Le 9 août 1988 sortait le quatrième album des suédois de EUROPE, Out of This World. Cet album était doublement historique. D’abord, parce qu’il succédait au carton interplanétaire The Final Countdown dont il devait essuyer les plâtres dans les charts, tâche Ô combien ardue. Ensuite, parce qu’il intronisait au poste de guitariste un certain Kee Marcello, bon ami de Joey Tempest et ancien membre d’EASY ACTION. Le musicien avait la lourde tâche de faire oublier John Norum, soliste au talent incomparable, qui avait claqué la porte, fort mécontent de l’optique commerciale prise par son groupe, d’ordinaire plus intéressé par l’héritage de DEEP PURPLE que par les cimes du Billboard. Kee a connu une belle carrière avec EUROPE, jouant sur deux albums considérés aujourd’hui comme des classiques, avant que le combo suédois ne laisse les clés dans la boîte aux lettres dans les années 90. Depuis, il n’a pas chômé, a publié un certain nombre d’œuvres en solo, et laissant sa patte sur nombre de LPs d’autres artistes évoluant dans sa galaxie musicale. Alors, en 2021, est-il si incongru de retrouver le sympathique guitariste aux commandes d’un projet international baptisé…OUT OF THIS WORLD ? Pas vraiment, puisque Kee fait lui aussi un coup double, en rendant hommage à son illustre passé tout en regardant vers l’avenir, l’air très confiant. Et il y a de quoi, le premier album de ce nouveau projet étant d’une qualité incroyable, ce qui n’est guère surprenant non plus au vu des musiciens impliqués.

Meneur de la barque en tant que compositeur, guitariste et claviériste, Kee a collaboré avec l’un des chanteurs les plus doués de sa génération, Tommy Heart, de FAIR WARNING, dont la voix fait toujours chaud au cœur et sucre aux oreilles. Les deux hommes sont soutenus dans leur numéro de duettistes par une section rythmique top-notch composée de Darby Todd (GARY MOORE, THE DARKNESS) et Ken Sandin (ALIEN), ce qui donne évidemment à ce projet des airs de supergroupe pas totalement avoué, mais concret dans les faits. On aurait d’ailleurs pu s‘attendre à voir l’album signé par Frontiers, tant la musique correspond totalement aux exigences du label italien, mais c’est en financement participatif qu’il a vu le jour, se retrouvant distribué au Japon par JVC/Victor, LA structure nationale.

Plus qu’un simple album pour se faire plaisir, Out of this World est un véritable manifeste, une déclaration d‘amour à l’intention d’un Hard Rock mélodique de grande classe à la suédoise, tirant sans honte la couverture de l’AOR à lui, avec un brio incroyable. On savait déjà que Kee était un compositeur hors-pair, ce qu’il a déjà prouvé au sein de son expérience KEE OF HEARTS, mais autant admettre que cette fois-ci, il s’est surpassé pour signer un futur classique du Melodic Rock à l’américaine, avec son cortège de hits et de tubes à tomber à la renverse. Pour parvenir à ce résultat, et en sus de l’équipe d’élite qu’il a réuni autour de lui, Kee a choisi de travailler une fois encore avec la légende Ron Nevison (KISS, BAD COMPANY, Ozzy OSBOURNE, LYNYRD SKYNYRD, Vince NEIL, MEAT LOAF, HEART, CHICAGO), et cette collaboration ne doit rien au hasard, puisque le dernier travail en commun des deux hommes était justement ce fameux Out of this World de EUROPE, il y a trente-trois ans. Un air méchamment nostalgique plane donc sur cet album, qui relève la gageure de lier le Hard-Rock des années 80 avec l’AOR contemporain, pour produire le crossover le plus classieux et efficace du marché. Tout y passe, de la ballade sentimentale à la bronca boogie à la MR BIG/VAN HALEN (« The Warrior »), largement de quoi fédérer le public le plus large possible et faire fondre les pays avec des chansons bourrées de technique et de passion.

Vous pouvez scruter à la loupe, tout est là : les harmonies sublimes, la complicité instrumentale, la voix incroyable de Tommy, qui parfois prend les mêmes inflexions que celle de Joey, le flair en solo de Kee, et la solidité d’un axe base/batterie prêt à répondre à tous les appels. Tellement confiant, Kee s’est même fendu d’un morceau progressif et envoutant en ouverture, place d’ordinaire réservée à un titre immédiat et catchy. C’est ainsi qu’en glissant l’album dans votre platine, vous serez cueillis à froid par l’ambitieux « Twilight », tissant sa toile sur plus de sept minutes pour réconcilier EUROPE, JOURNEY et tout autre représentant mélodique digne de ce nom. A la frontière d’un RUSH commercial, « Twilight » époustoufle de ses proportions dantesques et de ses idées imposantes, et rappelle le meilleur de Robby VALENTINE, l’un des rares artistes au monde à avoir su allier la force du Hard Rock, la souplesse de l’AOR et la grandeur du progressif abordable. On pense même en écoutant ce morceau à un EUROPE de 1988, qui aurait refusé la facilité des gimmicks les plus putassiers pour se rapprocher de ses deux premiers albums. De la magie ? Oui. De l’efficacité ? Oui. Et tout ça n’est que le début de l’aventure.

L’aventure justement, est musicale, mais aussi humaine. On sent tout au long de l’album une passion sincère partagée par des musiciens connaissant bien leur potentiel et leurs envies. Et si « Hanging On » calme un peu le jeu de ses synthés stellaires, le chant de Tommy, légèrement rauque nous évite les atermoiements FM les moins excusables, d’autant que le riff imposé par Kee est du genre viril. Inutile donc de craindre des dérives sentimentalistes de bas étage, le Hard-Rock règne en maître sur ce premier album, et OUT OF THIS WORLD est bien décidé à s’imposer comme un véritable groupe et non un simple accident.

Doté d’une énergie juvénile, Out of this World s’impose donc comme l’album mélodique du mois, voire de l’année, car je vois mal un outsider dépasser en qualité ce premier jet. Faire mieux que « Ain’t Gonna Let You Go », archétype AOR en diamant, ou plus radieux que le soleil de « Lighting Up My Dark » me semble clairement impossible, d’autant que l’album dispose d’un son aux petits oignons, permettant à la guitare de Kee d’aborder tous les registres et toutes les sensibilités. Mordant en solo, agressif en rythmique, Kee n’a jamais semblé si en cordes, et se laisse aller au gré de son inspiration pour nous emporter loin, bien loin de ce monde…

Voilà donc un groupe viable, au potentiel si énorme qu’on prend peur au moment de l’évaluer. Et si Out of this World en 1988 révélait le visage d’un EUROPE au sommet de sa forme, OUT OF THIS WORLD en représente une image 2021 bien plus flatteuse et moins compromise. A noter que l’album sera accompagné d’un live, comprenant des standards de KEE OF HEARTS, EUROPE, et FAIR WARNING, histoire de compléter la donne.                    

Titres de l’album:

01. Twilight

02. Hanging On

03. In A Million Years

04. Lighting Up My Dark

05. Staring At The Sun

06. The Warrior

07. Up To You

08. Ain’t Gonna Let You Go

09. Only You Can Teach Me How To Love Again

10. Not Tonight

11. Not Tonight (Acoustic Duet Version)

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