La pantophobie (du grec πᾶν - pan, lui-même lié à "πᾶς" - pas (« tout ») et φόβος - phobos (« peur »)), également connue sous les noms omniphobie et panophobie, est une phobie non-spécifique connue comme étant une peur de tout. Et cette définition tiré de Wikipedia, l’encyclopédie qui n’a peur de rien ni de personne résume admirablement bien notre époque de peurs. C’est la vérité, nous avons peur de tout. De dire la vérité, d’être nous-même, de faire un faux pas oral, des microbes, de la viande avariée, de la fin du monde, de manquer d’argent, de ne pas pouvoir emmener nos gosses à Eurodisney pour les vacances de printemps, d’avoir oublié notre portefeuille à la maison, et de vexer les voisins en refusant leur invitation à un barbecue. Artistiquement parlant, la donne semble la même. On préfère un conformisme confortable à un sens de l’expérimentation exposé, et on produit des trucs à la chaîne, similaires, formatés, parce qu’on sait que le public a peur d’écouter des choses qu’il n’a pas l’habitude d’entendre. Même en termes de production, on a les jetons. On favorise un son massif, global, aseptisé, qui ne risque de froisser personne, et de n’agresser aucun tympan réticent à des sonorités moins consensuelles. Mais moi, et d’autres, la peur, on l’emmerde. On l’emmerde parce qu’on a l’habitude d’écouter des trucs qui sortent de la norme, parce qu’on a entendu Beefheart, Zappa, les SHAGGS, THROBBING GRISTLE, DODECAHEDRON, les RESIDENTS, PRIMUS et John CALE. Parce qu’on aime la bizarrerie coquette des gens de talent qui mangent des croquettes avec les dents. Et par extension, moi et mes amis aimons la musique des NI, parce qu’ils ne sont ni l’un ni l’autre, mais simplement eux-mêmes. Depuis un bail maintenant. Et parce que les NI, c’est un peu le polichinelle dans le tiroir, le chien dans un jeu de quilles, le grain de sable dans la production normative actuelle. Et parce que leur premier album Les Insurgés de Romilly nous avait prouvé que ces musiciens de Bourg en Bresse étaient plus que de simples iconoclastes du Rock instrumental uniquement obsédés par la reconnaissance de leur talent. Des créatifs. Et ça aussi, même dans la pub aujourd’hui, ça fait peur.
Alors, sûrs de leur fait, les quatre instrumentistes (Anthony Béard: guitare, François Mignot: guitare, Benoit Lecomte: basse, Nicolas Bernollin: batterie) ont lancé une campagne de financement participatif pour parvenir à fixer sur bande leur second délire, qui s’attaque justement à diverses formes de phobies. On y retrouve des choses assez communes, comme la peur de la lumière, la crainte de la page blanche, mais aussi l’effroi du ridicule, la tétanie face à l’infini, la peur de la station debout, celle de l’échec, et des poulets. En gros, de quoi fabriquer un monde fait de terreur de tout et n’importe quoi, qui ose pourtant tout sans faire n’importe quoi. Présentés comme des déconstructeurs de Jazz Metal, les membres de NI sont beaucoup plus que ça. Ils sont la somme de leurs influences, mais aussi le bilan d’un parcours individuel au sein d’un collectif affranchi de toute contrainte. Ils sont les enfants du Free-Jazz des années 70, mais aussi les frères d’armes de l’expérimental alternatif des nineties. Ils peuvent citer Coltrane, mais aussi KING CRIMSON, le Krautrock allemand, Les Claypool, Steve Vaï, se comparer aux PEROPERO, à ZEUS, et puis se tirer la bourre avec les BADBADNOTGOOD, sans sonner trop barré, trop dadaïste, ou même appartenir à la sphère élitiste des jazzmen s’étant exilé dans le monde du Rock pour déformer leur solfège à loisir. Non, eux préfèrent alambiquer, bidouiller, s’amuser avec les mesures impaires et l’arythmie, et faire la nique à l’écurie Magna Carta en préférant l’audace à la grandiloquence de conservatoire. Ils pourraient en être des premiers prix, mais aiment trop la liberté pour ça. Alors, pour rester ancrés dans leur époque, ils parlent musicalement de toutes ces peurs qui nous entourent, et qui nous enferment dans une prescription médicamenteuse, un peu comme si les médias étaient les psychanalystes d’aujourd’hui. Ils utilisent la valse comme danse de Saint-guy, ils manipulent les sons pour rendre la basse plus distordue qu’un soundcheck de Lemmy, balancent des stridences avant d’égrener les notes en cocottes de guitare, jouent lourd mais voyagent léger, et unissent dans un même rêve les délires d’Oncle viande et les masques de truite, tout en payant leur tribut à une dextérité qui va en laisser plus d’un admiratif.
