L’autre jour, mon frère étant à la maison, j’ai fait une potée. Plat de terroir délicieux s’il en est, mais toujours est-il qu’une fois refroidie, celle-ci affichait une merveilleuse pellicule de gras de porc à la surface. Beaucoup jetteraient ce précieux nectar gluant, mais c’est mal connaître les goûts des esthètes de la cuisine française. Une fois les légumes et pièces de viande dévorés comme des gloutons, le reste termine en soupe, et cette couche de gras apportera justement l’équilibre nécessaire entre le goret et la patate. Et en parlant de goret et de patate, je connais une bande de porcins qui l’ont justement. Et depuis longtemps.
Mais les PUTRID OFFAL seraient plutôt l’équivalent musical d’un énorme plat de tripes à la mode de Valenciennes.
Depuis l’orée des années 90, ce combo pur jus pourfend le Death de manant pour en offrir un visage beaucoup plus noble et défiguré. Fasciné par les exactions du CARCASS le plus anatomique et du NAPALM DEATH le plus atomique, PUTRID OFFAL est de ces valeurs sures dont la présence est aussi rare que précieuse. Il faut en effet attendre cinq ans entre chaque sortie pour apprécier la rythmique en coup de bâton de ce quatuor béton, mais cette longue attente est toujours récompensée par une bordée d’hymnes à la cruauté qui sentent le vagin mal lavé et le trou de balle de truie mal essuyé.
Franck Peiffer (chant), Frédéric Houriez (basse), Laye Louhenapessy (batterie) et Philippe Reinhalter (guitare) reviennent donc en ce mois d’avril nous porter la bonne parole d’un monde ignoble à la dérive. Quatorze nouveaux morceaux, bas et hauts, qui vont rassasier les amateurs de nourriture riche et grasse, mais aussi les affamés de Death Metal à l’ancienne, en terrine, en abats, en verrine. Mais attention à ne pas vous fourvoyer sur les intentions des français. Obliterated Life est tout sauf de la provocation gratuite, et affiche des ambitions thématiques précises. Ainsi, ce troisième long se concentre sur une période bien définie de l’histoire. Et relativement méconnue.
PUTRID OFFAL nous propose le récit viscéral du monde brutal de la médecine de guerre du 18e siècle. Obliterated Life explore la triste réalité de la chirurgie de combat à travers le regard de Dominique-Jean Larrey (1766–1842), un chirurgien militaire pionnier qui a révolutionné la médecine de guerre. Au milieu du carnage, Larrey travaillait sans relâche sur les lignes de front, amputant des membres, extrayant des balles et suturant des entrailles dans un environnement gorgé de sang et empesté d’une odeur de chair infecte.
Pas très rigolo, mais d’importance, et surtout, très efficace. Pour mieux coller à son sujet, le quatuor a découpé son histoire en quatorze chapitres de durées diverses, qui fonctionnent comme autant de vignettes horrifiques non fictionnelles, mais bien réelles. On peut presque sentir la peur, la pourriture, les hémorragies, les plaies purulentes, entendre les cris, les hurlements, ou le silence assourdissant de la mort s’emparant d’un hôpital de terrain. PUTRID OFFAL endosse le costume de documentaliste, au moment même où notre monde n’a jamais semblé aussi près d’un conflit global. Alors que l’horloge de l’apocalypse est à quatre-vingt-neuf secondes de minuit (et plus à two minutes depuis longtemps), Obliterated Life nous plonge dans les affres de la douleur et de l’atrocité, en illustrant ce climat de violence outrancière par une rythmique énorme. Les déflagrations musicales sont au moins aussi intenses qu’un raid aérien, et les bombes pleuvent comme les obus et les missiles, nous enfermant dans un univers anxiogène terrifiant.
Ce nouvel album est donc une réussite, ne le cachons pas. En apportant à sa bestialité les nuances de mélodies prononcées, sans perdre en impact, PUTRID OFFAL s’offre une variété bienvenue, alors même que les titres les plus courts sont aussi douloureux qu’une aiguille recousant des chairs à vif.
