Nekrografija

Redenik

01/10/2017

Dirty Malice Productions

Le petit monde de l’extrême et de l’underground ressemble parfois à une grande famille dans laquelle le principe de relations consanguines n’est pas forcément honni. Ainsi, les formations se succèdent, proposant chacune de leur côté des options déjà étalées par d’autres, empruntant les mêmes chemins, et copulant joyeusement au milieu d’un amas de corps lascifs et indiscernables. Alors, lorsqu’on tombe sur un individualiste forcené, qui s’illustre de son originalité, on a clairement envie de lui donner une franche accolade pour le remercier d’exister.

Ne recensons pas ici tous les sous-genres existants, certains catalogues de VPC d’antan s’en étant déjà chargé, pour le meilleur parfois, et surtout pour le rire. Et le rire, justement, les REDENIK ne sont pas foncièrement contre. Ils l’affirment eux-mêmes, la vie est une garce, mais autant en profiter pour la tourner en dérision, de même que son éternel acolyte, la mort, sous peine de passer pour de ridicules petits soldats bardés de clous et de têtes d’épingles chromées. Pourtant, avec un nom comme « cartouchière », nous étions en droit de nous attendre à un combo Metal pur jus, ce qui n’est pas du tout le cas. Le background du quatuor (Krvavi – chant, Grom – guitare, Pakost – basse/guitare, chœurs, et Majmun – batterie) se situerait plutôt versant Hardcore/Punk de l’agressivité musicale, culture qu’ils diluent avec une énergie Metal de tous les diables, qui elle aussi emprunte à divers courants son impulsion.

De fait, et face à la complexité à définir leur catégorie, les serbes ont eux-mêmes fourni à la presse de quoi se mettre sous la dent, en baptisant leur art « Necro Crossover », ce qui en dit moins long qu’il n’y parait…Alors, Crossover, pas de soucis, mélange, hybridation, généralement de Thrash et de Hardcore, Necro, nécrophobie, nécrologie, mort, teinte noire et thématiques adaptées, mais les deux associés ?

Il semblerait que cette juxtaposition un peu floue leur permette d’inclure un peu tout ce qu’ils souhaitent à leur musique, qui devient par conséquent un genre de mélange savoureux de Black, de Hardcore, de Thrash, d’un poil de Death et d’un chouïa de Punk, le tout traité d’une approche très libre, et même parfois mélodique, histoire de ne pas faire fuir les plus impressionnables. Niveau influences, pas de situation particulière, là aussi les musiciens préfèrent rester évasifs, mais nous laissent quand même en compagnie d’une bio assez fournie. Fondé en automne 2014 du côté de Belgrade par Krvavi, Grom et Majmun, REDENIK ne tarde pas à sortir une première démo, Unakaženi Um, avant de publier un an plus tard son premier EP, Mrtvi Crossover (Dead Crossover en VA). De nombreux concerts s’ensuivent, avant un nouveau single en 2016, puis un album live, Live In Suicide City, qui préfigurait donc le grand soir de ce premier LP, Nekrografija, qui couronne donc une carrière de trois petites années. Niveau contenu ? Beaucoup de sauvagerie, et certainement pas mal d’humour noir, seulement perceptible et appréciable par ceux familier avec leur serbe natal. Nonobstant cette barrière de langage, et la musique étant universelle, celle développée ici est plutôt du genre crue, plus ou moins directe, sauvage, et sans fioritures, si ce ne sont quelques soli bien troussés qui strient des compositions nitroglycérinées.

