One Thousand Vultures Waiting to Be Fed

Efraah Enhsikaah

27/10/2023

Osmose Productions

Osmose lâche une bombe en ce mois d’octobre, posant la valise près du distributeur, et attend qu’elle explose. Une attitude récurrente chez les labels spécialisés dans l’extrême, qui n’aiment rien tant que les projets obscurs mis sur pied par des musiciens énigmatiques. Et EFRAAH ENHSIKAAH s’inscrit clairement dans cette logique opaque d’absence d’identité pour rendre la musique encore plus envoutante.

Malgré un temps certain passé sur la toile, je n’ai pu trouver autre information au sujet de ce projet que l’annonce de la sortie de ce premier album. Pas de page officielle ni de présence sur les réseaux sociaux, juste une nationalité piochée au hasard des sites, ce qui est bien peu pour introduire ce musicien anonyme, qui risque pourtant de faire parler de lui. Ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.

Sans bio, sans passé, il ne reste que le présent pour conjuguer l’histoire d’One Thousand Vultures Waiting to Be Fed. Ces vautours qui attendent leur pitance plantent donc le climat d’un album qui s’en sort admirablement bien dans sa retranscription d’une mort annoncée, et qui s’inscrit dans un cycle de vie tout à fait logique. Dans un registre Black Metal à la limite du DSBM et de l’orchestral, EFRAAH ENHSIKAAH s’en sort avec plus que les horreurs, variant ses accroches et ses humeurs comme tout bon misanthrope qui souhaite rester dans l’ombre. Loin du chaos des labels les plus attachés à des valeurs de non compromission, ce premier album est d’une musicalité indéniable, et d’une richesse harmonique très viable.

Et quelque part entre le BM traditionnel et rigoriste des années 90 et son pendant plus musclé du nouveau siècle, One Thousand Vultures Waiting to Be Fed fricote avec la Norvège, mais aussi la Suède, puisque l’influence du monstre DISSECTION se fait entendre à intervalles réguliers. Et quelque part entre Jon et MAYHEM, EFRAAH ENHSIKAAH joue la carte de la nostalgie avec beaucoup d’intelligence, en confrontant son propre point de vue aux dogmes établis par ces deux institutions.

Magnifiquement produit, magnifiquement pensé, ce premier album est d’une maitrise impressionnante, loin de ces albums pour caler un meuble dont l’underground nous abreuve d’année en année. Avec ses allures de classique immédiat, One Thousand Vultures Waiting to Be Fed fascine et provoque l’imagination, qui tourne à plein régime pour donner corps à cette vision musicale. On se plaît donc à bâtir un décor idoine pour cette narration, dessinant des étendues sauvages et désolées sur des hectares, le tout recouvert d’une brume blanche persistante et de frissons d’un hiver sans fin.

En trois morceaux, le concept assume ses ambitions, et les développe bien au-delà d’un amateurisme souvent gênant dans ce genre de réalisation. Assez proche de ce que Les Acteurs de l’Ombre nous offrent à longueur d’année, One Thousand Vultures Waiting to Be Fed se veut aussi riche que sec. Ainsi, cette triplette de départ constituée de trois morceaux longs et évolutifs hypnotise avec une facilité déconcertante, et nous renvoie dans un désert d’espoir gelé, entre la campagne norvégienne et les rêveries islandaises.

Mais l’ambition est bien la clé de cette entrée en matière. En tombant sur « Running Into The Abyss », golem de puissance mélodique, on ressent la pression de siècle de cadavres constituant le régime essentiel de ces charognards volants, qui tournent puis attendent pour fondre sur votre corps inanimé, comme des mouches sur un bout de viande faisandé.

Fondamentalement violent mais d’une tristesse presque palpable, EFRAAH ENHSIKAAH revisite toutes les sous-couches d’un genre qui ne s’est que rarement contenté du minimum. A la manière de catacombes visitées en douce grâce à un guide éclairé, One Thousand Vultures Waiting to Be Fed vous sème dans des couloirs interminables, dans la pénombre presque absolue, de l’eau jusqu’aux chevilles et la peur au ventre. Et cette visite désorganisée génère des sentiments multiples, entre statisme face à la beauté morbide et chair de poule souterraine (« Dead Sun Shines Bright »).

Storm of the Lights Bane est donc une tutelle admise, même si EFRAAH ENHSIKAAH va encore plus loin dans la mélancolie et l’amertume. Le sommet artistique est attient sur le pénultième morceau, ce « Cold Blood And Broken Teeth » encore plus froid qu’une nuit sans couverture dans la neige, qui assemble ses parties comme la mort met en place son plan, avec la complicité des vautours qui sont prêts à dépecer le cadavre.

Pour un premier album, One Thousand Vultures Waiting to Be Fed est impressionnant de maturité. On sent que le musicien se cachant derrière cette œuvre savait exactement ce qu’il voulait, et comment l’obtenir. Une technique affutée pour un résultat peaufiné mais assez sauvage pour paraître spontané. Black classique, Black mélodique, DSBM, Black épique, progressif, et même Folk lorsque l’outro superbe « Fed » nous offre le spectacle d’oiseaux en plein festin.

Tout ça ne va pas vraiment réchauffer l’atmosphère actuelle, mais dépeint avec une acuité effrayante la période de conflits que nous traversons, et qui nous emprisonne dans un désert de glace affectif. Un genre de minuscule espoir dans une mer de désespoir.  

                 

 

Titres de l’album:

01. One Thousand Vultures Waiting To Be Fed

02. Letharia Vulpina

03. Budgeting For Betrayal

04. Running Into The Abyss

05. Dead Sun Shines Bright

06. Cold Blood And Broken Teeth

07. Fed



par mortne2001 le 24/10/2023 à 16:14
80 %    360

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