Hasard du calendrier, deux groupes partageant un point commun sortent un nouvel album en ce mois de mars, assez terne pour le moment. I, Voidhanger Records nous présente donc fièrement son panel de sorties, avec accrochés au tableau d’horreur, les derniers travaux d’ÆVANGELIST et SKRYING MIRROR. Le lien entre les deux groupes est ténu, stylistiquement parlant tout d’abord, mais aussi parce qu’ils partagent tous deux la même tête pensante, Matron Thorn aka Reuben Christopher Jordan, touche-à-tout omnipotent qui depuis plus d’une décennie se disperse dans différents projets pour étancher sa soif de création.

Et le monsieur a une sacrée fringale. On trouve/a trouvé son nom au casting de nombreux concepts, avec outre les deux précités, ANDACHT, BENIGHTED IN SODOM, CARRIE WHITE BURNS IN HELL, DEATH FETISHIST, HEX ARCANA, KADOTUKSEN PORTTI, MATRON THORN, OBLIVION GATE, OBSCURING VEIL, PRÆTERNATURA, RAGNARÖKKUR, MIDWINTER STORM, EX-BLIGHT, EX-DEVIL WORSHIPPER, CARRION BLUES, CATHAARIA, DISENCHANTRA, PALINDROME, VAGRANT STARSCAPE, BETHLEHEM, CHAOS MOON, CROWHURST, LICHT DES URTEILS, ou LEVIATHAN. En gros, un CV méchamment chargé, mais surtout, une optique de création : ténèbres, bruit, agression, Avant-garde, expérimentation, propos abscons, et déroulé musical cauchemardesque.

SKRYING MIRROR est son dernier-né, rattaché par le cordon ombilical à ÆVANGELIST, dont l’ADN correspond à cinquante pour cent des cellules de ce nouveau groupe. Outre Matron Thorn, SKRYING MIRROR concerne aussi M.Garcia, autre membre d’ÆVANGELIST (mais aussi de BENIGHTED IN SODOM, BLATTARIA, CARRIE WHITE BURNS IN HELL, HEX ARCANA, STRAY FILTH, ou RITUALS OF A BLASPHEMER) et compagnon de route fidèle, et K. Yearout (CONDUIT OF CHAOS, DIONYSIAN RITES, NEXWOMB, OMNIKINETIC, SANGRE DE LA LUNA, WITCHBONES, ex-DEVOURING SERPENT, ex-KALTESBLUT).

Une affaire de famille donc, d’autant que l’orientation de SKRYING MIRROR reste très fidèle aux enseignements d’ÆVANGELIST. D’ailleurs, le label ne s’y trompe pas, et recommande cet albums aux fans de, mais aussi à ceux que PORTAL, ABYSSAL ou BLUT AUS NORD peuvent intéresser.

Le résultat est encore une fois un Death cryptique, à cheval entre Indus et Ambient, entre Avant-garde et expérimental, terriblement puissant, sourd, sans pitié, et sans réelle structure saine. Ici, c’est l’inspiration néfaste qui parle, et qui permet de creuser des fondations mouvantes, comme si l’enfer se dérobait sous nos pieds. Matron Thorn n’a absolument pas changé son fusil d’épaule, et les accros à la cause d’ÆVANGELIST seront ravis de retrouver ces riffs étranges et biscornus, cette ambiance délétère et cette gravité de ton, qui ont permis au projet principal de Matron de devenir culte dans l’underground.

Il faut évidemment supporter cette agression des sens permanente. Le Death proposé par Omnimalevolence n’est pas vraiment du tout-venant, et certainement pas de la nostalgie facile pour consommateurs avides. Mais comme « Naught » met les choses au point immédiatement, pas d’erreur de jugement possible : SKRYING MIRROR est un miroir déformant présentant la réalité encore plus laide qu’elle ne l’est réellement, et nous offre un reflet assez peu flatteur de notre condition de mortels incapables d’assurer notre propre survie.

Ici, tout est poussé à fond, de la production exemplaire au chant d’arrière-plan, et le mystère le dispute à la mystique, qui enrobe ces neuf morceaux dans un linceul immaculé. On connaît bien le principe, quelque part entre DEATHSPELL OMEGA et HOWLS OF EBB, mais l’expérience est suffisamment intéressante pour qu’on oublie qu’elle reste assez classique en termes de Death à tendance Indus et occulte.

Le tout est logique, implacable et cohérent, et pendant quarante minutes, le trio stimule nos sens pour que notre nature profonde ressurgisse des abimes. On soulignera le travail important des arrangements qui confèrent à l’ensemble une patine encore plus épaisse, et le flair de compositeur de Reuben Christopher Jordan, qui n’a décidément toujours pas accepté de mettre un peu d’eau dans son vin.

Entre TERRA TENEBROSA et DEMILICH, SKRYING MIRROR prône donc le mal absolu, le malheur, la souffrance, mais se montre d’une incontestable élégance dans le discours, et fluide dans l’argumentation. Certes, il est évident que les fans de Death lambda n’y retrouveront pas leurs petits, mais les autres, perméables à un vocabulaire plus spécifique, comprendront et accepteront ce nouveau psaume d’un évangile apocryphe écrit dans une langue terriblement étrange.

Titres de l’album:

01. Naught     

02. Fractals    

03. Yearn       

04. Temptress

05. Famine     

06. Lux          

07. Intravenous         

08. Abjurer    

09. Failure

Bandcamp officiel