Vous êtes là, tranquille, sirotant une téquila à Tijuana, spring break, jolies filles, fête non-stop, hédonisme exacerbé, le portefeuille peinard et la mine réjouie. Il est 22h, tout le monde devise, argumente, ou se détend, lorsque soudain, une explosion assourdissante vous tire de cette agréable torpeur. Des gredins qui ont dynamité le mur du pauvre bar et qui s’avancent vers la scène, instruments à la main, bandanas vissés sur le crâne et morgue ibérique de premier ordre. Que faire ? Tétanisé par la peur, vous êtes cloué sur votre tabouret, incapable d’esquisser le moindre geste. Et puis, une fois que la fumée s’est dissipée, nos brigands se retrouvent sur scène.
La véritable guerre peut commencer.
Nos frenchicanos préférés reviennent enfin avec une bonne dose de festif et de bourrin, et dès la pochette, les choses sont claires. L’allusion à Terry Gilliam et aux gonzos de Hunter S. Thompson frappe la rétine comme le décolleté d’une chica aperçue derrière le comptoir, et la folie est de mise, quelques années après les dernières retrouvailles.
LOCOMUERTE ne se calme pas avec les années, j’ai même le sentiment que son état empire. Chantres d’un Chicano Mosh dont ils sont les seuls représentants, les franciliens nous font oublier les années de disette artistique, puisque La Brigada De Los Muertos remonte quand même à 2018. Malgré cet album d’auto-reprises publié l’année dernière pour roder un nouveau line-up, les dernières compositions originales affichant un âge respectable, il fallait sortir le grand jeu pour se faire pardonner. Mais j’étais loin de me douter que ce grand jeu exploserait la concurrence, rendant les clans ennemis déprimés et apathiques face à cette débauche de violence positive et de « r » roulés sur les gencives.
Toujours en convergence de l’héritage de SUICIDAL TENDENCIES et des mariachis sous ecstasy, LOCOMUERTE reprend sa tournée des bars mexicains en commençant par la France, pour mieux importer les breuvages les plus corsés de ce pays reliant les Etats-Unis et l’Amérique centrale. Caliente, picante y delicioso, ce Metal tout chaud va encore une fois réconcilier les amateurs de Thrash, de Hardcore, de Mosh et de spanish Metal, via onze morceaux que l’on déguste avec une tranche de limon et un soupçon de sel.
Produit avec amour et amitié par Stéphane Buriez et Niko HK du Vamacara Studio, Parano Booster ne se passe pas à Las Vegas mais bien en France, même si cette ambiance évoque plus clairement celle d’un Mexique de cartoon, avec des paranos accrochés à leur mallette et les mirettes explosées par les substances prohibées. La danse est épileptique, et le bar à tôt fait de se transformer en fournaise, avec strip-teaseuses aguicheuses et mastodontes gardant les entrées d’un air renfrogné. Et pour mieux nous plonger dans ce décor, LOCOMUERTE lâche l’intro fatale, et fait sonner les trompettes. Mais les pauvres cuivres sont immédiatement éclaboussés d’une giclette « Parano Booster », de celles qui laissent les draps en sale état.
Mais foin d’images grivoises, cet album se suffit à lui-même. Road trip arpentant les vieilles routes mexicaines à une vitesse déraisonnable, Parano Booster est une caisse remplie d’excitants, trouvée par hasard par de petits truands. Qui s’empressent d’aller la planquer avant de décider d’en refourguer le contenu à des étudiants américains. Mais pour dealer cette excellente came, il faut faire un minimum de promo. Alors, le quatuor passe la surmultiplié, aidé en cela par la folie vocale d’El Termito, dont le flow est aussi coulant qu’un verre de gnole après des tapas.
Le vocaliste nous en donne encore une fois pour notre argent, se démenant sur les couplets pour mieux nous alpaguer sur les refrains. Et lorsque les astres s’alignent avant le désastre des lignes (de coke évidemment), ça nous donne un petit miracle comme « Chupa », le titre le plus endiablé de cette rentrée. Hymne à part entière, ce morceau placé aux deux-tiers de l’album est una bomba, avec les basses charnues et les guitares ventrues.
Mais à vrai dire, le nouveau répertoire est inattaquable dans son ensemble. A la façon d’un INFECTIOUS GROOVE passé de l’autre côté de la frontière, LOCOMUERTE surfe sur sa propre vague, siphonne quelques réservoirs pour pouvoir continuer son histoire, de fous évidemment. « Chinga Tu Madre », irrésistible et épileptique, continue de carburer plein pot alors qu’on s’attendait à une petite baisse de régime, « Plata O Plomo » court comme un dératé dans le désert surchauffé, et puis inutile de rentrer dans les détails.
Plutôt rentrer dans le lard.
LOCOMUERTE signe là un album qui se dévore par tous les pores. Un disque explosif, festif, généreux et opulent, comme la recette de la journée de truands confirmés. Asile de fous sur la route, Parano Booster ne rend absolument pas parano, mais provoque des sursauts, rameute les gentils idiots, et monte les basses pour tout faire trembler là-haut.
Ce groupe est unique. Soyons-en fier, et partons en virée avec lui. Pas certain qu’on en revienne serein, mais le voyage promet d’être vraiment malin.
Titres de l’album:
01. B91
02. Parano Booster
03. Demonios (ft. Auré d’AKIAVEL)
04. Pura Violencia
05. Nosotros
06. Fumamota (ft. Poun et Arno de BLACK BOMB A)
07. Animales
08. Chupa
09. Chinga Tu Madre
10. Plata O Plomo
11. Los Narcos
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21/11/2024, 08:46
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