Voici une histoire pour le moins originale. Quelquefois, les groupes ont du mal à sortir leur premier album, et c’est ainsi que nous notons des séquences temporelles conséquentes entre leur naissance et la parution d’un premier long. Mais à ce petit jeu incongru, les bataves de SAGENLAND font très fort. Formé en 2001 à Twente, le duo a d’abord attendu quatre ans avant de proposer des morceaux en partenariat avec les défunts VARGULF sur un split paru en 2005, avant de disparaître corps et âme sous ce nom pour se consacrer à des activités annexes. Les deux têtes pensantes de ce concept ont donc dévidé de leur trajectoire initiale pour se consacrer d’un côté à ASGRAUW et MESLAMTAEA, et de l’autre à HEIMDALLS WACHT, CULTUS et UUNTAR. Il était donc temps que Floris Velthuis, (basse, batterie et chant) et Arjan (guitare et chant) se retrouvent pour offrir à leur idée de départ un album digne de ce nom, chose ainsi faite en début d’année sur le label d’Arjan, Heidens Hart Records, qui n’est donc pas peu fier de nous présenter ce Oale Groond, moins formel qu’il n’en a l’air au prime abord.
Le duo, qui se connaît depuis de longues années, ne fait pas grand mystère de ses obsessions, et avoue une passion sans faille pour le BM scandinave des années 90. Ainsi, nous apprenons facilement que SAGENLAND a été fondé pour répondre à des ambitions de mimétisme basées sur les travaux d’ULVER (et sa fameuse trilogie), de DODHEIMSGARD et d’ARCKANUM. Du formalisme donc dans l’approche, mais ces seize années de silence auront permis aux deux musiciens de se forger une véritable identité, et d’affronter leurs obsessions de biais et non de front. Inutile donc de vous attendre à un démarquage à peine masqué des trois groupes précités, puisque les deux hollandais ont eu le temps de se débarrasser de leur fixette pour proposer une musique plus originale qu’un simple plagiat organisé.
Dans le fond, le BM joué par SAGENLAND est formel, et réminiscent des plus belles années glacées du Metal noir du grand nord. Riffs en circonvolutions, ambiance hivernale, instrumentation précieuse et précise, dualité de chant raclé, et breaks à profusion qui ne nuisent toutefois pas à la cohérence linéaire. Mais les deux compositeurs ont eu l’intelligence d’aérer leur premier effort d’un vent frais et acoustique, reprenant des arrangements Folk et agrémentant la sècheresse ambiante d’harmonies délicates et d’intermèdes ciselés. Oale Groond n’est donc pas qu’une vulgaire attaque frontale basée sur des blasts incessants et des cris irritants, mais bien une œuvre pensée de bout en bout, malgré son timing très resserré. A peine une demi-heure de jeu après seize ans d’absence, c’est chiche, mais pertinent, puisque le temps passe très vite.
Construit sur une alternance permanente de violence et de décadence, et d’inserts plus atmosphériques, ce premier album dégage un parfum envoutant de vieux parchemin retrouvé dans une forêt après avoir été perdu pendant des années. Si les morceaux les plus abrupts gardent cette emprise mélodique sans diluer leur violence, les nombreuses cassures permettent de ne pas se lasser de cette brutalité sourde, qui n’est pas sans évoquer évidemment l’ULVER le plus traditionnel. Ainsi, « Bladval » n’est pas sans suggérer une légende Viking transmise de père en fils avec ses accords classiques et ses chœurs évanescents, tout en évitant brillamment le piège de l’instrumentation niaise et médiévale. De l’autre côté du spectre se situe un titre comme « In 't bos », suintant de méchanceté et se rapprochant clairement des débuts de la scène scandinave, avec ses intonations à la IMMORTAL. Mais encore une fois, et puisque le noir et le blanc se mélangent souvent, l’ambiance n’est pas à la colère irascible mais bien à l’échange de points de vue pour couvrir toutes les options. Sans être progressif, le BM des hollandais est évolutif, et suit une ligne conductrice très bien dessinée qui refuse le « on fonce et on verra bien ».
Les intermèdes et autres transitions ne sont pas de simples prétextes pur gagner du temps, et apportent une réelle plus-value à l’ensemble, gardant la cohérence avec les morceaux qui n’hésitent jamais à incorporer des passages acoustiques pour briser les avancées les plus cruelles. La guitare classique occupe donc une place prépondérante dans l’œuvre, qui rappelle parfois la scène progressive des années 2000 et les groupes comme OPETH ou KATATONIA, sans les réflexes les plus convenus. Pas question ici de tomber dans la contemplation, mais bien de prendre le temps d’apprécier une pièce musicale variée et un paysage vallonné. Très judicieusement divisé en chapitres de longueurs diverses, Oale Groond est donc une pièce ambitieuse, qui ne laisse pas l’efficacité de côté pour que l’esthétisme occupe la place centrale, et qui trouve un excellent compromis entre la finesse et la bestialité sourde. Le travail vocal est très fouillé et documenté, et on sent que les deux hommes ont capitalisé sur leur longue expérience en solo pour mieux se retrouver et sortir un album digne de la longue attente qu’il a suscité.
En résulte un LP passionnant de bout en bout, inventif, qui demande plusieurs écoutes pour être apprivoisé, et qui reste en convergence du Black Metal suédois le plus classique et des options plus Folk. Et même s’il intervient vingt ans après la création du groupe, il lui permet de revenir à la surface de l’actualité sans que cela ne paraisse incongru.
Titres de l’album:
01. Weer thuus
02. De jammerklachten van Singraven (eerste deel)
03. De jammerklachten van Singraven (tweede deel)
04. Veur de leu van vrogger
05. Bladval
06. In 't bos
07. Van eigen land
08. Botte bijlen
09. 't Leste gedicht (Twentse earde)
10. Terug noar et laand van aleer
ça me fait penser à mort aux débuts d'Himinbjorg et Nagelfar. Et avec la basse en décallage qui-va-bien, album à creuser.
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26/11/2024, 18:14
Je ne suis pas au courant.. il s'est passé quelque chose récemment avec le groupe Al Namrood?
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