Ça me fait marrer, franchement. Parce que si on m’avait dit aux alentours de 87/88’ que j’accolerai le terme « Technical » à celui de « Grind », j’aurais vraiment rigolé. Après tout, à l’époque, le Grind, c’était le parent pauvre du Hardcore, le cousin bègue, le tonton bec de lièvre, celui qu’on invite au banquet parce qu’on est obligé, mais qui risque de tout foutre en l’air de sa maladresse et de ses soudaines crises de folie. En écoutant Scum ou Horrified, personne n’aurait pu penser, back in time, que le style allait progresser, évoluer, et bientôt contaminer la planète extrême entière, propager ses blasts dans le monde du Black, du Death, voir ses hurlements devenir une norme et sa bouillie sonore une référence. Personne ne pensait non plus que NAPALM DEATH allait se transformer en institution respectable ou que REPULSION s’incarnerait en référence ultime, sorte de Bouddha de sagesse planté sereinement à l’entrée du temple de la violence. Sauf que depuis, des musiciens émérites ont fait avancer la cause, ne se servant plus du foutoir comme exutoire à leur bordel intérieur. Des gens très respectables comme NASUM, TOTAL FUCKING DESTRUCTION, et osons l’élargissement, les DILLINGER ESPACE PLAN, qui en créant de toutes pièces le Mathcore, allaient légitimiser les exactions du Grind dans un contexte mathématique. Alors, Technical Grind, c’est pratique, et ça permet de distinguer, de scinder le clan en deux camp. Ceux qui savent jouer et articulent, et ceux qui foncent et t’en******. Les NO ONE KNOWS WHAT THE DEAD THINK font évidemment partie de la première catégorie, mais un peu de la deuxième aussi. Sinon, on ne serait pas là à en parler.
Personne ne sait à quoi pensent les morts en effet, tout comme pas grand monde ne sait si les androïdes rêvent de moutons électriques. Il serait toutefois intéressant de se pencher sur ce cas précis. Les morts pensent-ils, et les morts rêvent-ils ? Si oui, rêvent-ils de leur ancienne vie, d’une nouvelle, et le silence qui les entoure est-il aussi assourdissant que le bruit dégagé par ce trio du New-Jersey, qui sur le papier ne vous dira pas grand-chose. Pourtant, en fouillant et regardant de plus près, les NO ONE KNOWS WHAT THE DEAD THINK sont tout sauf des inconnus. Ils sont trois, et viennent tous de groupes confirmés, affirmés, et surtout, respectés dans le milieu. Tiens, Jon Chang, qui hurle comme un goret, et Rob Marton qui guitare et basse plus vite que son épilepsie viennent tous les deux de DISCORDANCE AXIS, l’un des combos les plus capés du Grind atypique et précis. D’ailleurs, Jon joue aujourd’hui dans GRIDLINK, ce qui prouve qu’il n’a pas perdu son flair ni son bon goût en termes de barouf intelligent. D’un autre côté, Kyosuke Nakano a tapé ses fûts et cogné sa caisse claire dans COHOL et DEFILED, ce qui fait de lui le percussionniste idoine pour ce genre de projet. Cet éponyme est donc leur première tentative ensemble, et prolonge les travaux déjà largement entrepris dans DISCORDANCE AXIS. Même exactitude dans les plans, même envie d’en coller plus que de raison dans un timing plus que serré, même amour de la bonne blague intello qui voit les riffs se succéder à un rythme infernal pour toujours tomber pile, à la demie croche près. Une sorte de mix entre FULL OF HELL pour l’intensité, DEP pour les inclinaisons scientifiques, et DISCORDANCE AXIS pour lier le tout. Ce premier LP est donc un cas d’école lui aussi puisque sous sa forme la plus sérieuse, il ne dure pas plus de dix-huit minutes. Pourquoi ?
Parce que les marsouins proposent les mêmes morceaux ensuite, en mode karaoké, ce qui ne manquera pas de faire bien marrer les spécialistes. Je ne vois pas trop comment un quidam pourrait reprendre à son compte les lignes de chant de Chang, ni même comprendre ce qu’il raconte. Mais imaginons-le fin transcripteur, un peu devin sur les bords, et suffisamment bourré pour se mettre à hurler à la cantonade. Le spectacle aurait le mérite d’être drôle et justifierait ces dix morceaux repris en version instrumentale. Mais croyez-le ou non, ces dix morceaux répétés pour la seconde fois sans chant ont leur utilité. Saisir la pertinence du propos, et comprendre une fois pour toutes que les musiciens en sont de bons, et de sacrés compositeurs. Le chant exhorté étant l’une des composantes les plus importantes du Grind, s’en passer est signe qu’on est capable de proposer autre chose qu’une énième déflagration sans queue ni tête atomique. Et en version aphone, les titres tiennent méchamment debout, dans un style OST de film à la Gravity qui finit super mal. Bref. Sinon que vous dire d’autre ? Que l’intensité sur ce premier jet ne faiblit pas une seule seconde, que la production est super propre, qu’on a parfois le sentiment que tout ça n’est pas vraiment du Grind, mais bien une façon de concevoir l’extrême de façon un peu moins évidente et systématique, que les riffs en sont vraiment et pas de simples excuses de guitare pour se coller sur les BPM affolés, que c’est parfois dissonant comme du VOÏVOD dans une centrifugeuse, et que le tout s’écoute d’une traite, en laissant un goût d’accomplissement très agréable dans la bouche et les oreilles. Que la thématique du machin est bien en phase avec son époque, avec un futur dystopien, des machines qui prennent le contrôle et des humains déshumanisés qui font ce qu’ils peuvent pour ne pas se faire bouffer. Nous quoi, sauf si la nature nous vire avant échéance.
