Patriarch

Infanteria

17/06/2022

Autoproduction

On dit toujours qu’on ne juge pas un livre sur sa couverture, mais mazette, la pochette du troisième album des sud-africains d’INFANTERIA vaut méchamment le coup d’œil. Elle rappelle d’ailleurs le clip de KORN pour le titre « Insane », en tons plus bleutés, et accroche le regard. Vue dans un bac de vinyles pendant mon adolescence, elle aurait certainement terminé sur le haut du tas des nouveautés à écouter d’urgence, et le reste du packaging aurait fait son office pour glisser l’objet dans mon humble discothèque de l’époque.

Pour autant, les INFANTERIA sont loin d’être des bleusailles, et progressent d’album en album, au point d’atteindre aujourd’hui un niveau de qualité non négligeable. Formé à Cape Town en 2005, le trio (Chris Hall - guitare/chant, Adrian Langeveld - batterie et Tim Leibbrandt - basse) n’a pas connu de problèmes de surrégime, puisque seulement trois longue-durée ont vu le jour en dix-sept ans d’existence. Le dernier date d’ailleurs de 2015, ce qui permet de mesurer la marge de progression de ces musiciens avec toutes les armes en main. Et très sincèrement, l’écart qui sépare Where Serpents Conquer (2015) de ce Patriarch de 2022 est au moins aussi conséquent que celui séparant Kill ‘Em All de Ride the Lightning.

        

D’obédience classique, le Thrash des sud-américain est beaucoup plus roublard et finaud qu’il n’y parait avant écoute. On le constate assez rapidement, et après un simple coup d’œil au tracklisting qui révèle des compositions ambitieuses, piétinant les sept ou huit minutes. D’ailleurs, il serait insultant de réduire INFANTERIA à un simple Thrash-act nostalgique de plus, tant sa musique tient tout autant du Heavy progressif que de la brutalité made in Bay-Area.

Légèrement groovy sur les bords, ce troisième virage est négocié avec classe, et des certitudes affirmées. On prend acte avant tout de la conséquence du son, épais et profond, avec une guitare mise en avant et une batterie ferme et matte, le tout survolé d’un chant admirablement bien mixé. On note aussi quelques influences notables, dont celle inévitable de MEGADETH et celle plus discrète de SANCTUARY, sur le monumental « Into the Depths », trip dans les tréfonds du Thrash, avec breaks malins, envolées lyriques, refrain fédérateur, et accélération fatale à la HEATHEN, pour un résultat qui justement se rapproche pas mal du The Evolution Of Chaos des américains.

De solides références donc pour un disque qui tient toutes les promesses de sa pochette, et même plus. Un disque fascinant, qui utilise bien des codes différents pour faire passer son message, et qui n’hésite donc pas à avoir recours à l’acoustique, au chant clair très juste et sensible d’ailleurs, entre NEVERMORE, ICED EARTH, METALLICA et autres monstres sacrés de la scène brutale nuancée. On se laisse séduire par l’esprit aventureux de compositions développées comme autant de chapitres d’une même histoire, et on se laisse envouter par la voix extraordinaire de Chris Hall, par les quelques accents hispaniques d’une guitare volubile et pudique à la fois, pour savourer un festival de riffs sur rythmique coulée, à la mode PANTERA évidemment, et le voyage devient vite fascinant, soulignant tous les progrès accomplis par les INFANTERIA depuis ses débuts.

Il est donc loin le temps du gauche mais sympathique Isolated Existence, qui accuse aujourd’hui assez mal ses neuf ans d’existence, et qui parait bien maladroit comparé à son petit frère déjà plus costaud que lui. En adoptant un mid tempo sur syncopes persistantes, le trio dispose donc d’une assise parfaite, et peut laisser ses harmonies et autres accroches rythmiques faire leur office en toute efficacité. « Swansong », modeste tribut payé à FORBIDDEN, HEATHEN et MEGADETH est un autre point fort de cette réalisation, et fait se poser quelques questions…Comment un groupe aussi talentueux et ambitieux ne dispose pas d‘un contrat juteux avec une maison de disques respectable, à l’heure où de nombreux sous-produits se retrouvent sur des indépendants crédibles ? L’énigme est totale, mais renforce ce côté « groupe pour moi tout seul » que les passionnés apprécient tant.

Si quelques fois le moteur grimpe dans les tours pour impressionner la fanbase d’ANNIHILATOR et EXODUS (« Embrace the Trauma »), la cadence reste raisonnable, et c’est la succession des idées qui donne le vertige des sens. Impression formidablement bien mise en avant par la tuerie « Repent Through Orders You Seek », qu’on aurait pu retrouver sur le Death Magnetic des METS, mais aussi par l’épilogue délicat et ouvragé « Patriarch », title-track totalement irrésistible qui clôture les débats avec une fougue sans pareille.

Je ne cacherai nullement mon enthousiasme qui se sent à la lecture de cette chronique, et j’affirme en ces lignes qu’INFANTERIA vient de sortir l’un des albums les plus intelligents de cette première moitié de 2022, de ceux qu’on retrouve avec surprise dans les tops 10 qui achèvent une année de découverte. Laissez-vous tenter par la séduction sud-africaine, vous ne regretterez aucunement ce trip immersif dans trente ans de musique violente mais compréhensible, et vous adopterez un trio qui mérite toutes les attentions.

 

        

Titres de l’album :

01. Burnt Relic

02. Raging Bastards

03. Into the Depths

04. All I've Ever Lost

05. Swansong

06. Embrace the Trauma

07. Repent Through Orders You Seek

08. Patriarch


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par mortne2001 le 10/07/2022 à 18:38
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