La peur de tout donc. Pantophobie, pour justifier d’une audace qui n’a peur de rien, une envie bravache de ne pas se contenter d’enregistrer des odes à la technicité, et parfois, de s’embarquer dans des envolées progressives à rendre dingues les maniaques de l’école de Canterburry ou de Berklee. Et comme en plus, les mecs ne manquent pas d’humour, ils nous accueillent avec précaution, pour quinze minutes de silence dédiées à tous les phonophobes de l’histoire. Drôle non ? D’autant plus que le reste de leur capharnaüm a de quoi faire tourner fou ces mêmes allergiques à tout bruit. Et ce qu’ils aiment par-dessus tout, c’est surprendre, ce qu’on devinait déjà, mais qui trouve souvent des illustrations contraires. Ainsi, en opposant la « Catagelophobie », la peur du ridicule et la « Athazagoraphobie », cette crainte démesurée d’être oublié, ils jouent sur tous les tableaux, mais le font avec malice et beaucoup d’intelligence, puisque loin d’être de simples appellations, ces intitulés décrivent aussi le contenu de leur partition. Ainsi, « Catagelophobie » joue sur les copié/collé ludiques, sorte de pastiche travestissant Stravinsky en clown Noisy-Rock-Jazz au nez rouge et aux blagues salaces, plus bruyant qu’un troupeau d’éléphant barrissant leur déboires, alors que « Athazagoraphobie » joue sur la nostalgie et les mélodies un peu passées, souvenirs d’une époque où les gens vous aimaient et prenaient le temps de vous le faire savoir. C’est donc à une véritable étude de cas à laquelle nous avons droit, où les sujets abordés ne sont pas que de simples prétextes à la gaudriole instrumentale, mais de réels sujets d’étude pour musique concentrée sur le calme et les turpitudes. Dans le même ordre d’idée, « Kakorraphiophobie » et sa peur de l’échec, montre un groupe explorant les complexités de la psyché qui doit faire face à cette terreur de ne pas réussir. Ambiance sombre et multiples, arythmie, riffs qui s’entrechoquent, breaks inopinés, silence exploité comme hantise ultime, et progression aux limites de la folie pour un trip de sueur et de peur.
« Lalophobie », peur de parler, suit plus ou moins le même tracé, et se pose en métonymie ultime. Le Rock instrumental non par peur de chanter, mais parce que l’expression ne revêt pas qu’un seul costume. Tourbillon de notes qui restent bloquées dans la bouche comme des mots qui tournoient sans trouver la porte de sortie, cauchemar sonore, toutes les images sont possibles du moment qu’elles soient vraies et concrètes. Jazz parce ces constructions en équilibre de gigogne nous y rattachent de facto, Rock, eut égard à la puissance globale, Free parce que décidément, les limites ne sont pas admises, drôle parce que sérieux sans l’être vraiment, ce second album des NI est un nid de poule géant sur lequel nous passons sans arrêt, niquant nos pneus moraux, nos amortisseurs émotionnels et nos suspensions traditionnelles, et surtout, une façon d’emprunter des chemins de traverse qui évitent les autoroutes de la création aussi chiantes que payantes. Mais ce Pantophobie dans les faits, risque de déclencher une autre phobie une fois ingéré et digéré. L’Atélophobie. Peur de l’imperfection que la production artistique mondiale normative peut déclencher chez les amoureux de l’art à n’importe quel moment.
Titres de l'album :
1.Phonophobie
2.Héliophobie
3.Alektorophobie
4.Lachanophobie
5.Leucosélophobie
6.Catagelophobie
7.Athazagoraphobie
8.Kakorraphiophobie
9.Lalophobie
10.Stasophobie
11.Apérophobie
"...jouer un concert en Arabie Saoudite. Un honneur absolu et un privilège. Les loups du nord apporteront la tempête hivernale à Riyad !"Un véritable honneur absolue de jouer en Arabie Saoudite, la ou les apostas sont condamnés &agra(...)
21/11/2024, 08:46
Quand on se souvient du petit son des années 80... Mais la prod ne fait pas tout, ça reste du pilotage automatique. C'est pas avec un truc pareil que je vais me réconcilier avec eux, et ça fait 20 piges que ça dure.
19/11/2024, 21:57
J'avais pas vu cette chronique. J'étais au soir avec Ulcerate et je n'ai pas du tout regretté...Le lieu : il y a forcément un charme particulier à voir ce genre de concert dans une église, surtout que le bâtimen(...)
15/11/2024, 09:51
Le who's who des tueurs en série. Un plus gros budget pour l'artwork que pour le clip, assurément. (...)
14/11/2024, 09:20
J'imagine que c'est sans Alex Newport, donc, pour moi, zéro intérêt cette reformation.
11/11/2024, 16:15
NAILBOMB ?!?!?!?!Putain de merde !!! !!! !!!J'savais pas qu'ils étaient de nouveau de la partie !!!Du coup, je regarde s'ils font d'autres dates...Ils sont à l'ALCATRAZ où je serai également !Humungus = HEU-RE(...)
11/11/2024, 10:09