Le Black Metal se sert souvent d'une imagerie « classique » pour dessiner les contours d'un monde voué à la violence, à la misanthropie, et pioche allègrement dans les formules faciles pour choquer l'auditeur, et le persuader qu'un monde d'ignominie et de cruauté l'enserre dans un linceul invisible. Généralement, les thématiques sont obsessionnelles, du fameux Necronomicon aux préceptes prônés par Anton LaVey, en passant par la Bible évidemment, dont les artistes prennent le contrepied, mais aussi des œuvres fictives, dont celles de Lovecraft, Lautréamont ou même le Marquis de Sade pourquoi pas, pour les plus sadiques. Mais il arrive aussi, de temps à autres, que ces créatifs puisent dans leur esprit malsain et malade de quoi alimenter un bestiaire impossible, ouvrant les portes de dimensions parallèles complètement fantasmées. C'est généralement dans ces cas-là que le propos devient plus intéressant, pour peu que l'aspect musical soit aussi fouillé que les concepts narratifs. Et dire qu'Esoctrilihum est parvenu à atteindre un équilibre impressionnant entre liberté littéraire et créativité musicale est un euphémisme lorsqu'on écoute avec attention son second album, qui fait preuve d'une impressionnante maîtrise. One-man-band dirigé de main de maître par le mystérieux Asthâghul, Esoctrilihum nous avait déjà offert il y a quelques mois une introduction à son monde occulte, via la parution du perfectible mais imposant Mystic Echo From A Funeral Dimension, qui avait laissé de profondes traces dans l’inconscient collectif, et si certains y sentaient déjà les prémices d'une monstruosité à venir, peu avaient le recul nécessaire pour entrevoir une suite aussi ambitieuse que démesurée...Mais en substance, Pandaemorthium (Forbidden Formulas To Awaken The Blind Sovereigns Of Nothingness) et son titre interminable est plus qu'un nouvel album ou qu'une tentative d'élargir une vision, il est une porte menant sur un univers inconnu, aux méandres obscurs et aux intentions masquées par un génie de la scénographie musicale...
De fait, on ne propose pas un second chapitre aussi développé que ce Pandaemorthium sans savoir exactement ce que l'on fait. Se situant à la lisière des genres, ce nouvel épitre abscons se sert des préceptes antérieurs pour faire progresser une philosophie jusqu'à ses propres limites, encore loin d'être atteintes. Véritable festival de lucidité créative, ce nouvel album fait la part belle aux ambiances, aux atmosphères, et trace les contours d'une dimension autre, dans laquelle le Death, le Black, le Progressif et la musique occulte (voire expérimentale, osons le terme) se percutent de plein fouet, et dont le choc sysmique est géré par des injonctions vocales versatiles. D'un dramatisme formel, les onze longues pistes de ce nouvel effort rappelleront aux moins étourdis la puissance la plus fondamentale d'un Death impitoyable mais musical (“Lord of the Closed Eyes”, que SUFFOCATION et MORBID ANGEL auraient pu se partager du fond d'un purgatoire largement mérité), mais aussi le sens de l'aventure d'un Black refusant de rester cantonné aux éternelles figures imposées, profitant de ses arrangements sans oser franchir le pas du symphonique castrateur. Et pour être honnête, les influences multiples se mélangent avec un tel brio qu'on se retrouve bien incapable de ranger le projet dans une case bien délimitée, tant Asthâghul se plaît à jouer avec les limites, et à brouiller sa démarche d'une cinématographie musicale aussi emphatique que riche. Tout ici respire la perfection, et traduit le soin apporté à la réalisation d'une œuvre que son auteur voulait unique. Si par facilité, certains se sont sentis obligés de jouer au petit jeu des comparaisons, dressant des parallèles avec LEVIATHAN, INQUISITION, PORTAL, ou MARE COGNITUM, il faut plus voir cette analogie multiple comme une bouée de sauvetage à laquelle se raccrocher pour ne pas perdre le fil de la réalité journalistique. Mais honnêtement, et dans un désir d'objectivité, il n'est absolument pas vain d'affirmer que Pandaemorthium (Forbidden Formulas To Awaken The Blind Sovereigns Of Nothingness) est unique en son genre, et risque de le rester encore longtemps.
