Le solstice d'hiver marquait chez les Romains la fin des Saturnales, mais aussi le triomphe de la lumière, sur les ténèbres. La nature est dépouillée et réduite à la nudité, et il faut mourir pour renaître, tout comme la graine tombée en terre à l’automne et qui commence à germer en se décomposant…Période propice aux célébrations de toutes sortes, mais répondant à un désir sombre de renouveau après la fin, et plus prosaïquement, à l’arrivée de la saison la plus froide, la plus aride, et pourtant, l’une des plus fertiles en termes de poésie. Pas étonnant dès lors qu’une myriade de groupes choisissent la date du 21 décembre pour sortir leur album, profitant ainsi de la fin d’un cycle et du début d’un nouveau, date chargée en symbolisme qui selon eux, convient parfaitement à leur musique. C’est en tout cas une date à marquer d’une croix noire pour le label underground Signal Rex, via sa branche encore plus underground Harvest of Death, qui depuis quelques années nous inonde de sorties toutes plus mystérieuses et bruyantes les unes que les autres. Et cette habitude n’est pas prête d’être rompue si j’en juge par le premier longue-durée d’un combo national qu’ils mettent en avant ce mois-ci…Venu des enfers et directement branché sur les litanies les plus néfastes de Lucifer lui-même, les TRONO ALEM MORTE nous présentent donc le fruit de leurs exactions, O Olhar Atento da Escuridão, qui ne fera certainement pas tâche sur le catalogue déjà bien noirci de leur distributeur…
On commence à connaître la nouvelle scène lusophone, au travers de ses sonorités les plus abrasives possibles. Cette scène qui semble se repaître des aspects les plus sombres et nébuleux d’un Black Metal de plus en plus régressif. Ce BM que les ORDEM SATANICA, BLOOD CHALICE, ENDALOK et autres SEGREGACION PRIMORDIAL se font une joie de propager, au travers de disques toujours plus mal produits (sciemment cela s’entend), torturant des guitares déjà à l’agonie, suppliciant des rythmiques semblant geindre pour obtenir un son moins abominable, et lynchant des cordes vocales bien usées par des homélies nocturnes en forme de prières inversées à l’intention du malin. Que l’on aime ou que l’on déteste, il est difficile de ne pas se montrer respectueux, voire admiratif de cette recherche permanente du mal originel, celui-là même que les racines de HELLHAMMER, BATHORY et MAYHEM propageaient sur leurs premières démo, dont le son n’avait rien à envier à ces productions actuelles refusant tout artifice susceptible de les enrichir. De fait, et en tant qu’exemple plus que probant, les portugais de TRONO ALEM MORTE vont jusqu’au bout de cette quête d’absolu, en se drapant d’un linceul de mystère parfaitement opaque. Aucun nom de musicien, aucune précision, aucune localisation, même pas de page sur la toile ni de Facebook, ces chantres d’un BM foncièrement mauvais et néfaste s’éclipsent devant leur musique, et laissent parler leur art au détriment de leur ego. Attitude noble s’il en est, ou simple coup marketing, je pencherai pour la première solution eut égard au faible rayonnement que ce genre de groupe peut connaître, mais force est d’admettre que leur premier LP, cet O Olhar Atento da Escuridão dont je suis en train de vous parler, à quelque chose de vraiment captivant dans le fond, et d’effrayant dans la forme. Bien sûr, les esthètes les plus précieux du BM moderne n’y verront qu’une vaine tentative de capter les ondes passées et un effort pathétique d’en vivre selon les dogmes, mais les plus admiratifs d’un Black méchamment malmené et réduit à son état le plus primaire sauront reconnaître l’ambiance qui émanait des premiers efforts du style, et spécialement ceux de notre fameuse scène nationale des Black Legions, que les portugais ont choisie comme modèle ultime.
