Parler du cinquième LP d’un groupe qui frise les vingt ans de carrière n’est pas chose aisée. Je dirais même que la tâche est rude, spécialement lorsque vous n’avez jamais confronté votre prose à leur musique. Et le cas de figure est encore plus complexe dans le cas d’un groupe à l’identité mouvante, mais affirmée, comme THE PROPHECY. Car en effet, malgré une trame générique assez marquée, le quatuor (Matt Lawson – chant, Greg O'Shea – guitares, Gav Parkinson – basse et John Bennett – batterie) n’a jamais donné dans la facilité ou la linéarité, ce que confirme avec un brio imparable Origins, qui de son titre semble indiquer un retour aux sources, mais restent à savoir lesquelles…Pas celles du groupe en tant qu’entité musicale, mais visiblement celle des musiciens en tant qu’êtres humains, avec leur affinités, leur caractère, et leurs goûts artistiques. Nous en étions resté au majestueux et ample Salvation il y a quatre ans, mais il semblerait que ce laps de temps déraisonnablement long a permis au combo de se plonger dans sa vraie nature, au point d’en extraire une essence au parfum étrangement nostalgique, mais à des lieues d’un Doom progressif basique auquel il semble tourner définitivement le dos.
Au gré des biographies, vous risquerez de tomber sur des étiquettes comme « Doom », « Death », ou « Progressif ». Faites-moi confiance, ne les croyez pas sur papier. Et à la rigueur, seule la dernière est encore d’actualité, pour peu que vous envisagiez le genre comme une ambiance générique travaillée à outrance et modulée avec aisance, plus que comme une accumulation de plans complexes et techniques. Car chez les THE PROPHECY, la technique est secondaire. Rien n’est fait pour verser dans l’épate, ni dans la retape, et les plans sont tous justifiés émotionnellement parlant. Et en parlant d’émotion, je trouve que le terme convient terriblement bien à ce cinquième LP, qui manipule les sentiments comme une poésie écrite un soir d’hiver…
Cinq morceaux, et cinquante minutes de musique. Un compte rond, pour une affaire qui elle aussi prend les formes pour développer le fond. Si l’on retrouve quelques composantes essentielles du groupe, comme ces riffs simples et lancinants, et ce chant tout en dualité clair/growls (particulièrement efficace sur le deuxième segment, et dès les premières secondes), tout comme cette rythmique écrasante et métronomique, l’air lui s’est rafraichit, et évoque les premiers frimas d’un décembre particulièrement froid. En privilégiant une instrumentation hors norme à base de touches et de cordes, les originaires d’Halifax ont fait le choix à fleur de peau qui leur convient le mieux, et se posent en uniques successeurs de leur propre cause, même après un silence de quatre ans. Salvation jetait déjà des bases différentes de ses aînés, qui sont ici explorées de fond en comble, pour permettre aux morceaux d’évoluer selon une logique harmonique superbe. Avec une formulation facile, il serait facile de voir en Origins un pendant « positif » à un MY DYING BRIDE toujours agonisant. Mais il est vrai que la comparaison est assez juste, considérant la beauté et la pureté des mélodies proposées, qui nous projettent même quelques décennies en arrière, lorsque le Progressif des 80’s teintait les expérimentations 70’s d’une approche Pop délicate. Mais stoppons net le petit jeu des allusions et métaphores, pour nous concentrer sur l’essentiel. Cinq chapitres d’une même histoire, qui une fois assemblés en forme une autre, fascinante et troublante.
Pour insister quelque peu, le spectre d’un Neal MORSE fait aussi surface durant les longs passages éthérés et presque oniriques, tout en évitant cette emphase céleste qui plombe parfois les travaux les plus condescendants du musicien. Mais comme THE PROPHECY se suffit à lui-même, il réalise la sienne, et se métamorphose en créature mi diabolique, mi angélique, séduisante, mais toujours effrayante lorsqu’elle montre les dents, de plus en plus rarement il faut l’avouer.
