Les DAUGHTERS se demandaient s’il y avait un océan au-delà des vagues.
Cette question, assez absconse au premier abord, peut paraître légitime dès lors qu’on envisage la vie comme un cercle perpétuel, celui des marées, qui vont et qui viennent en balayant les souvenirs. Cet océan que l’on contemple, n’est-il que la somme de ses roulements ou bien un horizon inatteignable que l’on observe passivement, en spectateurs d’une existence déjà programmée pour renaitre sous une autre forme ?
DEATH ENGINE pourrait avoir la réponse à cette question. Les originaires de Lorient, après deux albums, reviennent pour peindre un nouveau paysage, bleuté, plombé, embrumé et étrange, qui de vague en vague nous entraîne aux confins d’un monde pourtant sans limites. Et le voyage est tout sauf de tout repos, balancé par la houle, balayé par les vents, et menacé par les légendes de mort qui affleurent encore à la surface de l’eau.
Après un silence radio qui pouvait inquiéter, le groupe revient donc sous la forme d’un nouvel équipage rassemblé autour du capitaine Mikaël Le Diraison (guitare/chant). Cet équipage a la lourde tâche d’offrir une suite à l’histoire stoppée par Place Noire il y a quatre ans, et qui exigeait de nouveaux éléments pour que le voyage continue. Quatre ans de silence donc, comme une errance sur les flots avec un vent totalement absent, et des voiles détendues. Pour reprendre le cap, il fallait opérer des changements, mais l’approche reste la même. Des sons abrasifs, une attaque Heavy conséquente, des arrangements Noisy omniprésents, et une voix sous-mixée pour hurler dans le lointain. D’ailleurs, DEATH ENGINE a considérablement augmenté la puissance, au point que certains épisodes sont parfaitement assourdissants.
« Lack » en est un exemple frappant, avec ses percussions tribales et son riff unique répété comme un mantra incompréhensible. Quelque part entre NEUROSIS et MASTODON, DEATH ENGINE avance à vue, réaffirme son cap et tend les voiles pour gagner en vélocité. Mais le lest des canons empêche le navire d’avancer aussi rapidement qu’il le voudrait, et l’étape est rude, salée des embruns qui collent à la peau d’un Post-Hardcore pesant, éprouvant et maladif.
Mikaël Le Diraison décrit ce nouvel épisode comme étant plus introspectif et personnel. Mais chaque album est une sorte d’introspection, et chaque morceau est un constat sur une philosophie artistique pointue et constituée de strates de sons empilés, qui forment un mille-feuilles musical aussi dur que mélodique.
Rien de vraiment perturbant, rien de véritablement culotté ou inédit, mais une solidité musicale incroyable, collée par une osmose de groupe patente. Les sept morceaux de cet Ocean, sont autant de vagues qui déferlent et mouillent le pont, mais aussi autant de péchés capitaux que le groupe assume avoir commis. D’où cette impression de limite entre la vie et la mort, quelque part sur une mer d’huile.
Souffreteux et nostalgique, ce nouvel album fait la part belle à l’opposition permanente entre évanescence et puissance, dans la plus grande tradition d’un Post-Metal aussi contemplatif que chaotique. « Mess », qui en est une sacrée, propose de recenser les éléments utilisés, et de les organiser de façon logique. A ce titre, il pourrait être l’acmé d’un disque qui ne se contente pas d’exprimer dans le vide, et qui démontre son point de vue de façon radicale.
« Dying Alone », presque Post-Punk dans sa froideur, mène à la conclusion logique qu‘est « Empire », longue conclusion de près de huit minutes, qui condense toutes les caractéristiques d’un Post-Hardcore moderne, avec en exergue, cette recherche de sons qui permet d’offrir plus qu’une simple brise glaciale sur le visage.
L’hiver, le froid, l’espoir qui se noie, Ocean évoque bien des images, et nous balance de droite à gauche, de tribord en bâbord, comme une houle persistante qui cherche à faire basculer le navire pour qu’il s’échoue comme un souvenir. Mais si d’aventure, telle catastrophe arrivait, nous serions obligés de nous contenter de supputations et autres déductions plus ou moins fondées ou au contraire, fantaisistes. Sur le pourquoi, le comment et la destination.
Mais la question, après avoir été bercé pendant plus de trente minutes restera toujours la même.
Y’a-t-il un océan au-delà des vagues ?
Titres de l’album:
01. Hyperion
02. Leaden Silence
03. Pulled Down
04. Lack
05. Mess
06. Dying Alone
07. Empire
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