Parasomnia

Dream Theater

07/02/2025

Insideout

On pourra dire, faire ce qu’on veut, argumenter, souligner, préciser, isoler, Parasomnia restera toujours « l’album du retour de Mike Portnoy ». Le retour du batteur prodige à la maison a en effet occulté l’importance de ce nouvel album dès son annonce, et dès aujourd’hui, enfin avant-hier, les fans peuvent enfin juger de la pertinence de ce come-back. S’il est certain qu’un DREAM THEATER sans Portnoy paraissait inconcevable, au même titre qu’un IRON MAIDEN sans Dave Murray, le groupe n’en a pas moins publié une pelletée d’œuvres avec son remplaçant, qui a (brillamment) fait ce qu’il a pu pour caler les meubles. D’ailleurs, cet album tombe à pic pour solder les comptes. Et c’est ainsi qu’il convient de remercier Mike Mangini pour (excellents) services rendus, et pas seulement parce qu’il a eu la délicatesse de porter le même prénom que son aîné de tabouret. Exit Mike, bonjour Mike, et l’histoire continue.

Et cette phrase un peu passe-partout est ironiquement la meilleure pour définir ce seizième album studio. L’histoire continue. C’est tout à fait ça. Puisque Parasomnia est exactement le non-évènement auquel tout le monde s’attendait. Aucune surprise donc, ni bonne ni mauvaise, juste un disque de plus. Mais brillant, cela va sans dire.

Entre deux absences et un retour, la légende s’est écrite via des monstres d’inventivité. The Astonishing, A View From The Top Of The World, mais aussi des choses plus synthétiques et allusives, comme cet album éponyme ou Distance Over Time, qui se contentaient de relever les compteurs avec magie. Le DREAM THEATER 2025 allait-il passer sous silence cette grosse décennie sans son batteur fétiche ? Quelque part, oui, même si l’ADN du groupe est évidemment incrusté dans chacun de ses morceaux. Mais dès les premières mesures de « In the Arms of Morpheus », on sent que la famille s’est retrouvée hors des obligations contractuelles. Comme l’a souligné avec plus ou moins de franchise John Petrucci, l’âge avance, et les rancunes n’ont plus lieu d’être, à moins de vouloir finir le conte sur un de ces règlements de tribunal entre deux parties qui ne peuvent plus s’encadrer. Refermons le dossier. Mike is back.

Period.

Les parasomnies sont des comportements indésirables qui surviennent lors de l'endormissement, pendant le sommeil ou pendant la phase d'éveil. 

James, les deux John et Jordan considèrent-ils que la période séparant Black Clouds and Silver Linings n’a été qu’un long sommeil perturbé par des crises et des cauchemars perturbants ? Nul ne le sait, mais loin d’un concept global avec scénario précis et personnages étudiés, Parasomnia se contente d’illustrer ces disfonctionnements nocturnes via une musique évidemment dense, riche, et parfois totalement débridée, mais surtout, allusive à ces années de faste qui ont vu les musiciens s’asseoir sur le trône du Metal Progressif sans que personne ne trouve à y redire.

En prenant les choses dans l’ordre, soulignons la beauté de cette pochette qui donne vraiment envie. Non que les précédentes furent répulsives, mais la grâce flottante de cette jeune femme dans une chambre inquiétante est une image qui frappe, spécialement lorsqu’on y ajoute la menace fantôme de cette silhouette incrustée dans le mur. L’iconographie est engageante, le son aussi. Produit par John sans Mike (une première depuis Falling into Infinity), enregistré par James Meslin, et mixé par l’omniprésent Andy Sneap, Parasomnia explose de puissance même dans ses accès les plus nuancés, et rappelle pour l’occasion les heures les plus brutales du groupe, entre Train of Thought et Octavarium. La guitare est minutieuse, la rythmique évidemment énorme, et le chant de James bien intégré au mix ce qui permet d’apprécier les écoutes avec une souplesse non négligeable.