Stylistiquement, l’affaire est dense. Si la base Hardcore est palpable au détour de riffs plus ou moins primitifs et d’interventions individuelles à la guitare qui rappellent le doigté un peu confus de Kerry King, l’ambiance générale tirerait plutôt sur les débuts du Black Metal, celui développé par les mentors du FROST/HELLHAMMER et VENOM, le tout traité d’un réalisme Punk assez appréciable. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est assez difficile de caser les REDENIK dans une cellule métallique bien cloisonnée, tant ils s’attachent à leurs racines Hardcore tout au long de la durée de ce premier né. Mais loin d’être désagréable, cette approche s’avère assez rafraîchissante, d’autant plus que les compos sont bestiales et sauvages comme du MOTORHEAD joué par Cronos et compagnie, ou du DISCHARGE repris à son compte par un MAYHEM des premiers jours. Le niveau instrumental est correct, suffisamment en tout cas pour venir à bout d’idées somme toute assez simples mais efficaces, ce qu’un titre aussi instinctif et immédiat que « Polumrtav » prouve sans détour. Mais les serbes ne sont pas non plus du genre à se défiler lorsque le chrono refuse de s’arrêter, et distillent des choses plus ambitieuses, comme le long (plus de sept minutes) et lourd « Omca », qui répète inlassablement le même motif en le nuançant quelque peu, sans pour autant faire varier son intensité pour le rendre oppressant. D’autres morceaux passent aussi la barre des cinq minutes, comme le surprenant « Neka Kosti Gore », placé en début d’effort, qui se rapproche un peu plus du Crossover tel que nous le connaissons, flirtant même avec un Black Thrash d’excellente facture, qui permet à Majmun, le frappeur d’accélérer la cadence et de rapprocher son combo des premiers méfaits sud-américains du Thrash à tendance Death bestial. On pense à DORSAL ATLANTICA, SEPULTURA, VULCANO bien sûr, même si leurs approximations sont gommées ici par une attitude beaucoup plus professionnelle.

La vague brutale de l’est n’est pas non plus en reste, tout comme l’ombre d’IMPALED NAZARENE et celle de cette nouvelle vague de combos Blackened Thrash, sans que les serbes ne tombent dans le piège de l’uniformisation. Ils ont suffisamment roulé leur bosse pour savoir ce qu’ils veulent, et si certains segments sont francs et sans arabesques, d’autres imposent des changements de rythme, et des breaks pas forcément imprévisibles, mais suffisamment bien amenés pour dérouter. Et sincèrement, ça fonctionne d’autant plus que Nekrografija a l’intelligence de rester bref, tout en nous collant assez de baffes pour qu’on se démonte la tête. Ainsi, « Hladno lice Morane » est tout à fait parfait dans son rôle de régurgitation atomique de plans à la SLAYER joués par KREATOR sous la supervision de Max Cavalera, et déstabilise même à l’occasion de ruptures étranges et de lignes de guitares en serpentins. Des blasts en bonne et due forme viennent agrémenter le tout du brin de folie qu’on attendait, et l’affaire est pesée, comme un sac à cadavre abandonné.

La production, sèche et rêche, permet aux REDENIK de rester Punk tout en louchant vers l’occulte, et d’unir BATHORY et BELPHEGOR dans un même esprit de fronde (« Violentni Dijabolizam »). Et pour bien laisser un arrière-goût persistant dans les oreilles, les quatre bourrins nous agressent une dernière fois en mettant le paquet, pour un final « Otpadnik » totalement nucléaire, qui ébouriffe de ses riffs et coupe les tifs de son rythme ultra véloce et massif.

Alors non, tout ça n’est pas très fin, mais pas non plus épais comme du gros sel. Ce serait plutôt du marin, lâché sur une plaie un peu béante, qui irrite, brûle, mais laisse quand même la conscience active, suffisamment pour lâcher quelques cris de douleur. Et dans le petit monde de l’underground, un groupe capable de nous torturer sans nous abimer est une denrée assez rare pour être repérée. Et signalée…


Titres de l'album:

  1. Nekrografija
  2. Neka Kosti Gore
  3. Crnina što sve živo ubija
  4. Omča
  5. Polumrtav
  6. Hladno lice Morane
  7. Violentni dijabolizam (Mazohizam)
  8. Otpadnik (Bonus)

Site officiel


par mortne2001 le 14/10/2017 à 17:33
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