Un nouvel album de STAM1NA, c’est un peu comme un cadeau de Noël en avance, ou en retard selon le point de vue. Après tout, la dernière offrande du groupe accusait il y a encore peu trois ans d’existence, et malgré deux singles lâchés cette année (dont un ayant atteint la cinquième place de streaming sur Spotify), nous étions en droit d’attendre beaucoup plus des magiciens de Lemi. Avec vingt-cinq ans d’expérience au compteur, huit longue-durée dans la discographie, les musiciens finlandais nous faisaient donc languir, d’autant plus que Taival, leur précédent effort avait une fois de plus déchaîné les passions comme les interrogations. D’ailleurs, qui peut se targuer d’avoir trouvé la réponse à l’énigme STAM1NA, même en connaissant leur mystère sur le bout des doigts ? Certainement pas moi, et à l’instar de SHINING, SUBTERRANEAN MASQUERADE et quelques autres, le quintet a toujours joué la versatilité à l’extrême, se frottant à la Pop pour mieux défier le Death sur son propre terrain, sans se salir les mains. Belle performance à souligner, et il est certain que Novus Ordo Mundi ne changera pas la donne et ne rendra pas les détails plus frappants. Les preuves à charge manquent au moment de classer ce neuvième album studio dans un tiroir bien précis, mais les éléments tendant à pointer du doigt le groupe comme l’un des plus novateurs de sa génération s’accumulent avec les années, et deviennent de moins en moins réfutables.
Si l’on en croit le titre de cet album, un nouvel ordre mondial nous attend. Si l’on en croit la musique jouée, ce nouvel ordre mondial sera fait de contrastes entre beauté et violence, empathie et inégalités. D’ailleurs, les musiciens ne prennent pas de gants lorsqu’ils décrivent leur nouvelle œuvre au public. Ils en disent suffisamment pour nous intriguer, mais pas assez pour nous aiguiller :
Il y a une spirale sur la pochette de l'album. Le disque est ainsi soit une plongée dans les profondeurs, soit, au contraire, une explosion de noyades muettes qui éclabousse les yeux du spectateur. Notre longue suite traite des addictions, de la douleur et parfois même d'une transformation à la Kafka. Humour conscient et inconscient. Le neuvième album de STAM1NA est un mouvement de renouveau tout comme un coup de poing dans les dents de devant.
C’est ainsi qu’Antti Hyyrynen, porte-parole et guitariste/chanteur du groupe présente le travail accompli. Pour le moins absconse, cette déclaration frappe pourtant au coin du bon sens une fois les oreilles posées sur l’album. Et avec encore trois musiciens de la formation d’origine, STAM1NA peut se targuer d’une stabilité que d’autres groupes expérimentaux pourraient lui envier. Aux côtés d’Antti, on retrouve évidemment les deux autres pivots, le batteur Teppo "Kake" Velin et le guitariste Pekka "Pexi" Olkkonen, soutenus depuis 2006 par la basse de Kai-Pekka "Kaikka" Kangasmäki et depuis 2009 par les claviers d’Emil Lähteenmäki. Douze années de complicité donc entre ces membres, et pas moins de six albums studio, soit la grande majorité de la production finlandaise. Mais pour en revenir à l’album, il est évident que les créateurs ont choisi d’illustrer un présent débouchant sur un avenir possible, et quelque part, inéluctable. C’est pour cette raison que les morceaux sonnent aussi complémentaires que contradictoires, aiguillant dans des directions différentes, utilisant les pratiques du Djent et du Metalcore parfois pour les faire entrer en collision avec le Post Rock et la Pop, histoire de créer un vortex d’énergie avalant tout sur son passage. L’illustration la plus parfaite de cette théorie semble être l’incroyable et sinueux « Metropolio », qui passe par toutes les ambiances, qui alterne les growls avec le chant clair sublime de Hyyrynen, qui une fois encore livre une prestation vocale démente.
On retrouve à la production de Novus Ordo Mundi le fidèle Miitri Aaltonen, qui revient derrière les consoles après une absence de dix ans, et qui pour l’occasion s‘est aussi occupé du mix. Son travail est exemplaire, puisqu’il a conféré à l’album la puissance et la dynamique dont il avait besoin, et qui explosent à l’occasion de l’entame très Townsend de « Henkilökohtainen Helvetti ». Enregistré principalement dans les studios Petrax de Hollola et masterisé par Svante Försback, Novus Ordo Mundi occupe donc l’espace sonore avec beaucoup d‘intelligence et de souffle, et lorsque les claviers d’Emil Lähteenmäki se fraient un chemin sur le devant du spectre sonore, l’ombre du progressif des seventies mais aussi celui du DREAM THEATER de début de carrière se bat avec le soleil du Post Metal moderne du groupe qui immédiatement, inverse la tendance pour ne pas laisser l’auditeur dans un confort d’écoute trop stable.
« Narsisti » insiste donc Hardcore, avec toujours ces mélodies étranges en arrière-plan, et ces chœurs à la suédoise qui densifient encre plus la violence ambiante. En deux morceaux à peine, STAM1NA prouve qu’il n’a pas l’intention de se ranger des voitures, et affirme encore sa singularité sur la scène. A la manière d’un FNM louvoyant entre les genres pour s’en donner un, les musiciens de Lemi tiennent à nous surprendre à chaque intervention, et finalement, le choc des synthés ludiques et enfantins de « Memento Mori (Ateistin Kiitos) » ne nous gêne presque pas, pas plus en tout cas que l’immense riff redondant de reprise à la MUDVAYNE.
Il est une fois encore impossible de ranger le quintet dans une petite case pratique. Mais comment pourrions-nous faire pour faire accepter à cette œuvre des angles droit alors même que sa structure est concentrique, et qu’elle passe par des rondeurs Pop-Punk (« Betelgeuse ») ? Mais depuis longtemps, le classement de STAM1NA est passé dans la colonne des pertes et profits, et en tant que fan, je n’attends rien de moins de ce groupe qu’un voyage vers un ailleurs indescriptible, ce que des morceaux comme « N.P.V.E.M. » (Thrash en diable) ou « Novus Ordo Mundi » (mystique et envoutant à la STRAPPING) m’offrent sans rechigner…
« Sirkkeli » s’affole une fois de plus, mais n’occulte pas de son Punk débridé le soin apporté à ces compositions ciselées et non-calibrées. La liberté de STAM1NA ne sera jamais bradée sur l’autel de la reconnaissance, même si tout le monde sait à quel point ce groupe nous est précieux. Et ce nouvel ordre mondial laisse entrevoir des choses plus optimistes que nous aurions pu le penser. En espérant que les finlandais ne se soient pas trompés.
Titres de l’album:
01. Henkilökohtainen Helvetti
02. Narsisti
03. Memento Mori (Ateistin Kiitos)
04. Betelgeuse
05. Metropolio
06. N.P.V.E.M.
07. Kriittinen Massa
08. Tabu
09. Novus Ordo Mundi
10. Sirkkeli
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