« Nuit Noire évoque sous différents aspects, la perte de repères. Qu’il s’agisse d’hypnose, de la mort, des rêves… LOST IN KIEV a créé des personnages qui vont se rencontrer, se séparer et découvrir tous deux l’inconnu, en quelque sorte leur propre Nuit Noire. »
On le sait, la nuit a toujours été évocatrice d’images fugaces, d’impressions abstraites, de silhouettes qui se découpent dans un paysage urbain, de rencontres improbables qui découlent parfois sur des unions contre-nature…Elle a toujours inspiré les poètes, et continuera de le faire tant que le jour se lèvera…
La nuit, tous les chats sont gris selon l’adage, et tous les hommes dévoilent leur véritable nature, déguisée dans l’opacité d’une lune qui n’éclaire plus la lucidité…La nuit révèle les mystères sans y apporter de solution, couvre les mensonges de son obscurité, et vous permet de jouer un rôle, d’être celui que vous aviez toujours rêvé d’être…
Mais la nuit, c’est aussi cette portion de temps qui permet à LOST IN KIEV de se découvrir partiellement, suffisamment pour que nous apercevions sous son manteau de samples la chair de sa musique, étrange, envoutante, hypnotique parfois, et évidemment très personnelle.
Impudeur, exhibitionnisme, ou au contraire complexes inavoués, transposés dans la réalité des personnages qu’ils ont créés et qu’ils confrontent à la noirceur du temps et de leur propre destinée…
Plus concrètement, LOST IN KIEV est un quatuor (Yoann Vermeulen – batterie et samples, Maxime Ingrand : guitare et synthés, Jean-Christophe Condette : basse et synthés et Dimitri Denat : guitare), originaire de Paris, qui depuis quelques années essaie d’imposer sa patte dans l’univers très clos du Post Rock/Metal instrumental, et qui vous propose aujourd’hui de le suivre dans son dernier voyage, un peu à la manière d’un Céline qui vous emmenait au bout de la nuit.
Si les Parisiens avouent l’influence notable de CULT OF LUNA, RED SPAROWES MOGWAI ou RADIOHEAD, il est aussi possible de les rattacher par certains aspects oniriques aux HYPNO5E, aux 7 WEEKS de Dead Of Night, mais en fait, pour bien comprendre leur psyché, il vaut mieux les aborder en tant que créateurs uniques, ce qu’ils sont sans conteste…
Plus qu’un album, Nuit Noire est un conte, un songe éveillé que l’on suit et dont les aventures nous sont narrées en toute absence de mots. Les emphases sont musicales, avec des tonalités de guitares changeantes, symptomatiques du Post Rock parfois, et se noyant dans des arpèges harmoniques, et parfois assurées d’un Post Metal grondant et puissant, comme une réalité qui explose à la surface de la conscience.
«On voulait avoir quelque chose de plus « tribal « sur certaines compos comme « Narcosis » ou « Emersion », où il y a beaucoup de toms, de tambourin, de voix en fond et de boucles hypnotiques »
Hypnotique, le mot est lâché. Le périple qui se déroule sous vos oreilles est orchestré avec une intelligence rare, et vous plonge dans le monde en demi-teinte des déambulations nocturnes, un peu à la manière d’un Djian subtilement concret, d’un Paul Auster plus porté sur l’introspection que l’abstraction, ou d’un Louis Ferdinand Céline qui adopterait un point de vue renouvelé sur la poésie urbaine du 21ème siècle.
Les samples sur Nuit Noire occupent une part importante du métrage musical, mais ne sont jamais envahissants. Les rares mots dispensés le sont de façon particulièrement efficace, et prennent le relais de longues phrases musicales qui ont le temps de se développer, et là est le centre du concept même de ce second album (après Motions en 2012)…
…le temps.
Le temps ici est géré avec la patience de ceux qui savent que l’aube finira par se lever, avec un mélange de crainte et d’excitation, et surtout, avec un certain sens de l’urgence qui n’empêche nullement de profiter du moment. Ce qui nous donne des constructions parfois longues et étirées, comme ce « Mirrors », composé comme une marche dans les rues d’une ville qui pourrait être Paris ou ailleurs, comme une promenade partagée par un homme et une femme qui apprennent à se connaître au son de guitares en écho qui ne pressent pas le pas de leurs héros.
Mais lorsque les masques tombent, la réalité crue se fait violence, et le titre éponyme nous révèle les grimaces, les regards fuyants, les faux-semblants, en puisant dans les principes sombres de NEUROSIS à grands coups de riffs épais et partiellement Stoner et Doom, qui contrebalancent et nuancent les longues secondes éthérées d’arpèges électriques qui se fixent sur des néons fatigués.
Nuit Noire aurait pu être la bande son idéale d’un cauchemar de Nicolas Winding Refn, sans artifices, sans voiture, mais avec un héros presque muet qui laisse parler la vie à sa place. Il aurait aussi pu être la dérive instantanée de héros paumés de Beineix, humant la vie et la respirant avec difficulté, mais en fait, il est le résultat de la collision de plusieurs inspirations, dont celle unique de ces concepteurs.
C’est ce qu’indiquent sans hésitation des segments comme le troublant « Narcosis », qui déroule des percussions tribales le long d’un thème qui entrechoque des lambeaux de phrases susurrées, des notes de basses distordues comme le corps d’une femme déformé par la lumière des phares, et quelques éclairs de guitare retenus par la bride d’une obscurité qui rechigne à les libérer.
Et si le groupe se laisse aller à quelques divagations presque Trip-Hop/Electro (« Somnipathy »), s’il admet que parfois, les harmonies les plus pures et simples sont à même de décrire l’état apathique d’une âme qui s’éteint dans les heures et les heurts (le piano sublime de pureté de « Catalepsy »), il n’hésite pas non plus à rappeler à ses personnages que la fin du voyage est proche (« Resilience », qui trouve la résurgence de la conscience dans une longue suite Post Rock qui monte en crescendo).
Et finalement, lorsque l’aube dessine avec plus de clarté les contours d’une ville qui a encore observé une histoire banale qui pourrait être la vôtre, elle utilise ses pinceaux musicaux avec délicatesse et finesse pour ne pas réveiller les amours déçus d’une aventure déchue (« Emersion », qui multiplie les couleurs et les monochromes, à la manière d’un THE OCEAN ou d’un MONO)
Je ne ferai rien pour dissimuler mon enthousiasme né de l’écoute d’un album à part, qui s’écoute comme on vit quelque chose de différent ou comme on lit un livre ouvert sans vraiment savoir ce qu’il contenait. LOST IN KIEV a réussi avec Nuit Noire à transposer en musique une histoire que beaucoup d’entre nous ont vécue, sans se fixer sur un style particulier, en un savant travail rythmique et harmonique, et en dispersant des bribes de dialogues qui n’empêchent pas l’esprit de vagabonder et d’imaginer sa propre suite. Post Rock évidemment, Post Metal parfois, mais musique avant tout, ce deuxième LP des Parisiens fait preuve d’une maturité d’écriture incroyable et vous emporte dans les dédales d’une ville imaginaire dont ils sont les seuls à connaître les méandres. Et si vous êtes prêt à vous abandonner, si vous êtes prêt à laisser vos repères à l’abri de vos chambres d’illusion, alors ce voyage vous emmènera si loin que vous ne penserez même pas au voyage retour.
Un pont, des néons blafards, une lumière aveuglante, des silences, quelques mots d’amour, et la nuit pour témoin d’une rêverie qui pourrait durer pour toujours…
Titres de l'album:
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