Nouveau venu sur la scène colombienne, ESPIAS MALIGNOS proposait l’année dernière son premier album longue-durée, et trente-huit minutes d’agression raisonnable. Ana Maria Cabrera (basse), Néstor Osuna (batterie), Diego R. Cruz (guitare) et Rodrigo Vargas (guitare/chant) affichent donc des prétentions modestes, mais un niveau de créativité suffisamment intéressant pour que vous vous y penchiez. Car en effet, loin d’un classicisme trop prononcé, ces colombiens osent le mélange des genres, et font souvent appel à des sonorités extérieures, plus bluesy et symptomatiques de la NOLA pour corser leur mélange.
Oscura joue donc comme l’un de ses titres le souligne sur du clair/obscur, avec des mélodies cachées dans l’ombre, et une lumière Thrash aveuglante mais pas trop, et loin de la crudité sud-américaine en a matière. Leurs influences seraient d’ailleurs plus à situer au nord, mais au sud des Etats-Unis, entre la Californie et la Nouvelle-Orléans, comme un prototype colombien d’EXHORDER, pas encore sorti des usines pour cause de brèches à colmater.
Ces esprits malins le sont donc dans les faits, et malgré une violence raisonnable et un tempo qui reste dans les clous, ce premier LP fait montre d’un désir de s’éloigner quelque peu d’une vague old-school trop prévisible. Loin d’être parfait - logique pour un premier album - Oscura est donc un disque méritant, qui propose des soli originaux transcendant la plupart du temps des riffs formels. Entre le SEPULTURA de Schizophrenia moins porté sur l’hystérie, et les suédois d’AGONY en version Red Bull, ESPIAS MALIGNOS est donc une sorte de concession entre tous les visages du Thrash ancien, avec un lifting légèrement contemporain.
Nous n’évitons évidemment pas les citations dans le texte, à l’image de l’intro de « Traumática », subtil démarquage de celle du séminal « Creeping Death », et les références restent parfois un peu encombrantes. Mais un niveau technique notable, un investissement indéniable, et une jeunesse fraiche font de ce premier album un témoignage intéressant de la vitalité de cette scène colombienne, très portée sur une violence plus tamisée depuis quelques années.
Notons pour la précision une production un peu sèche qui convient très bien à l’optique choisie, et un mixage qui n’oublie pas la basse dans les abysses des médiums. Et si certains morceaux se suivent et se ressemblent, si les passages les plus amers ne sont pas sans évoquer le PANTERA des grandes années chanté en espagnol, si l’ensemble tient parfois debout de son côté monolithique, ESPIAS MALIGNOS sait placer une accélération au bon moment, ou au contraire, un écrasement soudain qui relance la machine sur les rails.
Les tubes rêches ne manquent donc pas, la lourdeur est conséquente, et les syncopes efficaces. Ainsi, le plus long « Falacias » se joue d’un mid-tempo hypnotique et d’un mi gratté à outrance, avant de se souvenir des astuces du SACRED REICH des années 90. A l’inverse, l’intermède instrumental très ibère « ClaraOscura » nous offre une jolie mélodie jouée avec dextérité, préparant le terrain pour l’évolutif « Nadando En El Cielo De Barro (Parásitos) » et ses six minutes de déroulé.
A ce moment-là, quelques ambitions plus claires s’affichent, et le groupe montre un autre visage, moins figé dans le temps. Intro mystique en dissonances, chant en écho, pour une ambiance prenante et nocturne, qui rappelle quelques efforts de TESTAMENT pour susciter le mystère harmonique. Des qualités donc, une envie de dévier d’un trop droit chemin, un son intéressant, et des capacités à envisager l’avenir sous un angle moins droit. La seconde partie de l’album, brumeuse et étrange nous promet des lendemains moins systématiques, laisse la basse aux avant-postes (« Onerosa »), privilégie l’ambiance sur la puissance (« Buitres »), et laisse un goût étrange en oreilles.
ESPIAS MALIGNOS a donc pondu un album qui prend son temps pour se révéler. Un album qui se lit à plusieurs niveaux, encore un peu amateur dans la mise en place, mais qui cache des capacités notables. Une carrière à suivre donc, pour un jeune groupe qui a encore des choses à apprendre.
Titres de l’album:
01. Oscura
02. Cruel
03. Traumática
04. Asesinados En Nombre De...
05. Falacias
06. ClaraOscura
07. Nadando En El Cielo De Barro (Parásitos)
08. Onerosa
09. Buitres
10. Uróboros
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