Souvent, quand j’entends des fans de Metal parler, et oser me dire que le Black Metal n’est qu’un ramassis d’abrutis peinturlurés et incapables de produire une musique intelligible, je ressens l’irrépressible envie de distribuer des baffes par paquet de dix en hurlant un tonitruant « Vous avez écouté ? Vous savez de quoi vous parlez ? ». Mais connaissant d’avance les réponses et la mauvaise foi à laquelle je devrais faire face, je préfère me terrer dans le silence, et continuer d’écouter mes albums d’EMPEROR, de DEATHSPELL OMEGA et de NIGHT, puisque finalement, le plaisir qu’on peut retirer d’un art ne dépend pas de la façon dont on le partage avec autrui. Et il est certain qu’après écoute du second album des VÉHÉMENCE, le même genre de logorrhée verbale se fut écoulé de ces bouches fielleuses, dont la perception tronquée de la musique empêche tout discernement de qualité, et toute différenciation entre violence et bruit, et crudité primaire et…véhémence. Car rarement un groupe aura autant mérité son nom, depuis sa création, en parvenant à trouver un équilibre très stable entre mélodies antiques, progressions épiques, charges de brutalité sans compromis, et affiliation à un style sans pour autant en adopter tous les poncifs les plus éculés. D’ordinaire, je ne penche que très rarement sur une œuvre frappée du sceau « médiéval », n’étant pas le public cible pour produire un laïus laudateur. Mais une fois n’est pas coutume, j’ai décidé de transgresser mes propres codes pour m’immerger dans la mer d’inspiration qu’est Par le Sang Versé, et autant dire que je n’ai pas regretté mes efforts pour tenter de percer le mystère de ce second album, aussi long que riche.
A la décharge de ceux ne connaissant pas encore le projet VÉHÉMENCE, sachez que votre ignorance est excusée par quelques années de silence, en l’occurrence les cinq qui séparent ce second tome du premier, Assiégé, publié en 2014 à compte d’auteur. Cinq longues années durant lesquelles Tulzcha et Hyvermor se sont consacrés à des projets annexes, et ont fini par revenir dans le giron du label historique Antiq Records. Et si ces deux pseudos vous disent vaguement quelque chose, sachez que c’est normal, puisqu’on retrouve les deux musiciens au casting d’autres ensembles comme BRAQUEMAARD, Ê, HANTERNOZ, REGIMENT ou WINTERNEHST. Et c’est accompagné de Thomas Leitner (AS VAMPIRIC SHADES AND BELIAL WINDS, GROTESKH, IRDORATH, VARGSRIKET, WALLACHIA), batteur de session que le pivot/duo s’en revient nous raconter de nouvelles histoires via Par le Sang Versé, qui excuse de sa profondeur et de sa portée une telle absence. Pourtant, entre les deux LP du groupe, peu de différences, et surtout, une relecture très soignée des dogmes précédemment énoncés, pour parvenir à une maturation spectaculaire approchant la perfection globale dans le genre. Et pour ceux comme moi craignant les effluves folkloriques d’une passion pour la musique médiévale, ne vous inquiétez pas, les deux musiciens ayant une fois encore pris grand soin d’en intégrer les préceptes de façon très subtile. C’est donc principalement à un Black d’obédience progressive auquel nous avons droit, avec ce mélange d’harmonies amères et de bourrasques rythmiques sur lequel viennent se greffer des interludes plus typiques, à base d’instruments à vents, de flûtes, de chœurs distants et en écho, aboutissant à un mélange franchement hypnotique, que le groupe se plaît à développer sur huit longues épopées narrées.
Et si d’aventure, vous souhaitiez aborder la problématique en surface sans avoir à intégrer toutes les informations, je ne saurai que trop vous conseiller de vous jeter sur la seconde partie du diptyque « L'Étrange Clairière », qui en neuf minutes vous donnera tous les indices nécessaires à un jugement favorable, vous entraînant dans une folle sarabande de sons, abrupts, doucereux, séduisants ou dangereux, formant là une véritable chanson de geste, dont les mots soulignent admirablement bien la partition musicale. On sent que Tulzcha a vraiment pris son temps pour construire une suite digne d’intérêt, nous baignant dans un multiculturalisme plein de sens, et utilisant la tragédie de narration avec une pertinence qu’il convient de souligner. L’homme a tissé des strates de sons en tissu de soie, parfois griffé, parfois soyeux, comme pour mieux se draper dans une dignité créative que son talent justifie amplement. Il était pourtant facile de se sentir écrasé par le poids de la tâche que représente l’écoute exhaustive de ce deuxième longue-durée, tant les pistes sont longues et denses, mais le voyage, loin d’une rixe permanente avec l’attention prend des airs de conte pour adultes fans d’extrême, qui ne rechignent pas à réfléchir avant de headbanguer. Et dès les premières secondes de l’entame tonitruante de « Épopée - Par Le Sang Versé », on ressent les effets conjoints de la mélodie et de la brutalité, pour un mixage parfait, qui ne néglige ni les guitares abrasives, ni le chant théâtral d’outre-tombe. Basé sur une rythmique plurielle, ce morceau se pose en acmé avancée d’un tracklisting qui ne laisse aucune place à l’approximation, et tous les éléments se mettent en place progressivement, de l’alternance ultraviolence/harmonies jusqu’à ces chœurs en contrepoint médiéval, en passant par des riffs aussi acides que luxuriants. Pourtant, peu de variations sur cette intro, ce qui ne représente pas un désagrément en soi, l’instrumentation étant assez fouillée pour se passer de breaks téléphonés.
