Allez, soyons fou et admettons que les fêtes de fin d’année sont un carnage pour le porte-monnaie, le foie, et les quelques illusions d’empathie qui nous restent. Admettons que le champagne bon marché, les cadeaux moisis mais chers, les écrans plats, le foie-gras, les huitres, les bûches, les cris et autres déclamations post-alcool nous laissent dans un état hagard, peu certain de nous rappeler le pourquoi du comment, et surtout, le parce que quoi ? Alors, histoire de bien préparer le massacre, autant se faire une playlist à la hauteur de la catastrophe, d’éviter la radio, les tubes du moment, les traditionnels chants de Noël et autres performances au karaoké de tonton Jean-Michel, pour opter pour quelque chose de plus radical et idoine : le deuxième album des flingués finlandais de CONCRETE WINDS.
Après tout, qu’est ce qui nous empêche de modifier légèrement la tradition pour la rendre plus supportable ? En ce sens, le barouf intenable produit par Mikko (batterie) et P.J (guitare/basse/chant) est tout à fait adapté à ces festivités insupportables, et gageons que l’écoute répétée et à un volume déraisonnable de Nerve Butcherer rendra Mamie plus preste et agreste, et surtout, convaincue qu’elle fait encore partie de ce monde et pas d’un étal de démonstration Ikea pour faire joli et avoir la conscience tranquille.
CONCRETE WINDS n’est pas une affaire tout à fait finlandaise, et pourrait s’inscrire dans le traditionalisme de violence américain le plus fondamental. Mais cette folie qui émerge de leur démence elle, est décidément très nordique, et se rapproche même parfois des crises lunatiques d’IMPALED NAZARENE, le barnum occulte de pacotille en moins. Mais si d’aventure, celles de THE KILL, DISGUST ou INSECT WARFARE vous passionnaient au point de créer vous-même votre univers de blasts et de riffs teigneux, alors sachez que les dix bulles de cette nouvelle bande-dessinée vont vous inspirer plus efficacement qu’un Guronzan.
Deux ans à peine après leur dernier méfait Primitive Force, les deux allumés d’Helsinki remettent le couvert à l’envers pour augmenter la pression, et nous offrent en cadeau anticipé la déflagration Death/Grind de cette fin d’année, mêlant classicisme et hystérie collective du froid. Il faut dire qu’entre les crises de St Guy de Mikko, batteur lunaire aux bras tentaculaires et les riffs surnaturels et supersoniques de P.J, la fête est bien plus folle qu’avec de l’alcool, d’autant que les deux marsouins ne se gênent pas parfois pour imposer un beat dansant entre deux pluies de blasts tenaces (« Dissolvent Baptism »).
Aussi accrocheurs qu’ils ne sont frondeurs, les deux hommes s’en donnent à cœur joie dans la destruction de la musique moderne, tout en gardant cette approche Hardcore qui fait les plus grands albums du genre. Rigolard mais joué sérieusement, ce Death/Grind savoureux renvoie à l’école bondée des NASUM, mais aussi à cette nouvelle scène nordique de la violence la plus crue, et si la guitare prend parfois des accents circulaires hérités du BM local le plus historique, n’y voyez qu’un clin d’œil au patrimoine local : cette saillie est du pur génie Grind du début à la fin.
« Nerve Butcherer » donne d’ailleurs le ton avec son cri/dégueulis de réveillon trop arrosé, avant que la bestialité la plus exubérante ne nous heurte de plein fouet. On prend immédiatement acte de cette magnifique production (enregistrement et mixage de Stefan Brändström au Dustward Studio, mastering de Phil Kusabs), et on savoure cette tranche de vie répulsive qui nous englue dans un constat sans appel : les fêtes approchent, et tout ça nous gonfle au plus haut point. Ruptures impromptues, accélérations de folie, soli torchés comme le cul d’un nouveau-né atteint de diarrhée, soudaines embardées aigues d’une guitare qui semble apprécier sa schizophrénie, dualité de voix en possession par Pazuzu, doublette guitare/batterie sans basse pour chatouiller les médiums et les faire marrer, tout est en place, et le rendu est effectif : l’envie de tout détruire pour ne rien reconstruire est palpable, et la démence contagieuse.
On commence d’ailleurs à reconsidérer les invitations privées lancées pour les festivités, et les élargir au centre psychiatrique communal voisin, histoire d’égayer un peu cette routine annuelle. Entre dissonances aggravées par un chant vraiment granuleux, et ces décélérations qui brisent les reins, les CONCRETE WINDS jouent sur l’exubérance d’un style presque expérimental qui ne tolère aucune restriction, et use de toutes les astuces créatives à sa disposition.
Le résultat est sans appel, le chat hirsute, et le chien prêt à lâcher un colombin sur les pieds de tante Marthe. Nerve Butcherer est clairement l’album de Death/Grind de cette fin d’année, et le seul capable d’altérer suffisamment vos capacités cognitives pour supporter ce déballage indécent de bouffe et de déclarations d’amour faussées par les circonstances.
Merci Constance pour ce panier garni. C’est encore une fois de la merde.
Titres de l’album:
01. Nerve Butcherer
02. Chromium Jaws
03. Demonic Truculence
04. Industrial Mutilation
05. Noise Trepanation
06. Intravenous Doctrine
07. Flaying Internecine
08. Paroxystic Flagellator
09. Dissolvent Baptism
10. Astomatous Vomiting
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