Je ne suis pas homme à me lancer à corps perdu dans l’analyse et l’appréciation du Metal Progressif à tendance planante. Cette preuve d’honnêteté étant faite, je reconnais au style d’indéniables qualités, mais je suis aussi suffisamment lucide pour savoir qu’à l’instar de son homologue Rock, cette scène a probablement dit tout ce qu’elle avait à dire depuis la publication des chefs d’œuvre du genre. Si les chantres de la progression interminable que furent YES, KING CRIMSON, PINK FLOYD (mais peut-on encore sérieusement leur accoler l’étiquette ?), ELP, RUSH et consorts ont gravé les tables de loi depuis les années 70, les éternels DREAM THEATER, OPETH, THE GATHERING, Steven WILSON, PORCUPINE TREE, et pourquoi pas (et d’ailleurs, oui) Devin TOWNSEND se sont servis de leurs enseignements en les durcissant pour les adapter à une sémantique agressive, sans dénaturer le propos d’origine. Au menu, les mêmes digressions sans fin et la même habileté technique, souvent dénuées de sens et d’émotion chez les suiveurs les plus régressifs, et la plupart du temps, osons-le dire, plutôt vaines tant les directions suivies ressemblent à des impasses vers un infini qui n’existe pas. Je ne suis pourtant pas contre la longueur, la célérité et une certaine forme de démonstration, pour peu que ces arguments servent le verbe et non le remplacent. Le principal étant à la base d’offrir à l’auditeur éventuel des chansons, aussi simpliste et lénifiant soit ce constat, ce que les groupes du cru ont souvent tendance à oublier pour privilégier le tape-à-l’œil ou l’égarement sur les voies impénétrables de la consécration instrumentale. Seulement voilà, tout n’est pas aussi compliqué pour tout le monde, et certains musiciens voient encore dans le progressif une progression, se basant sur un thème fort et des mélodies heureuses, histoire de ne pas déambuler dans les couloirs exigus de la stérilité mélodique et des labyrinthes rythmiques. Les ukrainiens de SLEEP IN HEADS font partie de cette caste, et leur humilité est presque touchante. Mais elle ne doit pas faire oublier pour autant qu’ils sont d’excellents musiciens, ainsi que d’habiles compositeurs, sans pour autant viser le paroxysme ou la plénitude, autrement que par l’appréciation de leur propre nature.
SLEEP IN HEADS, c’est d’abord un patronyme né de la traduction du nom de la chanteuse de ce quintette surprenant et attachant (Sonya - chant, Serj - guitare, Roman - batterie, Fann - basse et Natalia - violon), qui se présente à nous via cette première offrande discographique, On The Air. D’une durée respectable de quarante minutes, mais traité comme un EP, cet enchainement de six titres se révèle fort jolie carte de visite, et surtout, une preuve que le Progressif peut être pluriel dès lors qu’on ne l’entrave pas de considérations egocentriques. C’est aussi un premier témoignage assez séduisant de versatilité, qui ose une poignée de compositions faussement simples, mais réellement riches, qui butinent les fleurs du mal alternatif pour l’insérer dans un contexte purement Progressif (pas vraiment Rock, mais pas foncièrement Metal non plus). Le cocktail évoque un merveilleux mélange entre l’univers onirique des THE GATHERING (et d’Anneke en solo aussi parfois), et la scène Post-Metal de l’Est, pour un mélange d’agressivité/douceur en saveurs sucrées/salées parfaitement délicat. Inutile donc de traquer les accès de violence qui font partie du cahier des charges (même si la mini-tempête de blasts discrets sur « Time Like The Sand » peut en faire office), et mieux vaut plutôt se focaliser sur la capacité du quintette à trousser des ambiances vraiment envoutantes, en demi-teinte la plupart du temps, mais qui parviennent à générer des émotions assez tangibles pour peu qu’on en appréhende toute la subtilité. Les modulations sont évolutives, et amenées avec beaucoup d’intelligence, et si le discours se rapproche plus du Metal/Rock de la fin du millénaire précédent que du progressif pur et dur à la PORCUPINE TREE/Steven WILSON, nous ne nageons pas pour autant en plein populisme de vulgarisation, mais nous évitons aussi l’écueil de la surintellectualisation. Et ça, c’est un très bon point. S’il est certain que les fans hardcore du genre auront du mal à accepter l’adoubement de la troupe au sein de la confrérie (leur musique est plus construite en paliers que réellement progressive), les plus ouverts et même les réfractaires pourront y trouver leur compte, tant les morceaux sonnent, et utilisent avec beaucoup de flair des harmonies simples qui se retrouvent enrichies d’arrangements sobres. Et l’un dans l’autre, après quarante minutes d’écoute, la lassitude reste tapie dans l’ombre tandis que la curiosité se trouve stimulée, ne sachant pas très bien quel conseil prodiguer au cerveau pour lui indiquer une jolie case ou ranger le groupe.
Techniquement, les protagonistes tiennent largement la route, et se montrent affutés, mais surtout pertinents. Si la section rythmique s’amuse parfois beaucoup (le pattern bancal de « Blue Fear » que Mike Portnoy aurait pu nous coller à sa grande époque Awake), elle suit le mouvement et n’en fait jamais trop, à l’image de cette vocaliste au timbre très proche de la belle rousse hollandaise Anneke van Giersbergen, sans cette mauvaise habitude de partir en vrille dans des arabesques en circonvolutions qui rendaient certains morceaux de THE GATHERING assez difficiles à supporter. Sonya, sans en faire trop, s’impose comme meneuse de troupe, et son timbre de voix un peu voilé s’accommode très bien du canevas tissé par ses camarades de jeu, et s’intercale parfaitement entre les breaks, et les interventions de violon de sa consœur Natalia qui frotte ses cordes avec discrétion, pour souligner, et non transpercer. Pas d’influences classiques à craindre, mais de belles volutes slaves qui parfois nous enchantent de leurs accents Folk (« Blue Fear », toujours, le meilleur titre selon mon humble avis…), et qui s’intègrent à merveille à l’ensemble. Mais surtout, de la délicatesse, comme une politesse de l’âme qui empêche ces conteurs harmoniques de tomber dans le poujadisme de solfège, et qui les fait toujours choisir la solution la plus idoine (« Secret Shelter », dont les ondulations de clavier évoquent le passage des nuages dans un ciel d’été). Une modestie de ton et de son qui n’occulte pas les ambitions, mais qui leur confère une dimension humaine, comme ces instants de vie que les musiciens souhaitent nous faire partager. Une couleur pastel qui devient monochrome, pour des photos qu’on regarde avec tendresse, suggérant des souvenirs de quiétude et de bonheur, et une communion parfaite entre le pratiquant et son instrument, et entre le croyant et ses convictions personnelles. Et On The Air de progresser à son propre rythme, sans se hâter, justifiant chaque note, chaque vers, pour nous proposer un ailleurs décidément très attrayant.
Mais les SLEEP IN HEADS l’affirment dès l’entame de leur EP via ce sublime « Pacifying », ils sont là pour vous apporter la paix, sans fermer les yeux sur la violence du monde. Ils se permettent simplement de l’occulter, le temps de quelques chansons, qui, si elles ne changeront pas le cours des choses, vous auront au moins apporté une esquisse de bonheur l’espace d’un instant.
Titres de l'album:
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21/11/2024, 08:46
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