Collant de près au réalisme du CARCASS d’anthologie, pour mieux en proposer une image made in France et en 2025, Obliterated Life souligne avec beaucoup d’à-propos que la vie ne tient parfois qu’à un fil, et pas forcément celui dépassant d’une aiguille chirurgicale. Les méthodes du dix-huitième siècle en termes de réparation humaine étant ce qu’elles furent, on peut facilement imaginer le nombre d’amputations effectuées sur des soldats déjà presque trépassés.
Adjonction de chœurs sentencieux, catapulte rythmique sans baisse de régime, guitare en constante rotation, chant immonde qui cherche la baston, la tradition, et rien que la tradition. Mais pas celle qui vous permet de recycler des plans tièdes pour les vendre au prix du chaud, non, celle qui s’accroche aux racines tout en acceptant le temps qui passe.
PUTRID OFFAL nous offre un exutoire assez jouissif, mais aussi très traumatique. Avec sa belle demi-heure, Obliterated Life rappelle la scène d’ouverture du Saving Private Ryan de Spielberg, avec une intensité rare et des passages lourds et embourbés (« The Black Veil », très très vilain).
Quand l’homme se transforme en potée, quand les membres ressemblent à de la purée, il reste encore la soupe de tripes et de sang qui dégouline. Le quotidien des médecins de l’impossible en temps de guerre.
Titres de l’album:
01. The Sweet Fragrance
02. Boning Hall
03. Life Consumed
04. Meat Stall
05. Entrails Emancipation
06. Privilege of Pain
07. Darkness Awaits
08. Sanguis in Oris
09. Mass Murder
10. Agony Prevails
11. Messy Flesh
12. Ribcage Blues
13. The Black Veil
14. New Era (bonus track)
Comment ne pas succomber à une telle intro ?
Ouh que c'est bon ça !!! !!! !!!Un truc qui puise à mort dans les 90s !NECROMANTIA et BARATHRUM en tête... ... ...
11/04/2025, 09:36
Je veux bien que la société polonaise soit différente, mais ses provocations à deux balles passent pour du Manson 20 ans trop tard, c'est tellement commun..
10/04/2025, 16:41
Juste une remarque, je suis pas au courant des lois françaises, si j'ai outrepassé mes droits vous pouvez virer ce commentaire pas de soucis.
10/04/2025, 15:17
Cher Emptyrior, je suis juste homophobe, voilà tout. Il y a des gens comme ça que veux-tu. Mes excuses si tu es blessé par mes propos, j'espère que tu sauras t'en remettre.
10/04/2025, 15:04
@ DPD : Certaines personnes ne comprennent en effet pas ce qu'implique une guerre, et se permettent de faire tranquillement des commentaires dans leur canapé en mettant pays agresseur et pays agressé dos à dos. L'ignorance et la bêtise n'ont aucune limite(...)
09/04/2025, 23:31
Emptyrior, va donc écouter Taylor Swift si tu veux un safe space
09/04/2025, 05:02
"Des soli qui n’en sont pas et font passer les débuts de KREATOR et SODOM pour des examens de conservatoire" ha ha !Ce groove nihiliste encore. Le pied.
08/04/2025, 22:52
Perso j'ai de quoi faire pour me régaler avec cette affiche : Dark Angel, Enforcer, Benediction, Hexecutor (miam), Belenos, Houle, Suffo (what else ?), etc, sans parler de la scène stoner assez bien représentée cette année... Alors oui déj&agra(...)
08/04/2025, 22:45
@DPD Oui, je suis d'accord, j'ai du mal avec le flicage de tout un chacun pour ses goûts artistiques. Le Metal se nourrit du soufre et de la provocation, il ne doit pas devenir bourgeois compatible. En revanche les remarques homophobes, du genre ''particulièrement(...)
08/04/2025, 20:01
Excellente chronique que je me suis empressé de partager. Je te conseille tout de même de te plonger dans les albums sortis depuis 2015 (en débutant donc par Hammer of The Witches). Tu remarqueras certainement que le groupe est véritablement sur une tr&egrav(...)
07/04/2025, 22:35
Juste regardé la dernière, il s'agit de la fameuse grotte aux cristaux géants (qui ne peut hélas être visitée..).
07/04/2025, 13:00
1 - Géorgie (le pays, pas l'état US)2 - Lozère3 - Kentucky4 - Belize5 - Belize6 - Mexique (état de Chihuahua)Voila voila. Une chasse au trésor ?
07/04/2025, 09:53