Impossible de passer sous silence le choc qu’incarne « La Sorcière du Bois Lunerive », le morceau le plus long de l’ensemble, qui semble sur ses premiers instants se sevrer à la source originelle du BM nordique, singeant MAYHEM pour mieux rappeler BATHORY, mais une fois cette assertion posée, la donne change et les harmonies finissent par s’incruster. Tous les tempi y passent, et la valse tourbillonne dans un souffle épique, comme une bataille qui se joue entre le bien et le mal sous les yeux d’une humanité qui ne fait rien pour empêcher l’inéluctable. Parties de guitare soignées à l’extrême, doublées, prises en tierces et à l’harmonique, motifs redondants qui officient comme des gimmicks d’arrière-plan, jusqu’à ce que des cordes cristallines prennent le relais sur le superbe instrumental « L'Étrange Clairière : Partie I ». Mais là est la singularité de VÉHÉMENCE, qui ne sacrifie jamais l’efficacité sur l’autel du folklore, même si ce dernier reste une composante majeure de l’édifice. Et ainsi, entre les à-coups brutaux de « La Dernière Chevauchée », sur lequel la voix possédée d’Hyvermor fait contrepoids aux mélodies circulaires d’arrière-plan, et les soubresauts permanents de « Passage dans les Douves », sorte de Proto-Heavy-Black de première qualité, les chapitres s’enchaînent et nous captivent, d’autant plus que la production de l’ensemble est impeccable. Et le tout se termine dans la liesse d’un « La Fronde des Anges », qui laisse filtrer des voix célestes pour mieux nous prendre à rebours de blasts impitoyables, et ainsi achever l’histoire qui restera en suspens jusqu’au retour des chevaliers noirs. Et c’est en toute objectivité que j’affirme que ce second LP de VÉHÉMENCE mérite bien plus que l’attention du simple public BM, puisque sa musique dépasse allègrement les querelles de clocher.
Titres de l’album :
1.Épopée - Par Le Sang Versé
2.La Sorcière du Bois Lunerive
3.L'Étrange Clairière : Partie I
4.L'Étrange Clairière : Partie II
5.La Dernière Chevauchée
6.Le Sous Bois, à trois Lieues du Château
7.Passage dans les Douves
8.La Fronde des Anges
Un report ? Je crois que j’y reviendrai l’an prochain mais deux jours afin de mieux profiter. J’en connais qui ont du moins apprécier le camping avec l’orage du dernier soir
16/05/2025, 06:52
Avec Massacra legacy, ça commence nettement à avoir plus de gueule ! Reste à voir la suite des annonces. Mais je crois que je vais plus préférer le Westill le mois suivant au même endroit cette année, déjà Elder et Wytch Hazel de confi(...)
13/05/2025, 07:48
Mea culpa....J'avais pas vu la news en première page - j'ai été directement te répondre.
12/05/2025, 14:33
S'il est du même acabit que le The Cthulhian Pulse: Call From The Dead City sorti en 2020, Mountains of Madness risque d'être un allday listening pour moi.J'ai hâte, bordel !
12/05/2025, 13:44
J'étais passé totalement à côté de cette petite pépite de Death Suédois!Vieux moutard que jamais!Puteraeon glisse de belles ambiances lovecraftiennes sur cet album et les arrangements apportent un plus à l'ensemble.
12/05/2025, 13:42
Necro est sympa, avec de bons passages groovy et d'autres où le groupe envoie du bois.Pas sûr de l'écouter durablement, d'autant plus que le prochain Puteraeon sort le 30 avril prochain.
12/05/2025, 13:40
Sentiment mitigé pour ma part Le chant de Johan Lindqvist n'atteint pas un pouïème de ce qu(...)
12/05/2025, 13:38
Au vu de la dernière vidéo-ITW en date du gonze sur ce site, pour ce qui est de "feu sacré", il a toujours l'air de l'avoir le mec.Je pars donc confiant.
08/05/2025, 09:17
@ MobidOM :oui, pas faux pour la "captation d'héritage" ! :-/ En même temps, s'il a encore le feu sacré et propose un truc pas trop moisi... De toute façon la critique sera sans pitié si le truc ne tient pas la(...)
07/05/2025, 11:52
Ah ce fameux BRUTAL TOUR avec Loudblast / MASSACRA / No Return et Crusher en 95 ! LA PUTAIN de bonne époque
07/05/2025, 11:04
@ Oliv : Montpellier étant une ville et une agglomération plus petite que Lyon, il n'y a véritablement de la place que pour deux petites salles orientées Rock-Metal-Punk-etc, à ce qui me semble après vingt-cinq ans d'observation. Au-delà,(...)
06/05/2025, 20:29
"Death To All", à chaque fois que je les ai vu ils avaient un line-up tout à fait légitime (dont une fois tous les musiciens qui ont joué sur "Human", à part Chuck bien sûr)Et puis la phrase "Chris Palengat pr(...)
06/05/2025, 20:28
Je ne vois pas beaucoup l'intérêt, et je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas attendu les trente ans de l'album l'an prochain. Ces dernières semaines je me retape les premiers, et ça reste un bonheur.
06/05/2025, 19:29
Vénérant ces albums et n'ayant jamais vu la vraie incarnation de Massacra, hors de question de louper ça (si ça passe à portée de paluche, pas à Pétaouchnok). Un peu comme un "Death To All"...
06/05/2025, 17:11