Les idées préconçues à propos du Rock Progressif ont la vie dure. Ces mêmes idées préconçues ont trouvé leur origine à la fin des sixties, lorsque la différence entre Psychédélisme et Progressif n’était pas encore bien définie, et que les PINK FLOYD, GRATEFUL DEAD, et autres monstres de la consommation virtuelle ou non de substances enivraient le public de digressions sans fin. La préciosité de l’école de Canterburry n’a pas vraiment fait évoluer les mentalités et n’a pas rendu le genre plus abordable, bien au contraire, et à la fin des années 70, le Rock aux aspirations techniques et instrumentales était devenu une sorte de dinosaure que le Punk s’est fait un malin plaisir de mettre à terre. Il est vrai que la conception même du genre répond souvent à des démonstrations egocentriques et prétentieuses, répétant ad nauseam les mêmes recettes pour aboutir à des évolutions interminables que des instrumentistes en quête de reconnaissance ne font rien pour rendre plus digestes. Après tout, a-t-on vraiment besoin de savoir que tel ou tel batteur a fait le conservatoire, qu’il est capable d’enchaîner sans forcer des mesures en 12/8 et en 7/8, ou qu’un guitariste peut multiplier les techniques sans changer de médiator ou prendre une pause ? Non, seule la musique compte, et lorsqu’elle se résume à un simple étalage de possibilités, elle en perd toute son essence. Alors, musique de musiciens pour techniciens, ou vulgarisation populaire pour toucher les masses sans les prendre pour des imbéciles ? Des gens comme Neal Morse, et évidemment Steven Wilson se sont évertués à prouver que les meilleurs manipulateurs étaient tout à fait capables de faire passer des partitions en équations pour de vulgaires tablatures accessibles au plus grand dénominateur, mais surtout, à fondre dans un même creuset Classique, Jazz, Rock, Metal et Pop, sans donner l’impression de trahir les dogmes d’origine.
Et dans la veine de ces PORCUPINE TREE, SPOCK’S BEARD, et même pourquoi pas DEVIN TOWNSEND PROJECT (qui quelque part, n’usurpe pas l’étiquette Progressive non plus), nous pouvons depuis quelques années nous repaître d’une autre source de musique riche et intelligente, grâce aux américains de EAST OF THE WALL. Depuis 2006 et la parution de leur premier EP éponyme, ce quintet (Matt Lupo: guitare/synthés/trompette/chant, Matt Keys: guitare/synthés, Chris Alfano: basse/guitare/synthés/chant, Greg Kuter: guitare/chant et Seth Rheam: batterie.), a patiemment élaboré une discographie au-dessus de tout soupçon, enchaînant les albums comme si l’inspiration coulait d’une source intarissable (Farmer’s Almanac en 2008, Ressentiment en 2010, The Apologist en 2011, Redaction Artifacts en 2013), avant d’inexplicablement se murer dans un silence inquiétant qu’un split en compagnie de CRYPTODIRA a à peine interrompu en 2015. Six ans de silence en longue-durée, il y avait de quoi se poser des questions, et se demander si les américains n’avaient pas décidé de rendre les armes pour se consacrer à d’autres projets, mais heureusement, leur label historique Translation Loss nous a rassurés cette année en annonçant la sortie prochaine du cinquième tome des aventures, ce cryptique NP-Complete désormais disponible depuis mars. Le questionnement était donc de mise, les quatre LP précédents ayant construit une cathédrale de sons aux réverbérations marquantes et profondes, et le temps ayant des pouvoirs corrosifs assez patents, même sur l’imagination la plus fertile. Mais nous pouvions faire confiance aux originaires de Keyport pour ne pas nous décevoir, et NP-Complete ne nous a non seulement pas chagriné, mais a répondu au centuple à nos attentes en nous montrant le visage d’un groupe inchangé, aux traits plus matures, mais à la malice toujours aussi intacte.
