Accueillons avec le sourire un nouveau venu sur la scène Death américaine, qui nous propose en 2023 le fruit de ses premières réflexions. Malgré sept ans d’existence KOHNERAH n’en est donc qu’au début de sa carrière discographique, et Ominous Ubiquitous son premier jet, reste de proportions modestes, mais d’un rendement maximal. Après avoir parsemé son parcours de singles, le quintet s’est enfin décidé à franchir le pas du premier longue-durée, qui avec ses trente-deux minutes reste raisonnable. Après tout, qu’importe la somme d’informations, seule compte leur pertinence, et de ce côté-là, ces brutes de Kansas City n’ont rien à craindre de la concurrence.
KOHNERAH, ce sont donc cinq musiciens unis (Spencer Halstead - basse, Chris Thorpe - batterie, JD Cantrell & Josh Riley - guitares et Stephen Babcock - chant), qui partagent la même vision de la brutalité made in 90’s. Dans un registre de Death brutal et subtilement technique, les américains nous offrent un bel hommage au Death le plus efficace et clinique d’il y a trente ans, pas assez alambiqué pour rivaliser avec les GORGUTS, mais largement assez brutal pour tenir la distance face aux sprints de SUFFOCATION ou CANNIBAL CORPSE.
On retrouve évidemment tous les gimmicks de l’époque, ces accès de fièvre au vibrato, ces coulés mélodiques à intervalles réguliers, ces breaks amenés de façon brutale, et évidemment, ces lignes de chant caverneuses. Dans un registre très traditionaliste, Ominous Ubiquitous joue clairement le jeu de la nostalgie, quelque part entre NILE, MORBID ANGEL, IMMOLATION, et autres géants de la brutalité outrancière. Aucune chance donc de glisser sur la peau de banane de l’originalité, tout ici a été conçu comme un hommage même pas déguisé, mais le manque d’inédit est comblé par un sens de l’à-propos et une énergie ne se démentant pas pendant une demi-heure.
Grosse basse qui occupe les premiers postes, parties de guitare virevoltantes ou au contraire posées et dissonantes, construction en tiroirs, évolution intelligente pour des allusions au Techno-Death de papa savoureux en tympans. On se prend au jeu, d’autant que le groupe nous a pondu des titres vraiment accrocheurs. J’en tiens pour preuve le démoniaque « Antimatter Annihilation », que Trey et les siens auraient pu imposer sur Covenant ou Domination, et qui s’incruste dans le crane en mode lobotomie volontaire.
On ne criera donc pas au génie, mais on ne hurlera pas à l’escroquerie. D’autant que le quintet a rempli ses chansons de plans qui s’entrechoquent à haute vitesse, sur un rythme très heurté qui comblera les fans de Death fouillé à la lisière du Progressif. Et même si KOHNERAH ne trempe pas son inspiration des deux pieds dans le marigot des ambitions techniques, il se mouille suffisamment pour ne pas se contenter d’un bras à peine humide. On se prend donc d’affection pour un disque certes prévisible de bout en bout, mais redoutablement bien exécuté. Et si la démarcation n’est pas l’objectif principal d’Ominous Ubiquitous, il se montre assez convaincant pour excuser quelques fautes d’inspiration.
Œuvre à déguster in extenso, Ominous Ubiquitous est le type même de travail qui joue sur la corde sensible des esthètes et des amoureux des pionniers défricheurs, et un morceau aussi alambiqué que fou comme « Inoculus » saura rassasier les affamés d’enchaînements d’équilibriste, comme les mordus de complexité instrumentale.
Le pinacle étant atteint à l’occasion du final « Elegiac Departure », quelque part entre le MESHUGGAH des débuts et un GORGUTS plus humble et direct que d’ordinaire. On savoure cet épilogue comme on salive devant un dessert copieux, et ce goût délicieusement amer nous laisse dans le palais une sensation de plénitude, malgré une durée plus que compacte.
Enregistré et mixé par Adam Mitchell au HammerFarm Music Studios, masterisé efficacement par Dennis Israel au Clintworks Recording, Ominous Ubiquitous est de ces intermèdes plaisants que la production Death nous offre tout au long de l’année. Mais en comptant dans ses rangs deux guitaristes inventifs et dégoulinant de dextérité, un bassiste se prenant pour le grand Steve DiGiorgio, et un batteur émule de Pete « machine gun » Sandoval, KOHNERAH peut garder la tête haute, et rêver d’un carrière exemplaire malgré la saturation du marché américain dans le domaine du Death bruital et technique.
Sonner élitiste tout en restant populaire est un art difficile.
Titres de l’album :
01. Wake of Oblivion
02. Bovine Excision
03. Antimatter Annihilation
04. Eye of the Panopticon
05. Inoculus
06. Plucked from the Sky
07. Elegiac Departure
Là-bas, au Kohnerah...
C'est pas mal du tout ton affaire, tout à fait pour moi, je ne connaissais pas. Je vais concrétiser.
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