Si d’aventure vous vous demandiez ce qui se passe à Strasbourg, j’aurais plusieurs réponses à vous fournir. D’une, vous parler de son superbe marché de Noël à venir, et d’autre part, vous signaler la sortie du premier album des locaux de WARKUNT. Certes, les deux évènements ne sont pas forcément appréciés par le même public (bien que les metalheads de l’est apprécient aussi un gros bretzel et un bon verre de vin chaud), mais je trouve qu’ils peuvent compléter à merveille n’importe quel emploi du temps avec des trous à boucher. Sauf que les musiciens du jour sont plutôt du genre à creuser, des tombes de préférence, mais aussi des idées d’influences puisque leur Death Metal putride à de sérieuses effluves old-school qu’ils revendiquent d’ailleurs parfaitement. Jeune formation ayant entamé son parcours brutal en 2016, WARKUNT est l’archétype du groupe guttural qui ne cherche pas à faire avancer la machine en huilant le broyeur d’originalité, mais qui est du genre à la faire avancer par son investissement complet. En choisissant de respecter les dogmes d’origines de ce Metal si extrême cher aux floridiens et aux suédois, le quintette strasbourgeois (Tim - basse, Greg - batterie, Laurent & Valentin - guitares, Loïc - chant) est certain de s’attirer les faveurs d’un public avide de sensations classiques, et après écoute de ce premier longue-durée, il est évident que les aficionados du Death Metal d’il y a quelques décennies risquent d’être méchamment séduits. Et après une première démo publiée l’année dernière (Tor(n)ment), cet Of Ruins And Agony présente en effet de sérieuses traces de professionnalisation et de compétitivité, mais étale surtout au grand jour un champ de ruines fumantes et une douleur harmonique assez agréables à constater.
Enregistré au Pangos Studio, ce jet de bile dispose d’un son tout à fait équilibré, qui permet même d’apprécier les graves d’une basse qui n’a pas été oubliée au mixage. Disposant d’un duo rythmique tout à fait capable, et abattant un travail assez conséquent, les deux guitaristes peuvent alors se lâcher de riff morbide en lick putride, laissant toute latitude au vocaliste Wargy pour travailler son attitude. Et l’homme se pose en frontman grognant d’un combo conquérant, même si les astuces employées sont éprouvées depuis longtemps et approuvées tout autant. Mais comme l’honnêteté est la marque de fabrique du groupe, ses membres n’hésitent pas à jouer franc jeu dans leur biographie, sans chercher à se faire passer pour des âmes novatrices désarmant les amatrices, explorant la matrice. Et même s’ils restent vagues sur les artistes les ayant dépucelés, on imagine assez bien la vague floridienne avoir joué le rôle de tutrice, tant de nombreux passages rappellent la patte indélébile des maîtres de MORBID ANGEL. Mais sachez-le, les WARKUNT sont des disciples d'un Death Metal bien old-school, et ont sagement digéré les enseignements des maîtres du genre pour mieux recracher des riffs bien gras en pleine face, avec pour unique mantra « Jouer vite, fort et mal ». Alors, quelques précisions promotionnelles s’imposent. Certes, les strasbourgeois jouent vite, mais pas seulement. Ensuite, ils jouent fort, mais modulent, mais en aucun cas, ils ne jouent mal, puisque le niveau instrumental global est d’une indéniable qualité, et que chacun à son poste est parfaitement compétent. En termes de composition, si le classicisme est évidemment de mise, on note quand même quelques adaptations personnelles pour pouvoir prétendre signer quelques hymnes assez éternels.
Outre une ambiance globale aussi glacée qu’une morgue abandonnée en Russie, ou qu’un hiver à Strasbourg d’ailleurs, on notera la pertinence de certains chapitres, qui cherchent au-delà de la brutalité de base de quoi nous faire headbanguer. Le premier à se faire clairement remarquer est le terriblement syncopé « Relentless Disposal for Vengeance », qui du petit haut de ses moins de trois minutes à de sérieux airs de tuerie absolue, utilisant un riff accrocheur et redondant pour marquer les esprits et se transformer en cheval de bataille live. Mais il convient de préciser que si les idées proposées sont conséquentes, la fin de l’album semble s’autoriser quelques incartades plus marquées, puisque le presque progressif et puissant « Gestating Rancor » témoigne d’accointances conjointement Gore et Heavy, conférant à son déroulé une empreinte plurielle tout à fait délicieuse. Ajoutez à ça les petites touches inventives d’un batteur qui sait utiliser ses cymbales et ses toms, et vous obtenez un mélange de Death old-school bien gras, et d’extrême de trépas, soit le cocktail fatal pour une défonce radicale. Classique, mais pas tant que ça ? Si bien sûr, mais avec une vista du jeu qui permet d’éviter les redites fâcheuses. Bien loin de se contenter de refourguer trois ou quatre plans encore tièdes, les WARKUNT ont pris le temps de composer, histoire de proposer des digressions intéressantes, et plus éloignées des standards du style qu’il n’y paraît. Mais lorsque la puissance et la démence explosent, personne ne rigole et tout le monde s’affole, comme en témoigne le décoiffant final « Dark Days to Come », qui s’inscrit dans la lignée de qualité du dernier TERRORIZER, ce qui en dit long sur les performances d’un groupe tout sauf anecdotique.
Evidemment, inutile de le nier, certains aspects, et même la plupart, restent de facture traditionnelle. On retrouve ce beat en rouleau-compresseur, ce chant hâbleur mais toujours grave et qui fait peur, ces riffs complexes qui s’entremêlent avant de dérouler de l’horreur au mètre, mais les modulations apportées aux constructions crèvent les oreilles, et transforment ce premier LP en test passé haut la main. Comme en plus, le quintette a joué la sécurité en restant sous la barre de la demi-heure, impossible de se sentir blasé, et l’alternance de morceaux développés et d’interventions courtes mais musclées dynamise l’ensemble. On s’en rend compte dès l’enchaînement sanglant du terrible « Into My Hell » et du lapidaire « Struggling With Insanity », qui tout en jouant avec les fragrances de dédoublement vocal à la DEICIDE et les pointes de lourdeur typiques de la vague US, osent des accélérations en blasts jouissives, qui nous propulsent dans le passé tout en restant ancré dans un présent démené. Et comme la possibilité de distinguer toutes les modulations nous est donnée, il nous est tout à fait possible d’apprécier des passages Heavy vraiment marqués (« Destructive Velocity », l’ombre du grand Chuck se fait insistante, mais bienveillante), ou des multiplicités de tempi vraiment bien amenées (« The Great Maze of Fear », un salut adressé à la génération nordique assez appuyé, et un batteur qui continue d’associer vélocité et créativité). Pas grand-chose donc à reprocher formellement aux WARKUNT, qui tout en assumant leur amour des racines osent quand même insuffler leur touche à cette approche respectueuse. Ce qui nous donne de jolis pamphlets gluants mais groovy (« The Enslaving Poison »), et un premier LP en déclaration d’intention, qui mérite toute votre attention, et surtout, du monde à sa soirée de lancement, prévue le 23 novembre au Millenium à Haguenau. Et comme en sus, de jolis t-shirts et de jolis CDs vous attendent, vous allez y aller.
Titres de l'album :
1. Into My Hell
2. Struggling With Insanity
3. Destructive Velocity
4. The Great Maze of Fear
5. The Enslaving Poison
6. Relentless Disposal for Vengeance
7. Gestating Rancor
8. Dark Days to Come
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