Ne vous laissez pas avoir par la bio du groupe disponible sur certains sites spécialisés. Si dans les faits, SURGICAL STRIKE est bien né dans les années 90, de cette époque ne subsistent que deux démos au rayonnement très limité, et un seul membre originel aujourd’hui. En effet, seul Jens Albert est encore fidèle à son poste, les autres musiciens ne l’ayant rejoint qu’après le comeback de 2014. Autant donc envisager le groupe pour ce qu’il est, soit un nouveau venu sur la scène Thrash européenne, même si ses racines datent de plus de vingt ans. SURGICAL STRIKE fait donc partie de ces groupes arrivés sur le tard pour surfer sur une vague Thrash déjà écrasée sur la grève depuis trop longtemps, et n’ayant eu que celui de graver quelques chansons avant de disparaître corps et âme. Pour la plupart de ces OS tombés dans l’oubli avant que leur nom ne puisse être mémorisé, la mort était inévitable, et même préférable tant ils n’avaient rien à offrir de leur vivant. Le cas de ces allemands est donc plus ou moins différent, puisque si leurs démos ne méritent pas forcément une attention à posteriori, ce premier véritable album est une véritable tuerie qui confirme leur leitmotiv de base : transposer le Thrash US dans un vocable germain, soit traduire la quintessence de la finesse technique dans un langage brut et sans détour. A quoi s’attendre donc de la part d’un quintet qui n’a aucunement l’intention de jouer l’originalité ? A du Thrash classique, joué avec les tripes, doté d’une intelligence de composition certaine, et surtout, d’une efficacité combinant le meilleur des deux mondes. Certes, Part of a Sick World n’est pas le premier témoignage de la bande depuis sa résurrection. Nous avions d’abord eu droit à un EP de mise en jambes, V-II-XII publié il y a quatre ans. L’intérêt éveillé, les fans auraient pu craindre un nouveau hiatus, mais heureusement, ces onze nouveaux morceaux rompent avec la sale habitude du groupe de disparaître sans prévenir. Et comme retour tonitruant, ce premier longue-durée se pose là.
On ne va pas se la jouer mystérieux, Part of a Sick World, dans les faits, n’est rien de moins qu’un excellent opus qui ressemble à s’y méprendre à une collaboration tripartite contemporaine entre DESTRUCTION, EXODUS et OVERKILL. Et c’est ce qui étonne au prime abord, cette production gigantesque d’ordinaire réservée aux cadors du genre, et qui vient ici mettre en relief des capacités instrumentales indéniables. Les cinq musiciens (Jens Albert - chant, Marcelo Vasquez Rocha & Frank Ruhnke - guitares, Florian Seybecke - basse et Moritz Menke - batterie) ne s’en laissent donc pas conter, et profitent du soutien du label national Metalville pour mettre leurs atouts en avant, et autant dire qu’ils sont nombreux. De leur philosophie, on retient cet amour à parts égales entre EXODUS et KREATOR, qui permet d’associer la franchise à la mélodie, sans trahir le radicalisme ou tromper l’harmonie. C’est patent sur les morceaux les plus efficaces, qui sont évidemment les plus nombreux, et avec un beau réalisme de surface, Part of a Sick World se hisse largement à la hauteur de ses illustres modèles, dans leur version la plus contemporaine. Essayez donc de rester de marbre face à la démonstration de force qu’est « Below Zero », qui n’est rien de moins que le morceau que DESTRUCTION cherche à composer depuis des années. Rythmique en coup fatal, riffs qui s’alignent et deviennent létaux, chant hargneux et roublard dans la grande tradition de Schmier et Zetro Souza, pour un festival de savoir-faire qui s’imprègne de nostalgie pour mieux accepter son époque. De l’old-school/new-school dans toute sa splendeur donc, comme un pilier des eighties s’accommodant de l’air du temps sans tourner le dos à son passé, pour un voyage aller-retour dans les couloirs d’un style qui n’a pas fini de nous faire vibrer.
Il est d’usage de reprocher à ce genre d’exercice sa redondance et ses répétitions, mais là encore, les allemands ont brillamment évité l’écueil. En variant les tempi, en lâchant la bride aux riffs pour qu’ils se teintent de Néo-Thrash du nouveau siècle, en acceptant les racines Punk mais en les raidissant d’une inspiration Metal, SURGICAL STRIKE fait preuve d’un flair incroyable au moment de faire le tri dans ses idées, pour signer des brûlots que pourraient envier OVERKILL et WARBRINGER (« Lambs To The Slaughter », rien à voir avec RAVEN, même si la hargne est là), et surtout, des choses personnelles pas dupes qui tiennent compte de l’héritage, mais le font prospérer à leur manière (« Dead End Gone » l’une des entres en matière les plus dantesques de ces dix dernières années, avec ces blasts inopinés). L’autre mérite du groupe est de ne pas avoir cherché à diluer leur inspiration dans des morceaux trop ambitieux, et de l’avoir gardée brute, ce qui permet aux titres les plus brefs de garder un punch très frais (« Failed State ») sans sonner trop convenu, et à ceux les plus longs d’être des exceptions et des surprises qu’on accepte avec bonheur. Ainsi, le title-track et ses six minutes et quelques tombe à pic en fin de parcours pour garder la pression, avec sa charge solide rappelant l’EXODUS des années 2000 et sa gravité épaisse. Toujours prompts à tenter des choses inhabituelles, comme un beat martelé mais jumpy, des chœurs germains sur fond de délicatesse instrumentale typiquement US, les allemands font preuve d’un brio tel que leur album ressemble à une centrale nucléaire au bord du désastre. Rien à jeter, ou presque, sinon quelques plans un peu trop convenus, tel est donc le bilan que l’on peut dresser de ce premier effort qui se place sans en faire dans le top des sorties actuelles. Toujours concis et précis, les SURGICAL STRIKE semblent prendre un malin plaisir à justifier leur nom à chaque intervention, se montrant déchaînés mais précis tout du long (« Confrontation »), pour terminer leur parcours sur une ultime ruade synthétisant tout leur art de l’équilibre (« The Breed », qui rappelle même les mirifiques HEATHEN).
On se dit que parfois, si un groupe est tombé dans l’oubli, le hasard et la malchance n’ont rien à y faire. Si SURGICAL STRIKE n’était resté qu’une anecdote de base page de fanzine, personne n’aurait trouvé à y redire. Mais avec un tel album dans la besace, le destin prouve parfois qu’il sait corriger ses erreurs les plus flagrantes et offrir une seconde chance à ceux qui le méritent.
Titres de l’album :
01. Dead End Gone
02. Failed State
03. Politicians
04. Conspiracy
05. Below Zero
06. Lambs To The Slaughter
07. Not In This Life
08. Part Of A Sick World
09. Confrontation
10. Sorrow Of War
11. The Breed
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