Si chacun se sentira ou pas concerné par la thématique d’ensemble, il convient d’admettre que DREAM THEATER a joué sur du velours en condensant toute son histoire en soixante-douze minutes. Les allusions sont nombreuses, et parfois évidentes, comme ces citations du long medley de Six Degrees of Inner Turbulence, dont les textes étaient assez proches de ceux dévoilés ici. Melting-pot extrême d’un groupe unique en son genre, Parasomnia n’a d’autre ambition que d’être un très bon disque, loin des enjambées de Metropolis 2000 ou The Astonishing. En laissant sa nature agir comme elle l’a toujours fait, le quintet s’est assuré d’un niveau de jeu confortable, sans taper sur la table la somme d’un pari perdu d’avance. Les classiques sont derrière nous, tout le monde le sait, mais la constance de ce monstre Progressif a tout de même des allures de tour de force.

Inspiré, respiré, transpiré, le Metal de DREAM THEATER est toujours aussi fédérateur, et ses chansons à tiroir aussi complexes qu’évidentes. Si le plaisir de retrouver la frappe éléphantesque de Mike est bien réel, c’est l’osmose entre les musiciens qui fait vraiment plaisir à entendre. C’est comme si les liens n’avaient jamais été rompus, mais sans occulter cette décennie passée avec Mike Mangini. Du respect donc, mais une évidence : ce line-up de DREAM THEATER est le plus naturel, et le plus apprécié.

Au niveau des morceaux, je le précisais plus en amont, aucune surprise. Les thématiques sont d’usages, les enchaînements toujours aussi logiques, les mélodies sont connues d’avance, et on guette le moindre élément surprenant pour s’accrocher à un peu d’inédit. Il y en a peu, ce que démontre avec fougue « Dead Asleep », crossover facile entre la décennie 2010 et l’orée de l’an 2000, malgré quelques astuces de synthés gothiques qui évoquent un film d’épouvante très crédible.

Les riffs sont piochés dans la collection, les arpèges ciselés avec précision, le timing évidemment étiré, et la satisfaction bien tangible. On se surprend parfois à deviner le décor de Scenes From A Memory au détour d’une intro très persuasive (« Midnight Messiah »), et globalement, les couloirs n’ont pas vraiment changé, et ont été tout au plus bien nettoyés pour célébrer cette réunion tant attendue. Et prévisible.

Parasomnia n’évite pas la case émotion, mais a la gentillesse de ne pas nous prendre pour des midinettes avec l’ample et sincère « Bend the Clock », superbe d’émotion et de pureté, mais c’est évidemment « The Shadow Man Incident » qui aiguise les convoitises avec ses vingt minutes de déroulé en court-métrage.

Certains ont déjà intronisé cette longue suite comme étant l’une des meilleures. Si j’en suis resté au phénoménal medley déjà cité, qui n’a jamais été surpassé dans sa tentative de transposer les BEATLES dans un monde moderne (merci Abbey Road), « The Shadow Man Incident » n’est est pas moins une clôture dantesque comme seuls ces gars-là savent en pondre. Sans rentrer dans les détails, je vous laisse apprécier cette dernière anomalie onirique avec votre propre sensibilité, en vous souhaitant un bon voyage dans les méandres des rêves agités des américains retrouvés.

Bilan ?

Simple. Un seizième album qui tient méchamment la route, et qui assume son humilité. Pas de débordement majeur, pas d’autosatisfaction, une nette tendance à se reposer un peu sur ses lauriers qui certes rassure, mais qui déçoit aussi quelque part, et un nouveau départ pour une carrière qui est loin d’être finie. Avec ou sans Mike, mais quand même mieux avec, DREAM THEATER reste fidèle à cette formule clé en main qu’il privilégie depuis la fin de ses expérimentations les plus culottées.

On achète, évidemment, on réécoutera puisque certains titres méritent de finir dans une setlist régulière, et on referme la porte sans manquer de politesse. Celle de Parasomnia est de ne pas nous prendre pour des imbéciles en tentant de nous refourguer du risqué qui n’en est pas, et de nous promettre des nuits agitées à se demander si tel ou tel plan n’a pas été déguisé pour sonner moins usé. Mais l’un dans l’autre, et avec quelques années de moins au compteur, un nouvel album de DREAM THEATER donnera toujours plus envie de se lever qu’un METALLICA ou qu’un IRON MAIDEN.  

Sans aucune méchanceté gratuite, s’entend.    

                                                                                     

Titres de l’album:

01. In the Arms of Morpheus

02. Night Terror

03. A Broken Man

04. Dead Asleep

05. Midnight Messiah

06. Are We Dreaming?

07. Bend the Clock

08. The Shadow Man Incident


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par mortne2001 le 09/02/2025 à 19:23
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