Et pour cause, car ce cinquième longue-durée est véritablement un retour en fanfare des troupes du New-Jersey, un état peu connu pour sa prolixité en termes de musique Progressive et Jazzy. Nous retrouvons donc sur les huit compositions de ce nouvel effort tout ce qui a fait la force de ce groupe unique, cette façon de fusionner les styles pour en concevoir un plus personnel, et cet art d’insérer la mélodie en douceur dans des structures alambiquées qui paraissent pourtant simples à écouter et apprécier. Car la qualité première d’EAST OF THE WALL, c’est de vulgariser sans brader, tout en restant à un niveau stratosphérique de pratique instrumentale. A l’image de Steven Wilson qui fait passer des plans hallucinants pour de simples pilules de bonheur auditif, les cinq musiciens alignent les moments de bravoure à tomber en donnant le sentiment de jouer un Rock simple et compréhensible par tous. Sauf que lorsqu’on s’y connaît un peu en solfège et en composition, et qu’on regarde/écoute d’un peu plus près, on reconnaît la finesse de techniciens qui connaissent leur instrument par cœur, et qui sont justement capables de mettre leur dextérité hors-normes au service d’une approche artistique humble et mélodique. Ici, pas de digression qui dure des heures et ne fait qu’ennuyer, mais de véritables harmonies qui sont mises en relief par des parties instrumentales de dingues, un peu comme si les RADIOHEAD et RUSH jouaient de concert pour mettre en place une symphonie unique (« Clapping on the Ones and Threes »). On sent évidemment l’importance de certaines influences, mais comme tout groupe de Progressif moderne, les références sont incontournables, et DREAM THEATER de côtoyer PELICAN et MASTODON, TOOL de deviser avec les GLASSJAW et MOUTH OF THE ARCHITECT, tandis que Steven Wilson fait la dictée aux PERIPHERY sous la supervision des CYNIC. Un mélange hétérogène de puissance et de souplesse, pour une équation qui se résout d’elle-même, et qui parfois donne des indications tellement claires que tout le monde peut comprendre (« Fast-Bang Pooper Doop », difficile de brouiller les frontières entre Alternatif, Pop-Rock et Metal Progressif aussi efficacement que ce morceau, et le tout en moins de quatre minutes).
Les cinq intervenants sont évidemment tous d’un niveau hallucinant, mais la palme du mérite revient quand même à l’ossature rythmique, qui place des plans de dingue en prenant son café. L’intro du lunaire « N of 1 » en est le parfait exemple, tout comme la quasi intégralité du stratosphérique « Lienholder », mais si l’on remarque sans forcer le talent plus qu’évident de ce quintet, on retient plus volontiers les atmosphères que développent leurs morceaux, leur inventivité et leur souplesse dans la complexité, ce qui prouve que NP-Complete a parfaitement rempli sa mission. La seule inconnue pour le non-initié restera la capacité du groupe à proposer des chapitres variés, doutes que le final acrobatique « Non-Functional Harmony » dissipera de ses percussions et de ses volutes acoustiques, et que « The Almost People » fera disparaître de sa polyrythmie ludique et de ses riffs acides. Mais on pourrait digresser des heures sur le contenu d’un album qui mettra encore des années à révéler tous ses mystères, et ainsi tomber dans le piège du Progressif intellectualiste qu’on passe son temps à dénoncer. Apprécions donc cette pièce de musique précieuse pour ce qu’elle est sans trop chercher à en comprendre les méandres à tout prix. Sachez simplement qu’une fois encore, EAST OF THE WALL reste par essence l’un des rares groupes de Metal Progressif susceptibles de plaire à un public allergique au Progressif.
Titres de l'album :
1.Tell Them I'm Sorry
2.Fast-Bang Pooper Doop
3.The Almost People
4.Somn 6
5.Lienholder
6.Clapping on the Ones and Threes
7.N of 1
8.Non-Functional Harmony
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