied le mieux, puisque les musiciens du cru n’ont pas peur de temps à autres d’ajouter d’autres ingrédients à leur musique que les sempiternels riffs pachydermiques sur fond de vomi vocal désespéré. Alors me dire-vous, pourquoi les SOMNURI, qui ne sont pas plus connus que les autres ? Pas à cause de la pochette, très belle aux tons violacés, qui ne m’a pas semblé dissimuler d’œuvre inédite. Pas à cause de la réputation du trio que je ne connaissais guère. Non, ce qui m’a stimulé, tout simplement, est la qualité des morceaux proposés, et ce, dès le départ de l’album. Sa brièveté aussi, puisque sous la barre des quarante minutes, et avec sept entrées, Nefarious Wave me paraissait raisonnable, pour peu qu’il garde le même niveau de qualité de bout en bout. Et ce que j’ignorais encore au moment où j’en savourais les premières mesures, c’est que non seulement la qualité allait durer, mais qu’elle allait monter de plusieurs crans au fur et à mesure des minutes. Ce laïus un peu long pour vous dire en substance que les SOMNURI redonnent ses lettres de noblesse au genre, qui souffre souvent d’un manque d’inspiration, dû à la fainéantise ou au manque de créativité.
Fondé il y a quelques années, le groupe a commencé sa carrière par un format moyen, avant de publier son premier long éponyme en 2017. Depuis, pas grand-chose, si ce n’est un split partagé avec les GODMAKER, mais l’origine même des musiciens en dit plus long que leur productivité somme toute modeste : ils viennent en effet de Brooklyn, or, tout ce qui vient de Brooklyn, comme tout ce qui vient de Portland dans l’Oregon mérite l’estime et l’intérêt.
Encore faut-il se montrer à la hauteur de la légende locale. Ce qui est le cas, puisque ces trois musiciens (Drew Mack – basse, Phil SanGiacomo – batterie, Justin Sherrell – guitare/chant) jouent un Sludge que j’aime particulièrement. Puissant, mais aéré, insistant mais pertinent, lancinant mais envoutant, en gros, une quasi dénaturation du style qui nous évite les atermoiements virils, et les pales resucées d’ISIS, CROWBAR et EYEHATEGOD. Bien que terriblement Heavy, et dans une grande moyenne de jeu, les américains savent aussi tramer des ambiances poétiques un peu louches, morbides, mais pourtant éclairées d’une mélodie lumineuse qui nous emmène aux frontières du Post-Hardcore le plus intelligent (« Desire Lines »).
La variété est donc de mise sur Nefarious Wave, qui comme son titre l’indique, est une gigantesque vague qui engloutit tout sur son passage, mais qui vous permet d’entrevoir les merveilles des profondeurs avant de vous y noyer. Dans un état de transe, le groupe dévie souvent de sa trajectoire pesante pour nous imposer des cassures et des faux rythmes, ou des breaks harmonieux qui étrangement s’imbriquent bien avec les reprises purement Metal (« Beyond Your Last Breath »). Progressif, l’album l’est indéniablement, mais pas dans le sens MASTODON du terme. Les compositions, au fur et à mesure de la lecture prennent plus d’ampleur, et développent des thèmes de plus en plus complexes. A tel point que SOMNURI fait parfois penser à un frère jumeau dépressif de TOOL sur le magique « Watch the Lights Go Out », qui nous ramène à la prime jeunesse de Maynard et ses sbires. Guitare en rotation lourde, voix en plainte d’arrière-plan, acrobaties rythmiques empruntées aux seventies, et atmosphère confinée, un peu secrète, mais terriblement généreuse.
Le groupe de Brooklyn se permet même un final en montée, avec trois morceaux qui clôturent cet album avec la grâce indispensable. On pense parfois à NEUROSIS, pour le côté concentrique des attaques, mais à vrai dire, et pas seulement à cause de ces arrangements épars et cryptiques, SOMNURI possède déjà une identité très affirmée, malgré son unique album comme expérience. Très bien construit, redoutablement bien interprété, ce second chapitre met en valeur le travail formidable de Justin Sherrell, frontman capable dont tous les groupes de Sludge devraient rêver, et offre une vision plus dégagée du style, qui ne nous laisse pas seulement entrevoir l’ailleurs par une meurtrière dans le mur.
« In The Grey », époustouflant de nuances (qui arrive même à suggérer SOUNDGARDEN et NIRVANA), nous fait regretter une fin d’album un peu trop proche. Mais heureusement pour nous, « Nefarious Wave » incarne la fin parfaite pour une œuvre aussi ambitieuse, avec son intro à la « Something in the Way » repris par des maniaco-dépressifs en stade terminal. Proto-Grunge tardif mais réellement poétique, ce dernier titre éponyme est un pur chef d’œuvre qui replace le style sur la table des négociations, sans user d’arguments surfaits et martelés. Et l’on en vient à déplorer le manque de générosité du groupe qui aurait largement pu caser un morceau supplémentaire sans donner le sentiment d’en faire trop.
Sludge dans le fond, mais tellement plus dans la forme, Nefarious Wave est le type même d’album qui me réconcilie avec le genre. Astucieux, inventif, rêveur, écrasant, mélancolique, il incarne des valeurs musicales d’ouverture, et un esprit qui refuse le carcan d’une éthique trop puriste.
Titres de l’album:
01. Tied to Stone
02. Tooth & Nail
03. Desire Lines
04. Beyond Your Last Breath
05. Watch the Lights Go Out
06. In The Grey
07. Nefarious Wave
Super album que j'ai beaucoup écouté l'année dernière et que j'écoute encore.
Je l'ai aussi offert à un ami.
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