C’est créatif, surprenant, euphorisant, et pourtant, assez maussade dans les impressions, mais surtout, c’est la preuve qu’un style à l’origine voué à l’échec de progression peut changer, muter, pour devenir créatif et ludique. NO ONE KNOWS WHAT THE DEAD THINK ne sait peut-être pas à quoi pensent les morts, mais il sait ce que les vivants ont envie d’entendre. Du bordel intellectuel, joué par des amoureux qui connaissent leur boulot, et qui sans être élitistes, sont quand même suffisamment lettrés.
Titres de l’album :
01 - Yorha
02 - Autumn Flower
03 - Dagger Before Me
04 - Rakuyo
05 - Stars Hide Your Fires
06 - Cinder
07 - Sayaka
08 - Kaine
09 - Red Echoes
10 - Dominion
Alors, j'ai vu les prix et, effectivement, c'est triste de finir une carrière musicale emblématique sur un fistfucking de fan...
20/02/2025, 19:08
J'avoue tout !J'ai tenté avec un pote d'avoir des places le jour J...Quand on a effectivement vu le prix indécent du billet, v'là le froid quoi...Mais bon, lancé dans notre folie, on a tout de même tenté le coup...
20/02/2025, 18:52
Tout à fait d'accord avec toi, Tourista. En même temps, on a appris qu'Ozzy ne chanterait pas tout le concert de Black Sabbath. Du coup, faut essayer de justifier l'achat d'un ticket à un prix honteux pour un pétard mouillé.
20/02/2025, 09:27
Tout est dit.Que ce soir devant 50 personnes dans une salle de quartier ou dans un festival Hirax et en particulier Katon assuré à l'américaine. Parfait.L'album précèdent reste terrible. A voir celui ci.
19/02/2025, 17:51
Hell Yeah!!! Voilà ce que j'appelle une bombe bien métallique.P.S: Il serait bien que ce site passe en mode sécurisé: https car certains navigateurs refusent son ouverture car il est considéré comme malveillant.
19/02/2025, 16:32
Pareil, vu au Motoc l'année dernière plus par curiosité qu'autre chose : et bah c'était excellent ! La passion qui transpire, la nostalgie d'une époque aussi et puis cette énergie !
17/02/2025, 21:39
Oui, Keton de Pena est une légende encore vivante avec son Thrash reprenant pas mal les codes du Heavy. Il y met cette ambiance jubilatoire en forte communion avec les fans (il a dû vous faire le coup du drapeau). Je l'ai vu deux fois il y a une dizaine d'années, c&a(...)
17/02/2025, 13:18
Vu pour la toute première fois en live l'été dernier.Il était grand temps pour moi au vu que j'adore ce groupe...Le concert était laaaaaargement au-dessus de ce que j'en attendais : Ambiance, prestation, joie communicative, ultra-res(...)
17/02/2025, 06:50
C'est un groupe assez ancien en fait, ils ont bien vingt ans de carrière derrière eux. Martin Mendez les a recrutés pour son propre groupe parallèle à Opeth, White Stones, car il est installée à Barcelone. Ils avaient commenc&eacut(...)
15/02/2025, 18:14
Âge oblige, j'ai connu à fond cette époque et elle était formidable. Evidemment, aujourd'hui, il y a internet mais le gros avantage du tape-trading, c'était que, par défaut, un tri s'effectuait, copie après copie (de K7). Aujourd(...)
14/02/2025, 05:50
AAAAh Benediction... Toujours un plaisir de les retrouver. Et en live c'est du bonheur (efficacité et bonne humeur!)
13/02/2025, 18:38
Dans son livre "Extremity Retained", Jason Netherton met en lumière l'importance énorme que ce phénomène a eu lieu dans la naissance de la scène. Tous les acteurs isolés dans leurs coins du monde échangeaient par ce moyen, et cela le(...)
12/02/2025, 01:30