Parlons de Post ? Un peu, puisqu’à l’écoute du long et hypnotique « Origins II », le spectre d’un Post Doom se dessine peu à peu, dans cette alternance magnifique d’acoustique fragile et de distorsion tendue, soulignée par une dualité vocale schizophrénique, qui semble nous narrer deux points de vue opposés en même temps. Guitares en accords classiques, chant clair juste et précis, qui n’en rajoute jamais, pour de soudaines stries de violence toujours contenues, comme pour prouver qu’on maîtrise son double sans avoir à changer sa personnalité…déjà fort complexe.
Si la cohésion d’ensemble est indiscutable, de par les thèmes qui trouvent écho d’une piste à l’autre, les variations ne pointent pour autant pas aux abonnés absents. Elles se manifestent sur le crépusculaire « Origins III », qui appuie un peu sur les traumas pour les faire ressurgir, et qui emploie une fois de plus avec beaucoup de pertinence cette superposition de chant.
Cette démarcation du filigrane initial se poursuit sur « Origins IV », qui développe une belle complicité entre une guitare acoustique et une basse, avant de jouer le crescendo en ligne brisée, et imposer des riffs toujours aussi spartiates, mais fermes. Les arrangements se meuvent, la voix ose pousser un peu sur les cordes, et on se retrouve complètement conquis par une évolution naturelle amenée avec une intelligence rare. Plutôt que de jouer le choc frontal en brisant son schéma, Origins grandit avec ses harmonies et son orchestration, pour se transcender sur son final « Origins V », qui part dans une direction un peu différente, sans renier son chemin de départ. Après une intro une fois de plus cristalline, le Doom mélodique suit son cours, en regardant sa boussole de délicatesse, pour ne pas se perdre le long d’une route trop bien pavée. La rythmique offre sur les thèmes porteurs un soutien minimum de blanches et de noires parcimonieuses, avant de jeter l’éponge pour s’effacer devant un piano qui une fois encore, joue les chefs d’orchestre pour le mener à sa baguette de cordes. Clavier et chant, pour un final qu’on pressent apocalyptique, dans une grande tradition NEUROSIS, mais qui finit par s’éteindre sans délivrer le climax attendu, qui se serait avéré beaucoup trop prévisible. Et ce cinquième album des anglais n’a jamais été conçu pour l’être, comme tous les autres d’ailleurs…
Les anglais ont toujours été très forts à ce petit jeu de nuances introduites dans un genre qui pourtant n’en supporte que peu. Mais au petit jeu du petit jeu, les THE PROPHECY se montrent les plus doués, en proposant un album tout en métonymie. Un LP qui se désigne lui-même, mais qui incarne aussi en tant qu’entité isolée la globalité d’un parcours et d’une carrière. Et qui pointe du doigt la facilité avec laquelle ces musiciens composent des hymnes à la beauté, à la nostalgie et à la brutalité, sans privilégier l’une ou l’autre des émotions.
Un Post Metal émotionnel ? Le terme me plaît.
Titres de l'album:
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C'est clair que ça fait mal au cul de voir la prog' du festival depuis quelques années... faut pas s'étonner hélas que le public se fasse de moins en moins nombreux, alors qu'avant le Covid l'affiche avait chaque année de la gueule !
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Première écoute décevante, la seconde plus convaincante. Malgré tout un peu déçu après le très bon World Gone Mad
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29/04/2025, 02:27
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29/04/2025, 02:24
@DPD:Pour finir, là où je pense te rejoindre (je suis presque quinqua, pourtant), c'est que je trouve insupportable les anciens qui prennent les jeunes de haut en leur disant que ce qu'ils font ne sera jamais au niveau de ce qu'ils ont connu.
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@DPD: que METALLLICA n'apporte plus rien à la scène depuis 30 ans, je pense que ça fait plus ou moins consensus. Mais je ne vois pas ce que LORNA SHORE apporte non plus.Ceci étant dit, qu'est-ce qu'un "jeune" de la scène. Moins de 40(...)
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