Lorsqu’un groupe portant le nom de la cinquième étoile la plus brillante du ciel nocturne sort son cinquième album, on s’attend en quelque sorte à une épiphanie musicale. Un guide dans les ténèbres, une façon d’illuminer le néant pour suivre les signes qui nous emmèneront vers des horizons meilleurs. Le problème est que lorsque ce même groupe, à chaque occasion, semble tout faire pour publier un best-of de son propre style, il devient difficile de voir en son œuvre une succession de chapitres…C’est la situation dans laquelle nous sommes plongés alors que les VEGA nous offrent en ce pluvieux mois de mai leur cinquième LP, qui boucle donc la boucle, et qui nous replonge dans un loop temporel, nous renvoyant sans cesse au début de leur carrière, ainsi de suite, ad vitam aeternam…VEGA, ce sont un peu les rockaholics anonymes, des musiciens fameux aux noms qu’on peine à retenir, mais dont l’emblème frappe de son sceau l’addiction patente de tous les accros au Hard Rock de grande classe, celui-là même que les canadiens de HAREM SCAREM ont un jour défini au détour d’albums comme Mood Swings. Pas étonnant dès lors de retrouver une fois encore derrière la console un certain Harry Hess, qui a su déceler dans l’ADN des anglais des traces patentes de son propre ensemble, et qui s’évertue donc à donner au sextet (Nick Workman: chant/guitare acoustique, Tom Martin: basse, Marcus Thurston: guitare solo, James Martin: claviers, Mikey Kew: guitare/chœurs et Martin “Hutch” Hutchinson: batterie) le son dont il a besoin pour transcender des compositions déjà finement ciselées. J’avais déjà eu affaire à ces dignes représentants de la mélodie lors de leur sortie précédente, ce Who We Are en forme de fausse question qui m’avait emballé, et je les ai retrouvés toujours aussi agiles et pimpants sur cet Only Human, qui de l’aveu de son titre en dit long sur l’humilité des musiciens impliqués…
Seulement humain, oui, mais dans le sens le plus noble du terme. Toujours adeptes d’un Hard Rock à la lisière de l’AOR si précisément agencé qu’on le croirait fabriqué sur mesure, les VEGA continuent donc sur leur lancée et traversent la galaxie Rock en brillant de mille feux, toujours armés d’une batterie de tubes à reprendre en cœur, comme à la grande époque des années 80, lorsque ces hits enflammaient les charts et faisaient chavirer le cœur du public. Mais loin d’être de pauvres nostalgiques en manque de vintage préfabriqué, les anglais se veulent chantres d’une honnêteté de fond sur modernité de ton. Inutile de traquer le moindre signe de plagiat sur ce cinquième LP, les six instrumentistes étant beaucoup trop talentueux et intelligents pour tomber dans ce piège grossier. D’ailleurs, le chanteur Nick Workman met les choses au point dès son discours promotionnel :
« Nous assumons notre passion pour les années 80, mais nous y avons aussi injecté notre amour de la musique moderne. Nous n’essayons pas de recréer quoi que ce soit, notre son est celui de VEGA à 100%. Nous ne voulions pas essayer de deviner ce que les gens attendaient et nous planter ».
Et une fois de plus, le groupe a visé juste. Sans esbroufe, sans effets de manche, juste avec des harmonies simples et une interprétation hors-pair, assumant leur classe comme si elle était d’un naturel confondant, ce qu’elle est quelque part. Et Only Human évite donc la retape, sans forcer, mais en continuant sur la même lancée que les quatre albums précédents, qui en établissaient déjà de leur qualité. On y retrouve donc douze chansons, qui doivent autant à HAREM SCAREM qu’à BON JOVI, JOURNEY, SHY, MAGNUM, H.E.A.T, et tous les ardents défenseurs d’un Rock mélodique classieux, qui n’ont jamais oublié qu’une chanson n’était bonne que si l’on croit en elle et qu’on la défend de toute son âme. Et de l’âme, Only Human en a à revendre, comme en témoigne cette succession de tubes qui laisse admiratif, la mièvrerie n’ayant pas le droit de cité dans le ciel dégagé des VEGA. Certes, les surprises se font rares, mais il en reste toujours une de taille à découvrir, celle d’un groupe qui ne commet jamais le moindre faux-pas et qui toise de sa morgue les simples suiveurs de mode incapables de composer le moindre titre sans avoir recours à des ficelles déjà éprouvées. Difficile de mettre le moindre segment en avant sur ce nouvel effort, puisque tous sont d’importance, même si certains semblent se dégager de leur refrain ou de leurs chœurs chaleureux. Nous passons donc d’un Hard Rock puissant à un AOR émouvant, sans tanguer, mais en chavirant à l’écoute des lignes de chant toujours aussi caressantes de Nick Workman, qui n’a pas son pareil pour injecter de l’émotion dans une mélodie déjà méchamment radiophonique (« Come Back Again », « Mess You Made »). Polissant les contours sans brider les guitares, Harry Hess a accompli un travail gigantesque pour ne pas altérer la puissance au bénéfice de la romance, et permet au groupe de lancer une triplette d’entrée salement corsée (« Let’s Have Fun Tonight », légèrement synthétique, « Worth Dying For », au chaloupé qui griffe, « Last Man Standing », binaire faussement simple mais réellement transcendant), avant de les laisser s’aventurer en terrain plus contrasté.
Ce qui nous permet d’apprécier un cheminement clairement pensé, et de nous laisser dériver en terre Pop-Rock, le temps d’un magique « Come Back Again », ou de suivre les lumières qui éclairaient la Californie lorsque l’AOR nous promettait l’infini (« All Over Now »), acceptant même de ressentir la douceur d’une rythmique à la HAREM SCAREM veloutant une mélodie digne des DARE (« Only Human », et son refrain terriblement…humain), pour mieux dramatiser le passé en se lovant au creux du présent (« Standing Still »). Beaucoup de sensibilité donc, mais jamais de ballades qui exigent leur pesant de larmes, et des accès de rage qui nous extirpent d’une réalité trop tangible et sage (« Gravity », plus SURVIVOR et SHY qu’un single de Jami JAMISON), mais aussi des guitares en cocottes pleines d’écho, histoire de flirter avec la Pop d’un peu plus près (« Turning Pages », compo parfaite pour refrain homérique qui reste en tête). Un passage en revue de tous les aspects du Rock mélodique des eighties, replacés dans un contexte contemporain (« Fade Way », l’un des plus joyeux et heureux du lot), et un album qui une fois de plus ne laisse rien passer, pour garder des exigences de qualité élevées. Alors, il est certain que VEGA n’est que la cinquième étoile la plus brillante que vous pourrez voir ce soir, mais après écoute de cet Only Human, je suis prêt à parier qu’elle sera celle qui brillera le plus dans votre cœur de rockeur. Un parcours décidément impeccable pour un groupe de musiciens, et non de stars, qui s’incrustent dans notre mémoire et y restent, défiant le temps et se gaussant des étoiles filantes qui attirent sans doute plus les regards, mais qui exaucent rarement nos vœux.
Titres de l'album:
01. Let's Have Fun Tonight
02. Worth Dying For
03. Last Man Standing
04. Come Back Again
05. All Over Now
06. Mess You Made
07. Only Human
08. Standing Still
09. Gravity
10. Turning Pages
11. Fade Away
12. Go To War
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