On peut aussi penser, dans un souhait de vulgarisation de masse, à une version extrêmement personnelle et déformée d'une rencontre impromptue entre les conceptions les plus emphatiques d'EMPEROR, et la liberté sauvage de DEATHSPELL OMEGA, sans que qu'Esoctrilihum n'emprunte vraiment le vocable de l'un ou de l'autre. Car l'homme a son propre lexique, qu'il connaît sur le bout des doigts, et les rares passages plus abordables sont immédiatement contrebalancés par une idée biscornue, nous faisant perdre tout repère, malgré une utilisation assez intensive de blasts, accentuant une violence de fond ne cachant pas une certaine délicatesse de forme. Les morceaux les plus longs sont évidemment les plus révélateurs de la pensée du concepteur, et entre la démesure incroyable de « Prison Of Flesh », passant par toutes les nuances de noir possible et « Nocturle Ars Fh'a » retrouvant l'acidité des premières incarnations du BM nordique le plus puriste, le voyage est tout aussi introspectif que fantasmagorique, s'enivrant des essences ténébreuses de la scène norvégienne des années 90 pour la transposer dans une époque contemporaine, finalement plus hors du temps que vraiment ancrée dans notre propre ligne temporelle. Riffs acerbes, voix qui déclame, qui geint, qui invective gravement, pour une tragédie grecque décalée dans un espace-temps indéfini, le ballet à des allures de conte macabre issu d'un grimoire ancien et oublié, que le musicien français à su traduire avec son propre idiome embrumé, mais au propos clair comme une nébuleuse identifiée. Entre trou noir d'antimatière absorbant tout ce qui passe à sa portée et postulat musicalement scientifique élaboré et étayé, Pandaemorthium ne se contente pas de ficelles usées pour nous convaincre, et transcende des arrangements synthétiques usuels pour les transformer en volutes sonores évanescentes, toujours dans ce désir très précis de ne pas s'attacher trop fermement aux obligations d'un genre trop cloisonné. On sonde parfois les abysses les plus cauchemardesques, tout en agrémentant nos cauchemars d'une touche de merveilleux improbable aussi glauque qu'impénétrable (“Sepulcrum Miseriæ”, avec toujours en point d'orgue cette voix particulièrement immonde allégée de mélodies désincarnées), mais on danse aussi sur les berges de la brutalité la plus ouverte, lorsque la tendance rejoint celle d'un Death plus formel dans les faits, mais toujours aussi intangible dans le rendu (“The Holocaust of Fire in the Temple of the Red Oracle”, aussi efficace qu'hypnotique).
Difficile donc de se montrer définitif à propos d'une œuvre aussi ouverte, qui pioche les éléments dont elle a besoin un peu partout, sans jamais nuire à la cohésion d'ensemble. On note évidemment une brutalité ouverte, qui permet tous les débordements, bien que ceux-ci soient souvent contenus par un instrumental millimétré. Et si certains jugeront le tout un peu roboratif (soixante-dix minutes pour un second album n'est pas un format d'usage), les plus perméables aux fantasmes avoués d'un artiste libéré de toute contrainte sauront déceler dans cette musique un creuset d'influences détournées de leurs codes, et réappropriées par une mise en scène digne d'une histoire horrifique mise en musique. Techniquement parfait, créativement bluffant, ce second LP est une démonstration de force, à l'impact amplifié par la courte période qu'a nécessité son élaboration. Difficile de croire qu'Esoctrilihum a pu allonger sa marge de progression en aussi peu de temps, et pourtant, il est impossible de ne pas constater que Pandaemorthium lui fait maintenant franchir le palier le séparant des espoirs à suivre des valeurs établies et sûres, mais l'un dans l'autre, c'est ce qui fait tout le charme d'un album aussi brutal qu'indéfinissable, et aussi séduisant que repoussant. Un univers pénétrant, décalé et pourtant symptomatique de démarches conformes, mais pas conformistes. Tel est l'équilibre hautement instable que le magicien Asthâghul est parvenu à trouver, déclenchant de fait l'admiration, mais aussi l'interrogation. Quel sera en effet le prochain chapitre, et doit-on s'attendre à quelque chose d'encore plus grand que ce gigantisme? L'avenir nous le dira, mais en attendant de le lire et de l'écouter, Pandaemorthium en représente une sorte d'avertissement qu'il convient de ne pas prendre à la légère.
Titres de l'album:
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11
Ils sont juste trop faux-cul pour assumer le statut de tribute band, voilà tout.
06/05/2025, 16:15
Si je comprends bien il n'y a qu'un seul membre d'origine ? et évidemment que c'est un tribute band, comment l'appeler autrement. à ce point autant commencer un nouveau groupe avec un clin d'oeil, pour affirmer une certaine continuité. Faut assum(...)
06/05/2025, 05:51
Perso, je suis plutôt preneur ! Reste plus qu'à espérer que ce soit à la hauteur de mes attentes !(Faut bien avouer que même si je suis fan de l'album Sick, mon préféré reste Enjoy the Violence ! Quelle tuerie absol(...)
05/05/2025, 23:34
J'ai eu la chance de les voir il y quelques semaines dans une salle stéphanoise chauffée à blanc et je peux vous dire qu'on va entendre parler de ces garagnats dans le monde entier !!!! Du grand art .
05/05/2025, 18:16
Après j'ai 50 balais et je ne vais plus trop a des concerts ou festival et pourtant j'ai le sylak a 10 minutes de chez moi mais ce n'est plus ma tasse de thé et désintéressé de la scène actuelle et l'ambiance qui ne me correspond(...)
04/05/2025, 12:35
C'est très surprenant car Montpellier est bien connu pour être étudiant , dynamique et jeune . Je ne comprends pas ces difficultés car je ne maîtrise pas tout alors qu' a l'inverse dans la région Lyonnaise où je suis , c'est plut&oci(...)
04/05/2025, 12:25
Moi j'y serai !Avec les copains de Sleeping Church Records, on sera sur place !
04/05/2025, 09:55
Je l'ai essayé, alors que je n'écoute plus Benediction depuis beau temps. Ce sont des vétérans et le retour de popularité du Death vieille école leur vaut une certaine popularité, qui n'est pas volée au regard de cette long&ea(...)
03/05/2025, 22:39
T'as même pas le courage de dire que c'est un comportement typique de la population noire américaine, ce qui n'a aucun rapport ici.
03/05/2025, 21:41