Pas étonnant dès lors de retrouver des points communs entre les lusophones et nos anciens VLAD TEPES, BELKETRE, MÜTIILATION, et tous les dignes représentants de notre scène locale des nineties, ne jurant que par Tom Warrior, Quorthon, et les premiers réflexes morbides d’Euronymous. Le BM des TRONO ALEM MORTE est en tout point symptomatique du minimalisme nocturne prôné par les légendes françaises de l’époque, et se traîne de son propre malheur au rythme d’une batterie processionnelle, soutenant avec peine des guitares maladives, aux obsessions occultes prononcées. Il est tout à fait possible de trouver ça excessif dans la recherche d’ascétisme, mais il est difficile de rester insensible à cette ambiance putride qui anime des morceaux aussi essentiels que « progressifs », comme le long introductif « O Inverno da Alma e a Sublime Libertação », qui du haut de ses dix minutes distille ses arguments très honnêtement, sans chercher à tromper l’assistance. Des atmosphères au son, de l’attitude au ton, en passant par l’imagerie, le côté anonyme maléfique, tout rappelle le cinéma d’auteur de José Mojica Marins, dont on imagine très bien le Zé do Caixão déambuler dans les couloirs noirs de l’âme torturée de ces musiciens à l’emphase lyrique. Le lyrisme est d’ailleurs très présent ici, spécialement dans les intonations théâtrales et dramatiques d’un chant à la Attila Csihar, qui profite d’un écho lointain pour égrener ses litanies d’une voix caverneuse et tremblante, parfait maître de cérémonie d’une messe noire célébrant le passage de l’automne à l’hiver, lorsque la dernière feuille se meurt et tombe sur la terre glacée.
Poétique autant qu’il n’est néfaste, le Black régressif des portugais ne dévie pas d’un iota de ses croyances de base, et ne fait aucun effort pour nous convaincre du bienfondé de sa démarche, bien au contraire. Il atteint parfois une sorte de paroxysme dans l’horreur, lorsque les effets sonores se mélangent dans une acmé de violence, à l’occasion d’un traumatique « Deserto da Desolação » aux cris glaçants et aux accents déments. Confrontant le Black au Doom le plus absurde, les TRONO ALEM MORTE poussent le bouchon aussi loin qu’ils le peuvent, pour tenter d’établir une nouvelle limite dans l’ignominie, accouchant de fait d’un des premiers albums les plus passionnants de ce genre très cryptique. On y retrouve un style extrême poussé dans ses derniers retranchements, et réduit à sa forme la plus primale, que le long et torturé final « Ao Abraçar a Ingrata Morte » sublime de son absence totale de compromis, et de sa distorsion de l’au-delà. Chaque morceau est une pierre de plus apportée à l’édifice érigé en hommage à la mort du BM contemporain, trop traduit et édulcoré pour être encore crédible et/ou dangereux, et la progression de O Olhar Atento da Escuridão est impressionnante de certitudes, s’enfonçant chaque seconde un peu plus profondément dans des enfers personnels dont rien ne saurait l’extirper.
Un disque remarquable et remarqué, qui cristallise à lui seul toutes les qualités et défauts de cette nouvelle scène, qui en l’état, peut se voir comme le miroir des Black Legions qu’elle semble tant vénérer.
Titres de l'album:
Tourista, bien vu :-) Moi je dirais que c'est une décision avisée cela dit, d'autant plus que musicalement, et ça me coûte de le dire, étant un ENORME fan de Venom, mais du Vrai Venom ( Cronos, Mantas, Abaddon), Venom Inc ne propose pas grand chose d&ap(...)
03/12/2024, 13:55
Bravo pour remettre en lumière un groupe à part et spécialement la partie la plus ancienne de l'histoire de Stille Volk, largement méconnue (j'ai appris des choses). C'est en partie à cause du faible nombre d'interviews qu'ils ont pu fai(...)
02/12/2024, 20:13
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02/12/2024, 09:14
Ouch ! Fini de tout lire...Je connaissais déjà quasi tout ce qui est cité ici, mais c'est toujours un plaisir de se remettre dedans boudiou !Perso, j'adore les trois biopics cités précédemment. Certes, ils ont chacun leurs lot de f(...)
30/11/2024, 08:58
Et y'a même un "à suivre" The pick of destiny et Spinal Tap seront sûrement de la(...)
27/11/2024, 09:15
8 lettres: KHOLOSPVÇa veut dire "coloscopie" en langage mec bourré en fin de soirée.
26/11/2024, 18:14
Je ne suis pas au courant.. il s'est passé quelque chose récemment avec le groupe Al Namrood?
26/11/2024, 14:44