Pendrak

Pendrak

23/10/2018

Autoproduction

Je ne vais pas repartir sur le sempiternel débat « bon chasseur/mauvais chasseur », préférant laisser les traqueurs d’éthique s’en préoccuper, mais il convient quand même de faire la différence entre les bons joueurs de Grind et les mauvais joueurs de Grind. Car si les premiers blastent à tout va sans se préoccuper de la musicalité de leur barouf, les seconds préfèrent agencer leur agression pour lui donner du fond et du sens, et produire des œuvres riches et jubilatoires, sans se départir d’une lucidité instrumentale forte à propos. Et si les anglais, les américains (sud et nord encore une fois) et les pays de l’Est se sont toujours taillé la part du lion sur la question, ici en France, nous avons aussi de joyeux trublions qui n’ont pas oublié le boucan dans le placard, mais qui ont la décence de l’ordonner avant de l’envoyer valser. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance aujourd’hui d’un trio éminemment sympathique, nous en venant de notre belle capitale à l’Hidalgo fatale, et qui préfère rouler sur les couloirs de bus plutôt que de prendre les transports en commun sans gruger sur leur pass Navigo constamment augmenté. Trio donc, articulé autour de trois figures (Wlad - guitare/chant, Alex - basse/grognements, et Bon - batterie), et qui lance sur le marché son premier longue-durée, à l’ambivalence remarquée mais à l’énergie explosive imposée. Et vous n’êtes pas sans vous douter que si j’offre à ces zigotos un espace dans les colonnes de notre webzine, c’est qu’ils le méritent amplement, ce que leur éponyme s’évertue à justifier de ses fulgurances travaillées et de ses influences démultipliées. Car les PENDRAK font indéniablement partie des pratiquants les plus intelligents du genre, se situant en point central de convergence Grind/Powerviolence/Thrash/Fastcore, et les quinze morceaux qu’ils proposent tiennent autant de l’apocalypse programmée que de l’orgie réclamée, et peuvent se targuer d’un nombre conséquent d’idées, plus en tout cas que sur la discographie complète de certains manipulateurs de bruit en mal de Némésis.

PENDRAK, c’est avant tout l’euphorie. Celle de jouer une vraie musique, et non pas un simple exutoire pour cauchemar diurne de routine pour grosse burnes, et qui rapproche d’ailleurs les parisiens de l’élite bruitiste mondiale. Dotés d’un bagage technique conséquent qui leur permet de manipuler n’importe quel ingrédient sans se brûler ou passer pour des caves, les trois olibrius tissent donc une toile dense de rythmique en transe, alimentant la machine d’un charbon de riffs vraiment épais, et de déambulations en arrangements très finauds qui rendent l’écoute de ce premier long parfaitement passionnante. Fondamentalement Core dans le fond, Pendrak est aussi affilié au Metal le plus profond, ne serait-ce qu’à cause de ce son si épais qui permet aux parisiens de rester dans la famille. Et si l’on sent en arrière-plan des accointances sévères avec les ramifications internationales des ASSUCK, de TOTAL FUCKING DESTRUCTION, d’AGATHOCLES et autres NASUM, on se rend compte aussi que les gus ont dû user quelques exemplaires de TERRORIZER et d’UNSEEN TERROR, sans oublier les NAPALM DEATH, ce que prouve en ouverture le très complet « Enter Studio F », à l’amplitude Death Metal sévère, au moins autant qu’un rot d’IMMOLATION. Et si « Work More, Earn Less » joue le Grind à tout va, il a au moins le mérite de s’abreuver à la source originelle, plaçant une basse ronde sur le chemin de vocaux mi- porcins mi- groin-groin, histoire de respecter le cahier des charges. Mais beaucoup plus finauds que la moyenne, et surtout, plus doués, les PENDRAK ne sont jamais avares d’une petite trouvaille qui catapulte leurs morceaux dans une dimension supérieure, provoquant le Crust des EXTREME NOISE TERROR dans une galaxie Noisy but frenchy, à l’image sonore tonitruante d’un diabolique « Human Rewind » qui cite les maîtres anglais dans le texte.

Car le bon Grind, c’est aussi la bonne production. Celle de ce premier long est exemplaire, claire mais profonde, qui permet à tous les instruments de rester intelligibles, y compris la dualité de chant, très effective et pleine de surprises. Alors, on moshe, on headbangue, mais on réfléchit, puisque le propos est d’importance, mais on se laisse griser par la folie ambiante, qui incorpore nombre d’éléments Metal dans une structure Hardcore. Et avec un batteur qui sait s’amuser de son kit et ses baguettes, et un guitariste qui se creuse la tête pour plaquer de véritables riffs et non de simples gimmicks, on assiste à un véritable festival de créativité à cheval entre Metal extrême surpuissant et Powerviolence surgissant, le membre turgescent et l’attention grandissante. Il faut dire qu’avec des organes pareils, Wlad et Alex nous maintiennent en éveil, spécialement lorsque l’instrumental est réfléchi et aussi efficace qu’une femme trompée en furie (« Heavy Metal Skateboard Crew »). Alors, on multiplie les tempi, on ose les cassures et ruptures, et on tente par tous les moyens de ne pas se contenter d’un simple lendemain, variant les approches et les coups qu’on décoche (« La Comedia »), pour oser plus de plans que la moyenne, mais toujours pertinents. Et comme en sus les transitions entre les morceaux ont été léchées, la valse est ininterrompue et flirte avec le meilleur de la scène Belge (« Extinguish »), tout en se rapprochant de la folie absolue des CLOSET WITCH et autres défenseurs d’un bruit revendicateur et annonciateur (« Fancy Purse »). Ça va certes très vite, mais le dosage Powerviolence/Grind/Thrash est d’un équilibre parfait, et permet d’être enivré sans être saoulé.

Evidemment, pas question de s’éterniser, et pas question non plus de se prendre trop au sérieux. Et les fulgurances les plus immédiates de nous bousculer de leur enthousiasme et de leur délire vocale en miasme  (« I <3 Beer »), ou de nous pogoter dans un passé Punk que nul n’a oublié (« Farewell Bill Paxton »). Humour bien sûr omniprésent sur fond de lourdeurs harmoniques du passé/présent (« I Am Charlie…SHEEN !!! »), soudaines réalisations Metal plus Death que le fond du pantalon de SUFFOCATION (« Le Cimetière de l’Intelligence », qui dégénère vite en bordel Grind en partance), et au final, une somme de qualités au moins égale à la folie dispensée, pour un premier album qui impose le nom des PENDRAK pour de bon. En parlant de bon, ils en sont justement, et permettent au style de s’offrir quelques lettres de noblesse, et pas forcément de justesse. Un trio de bargeots, qui n’ont pas oublié d’apprendre à jouer avant de venir nous agresser, et qui sait surtout composer, et pas seulement hurler. A recommander à ceux qui pensent que le bruit peut être domestiqué, et restitué comme la catharsis attendue d’un monde voué au chaos et à l’immédiateté.    


Titres de l’album :

                         1.Enter Studio F

                         2.Work More, Earn Less

                         3.Human Rewind

                         4.Fuck Liberty

                         5.Heavy Metal Skateboard Crew

                         6.La Comedia

                         7.Extinguish

                         8.Fancy Purse

                         9.I *Heart* Beer

                         10.Farewell Bill Paxton

                         11.The Swoggle

                         12.I Am Charlie... SHEEN ! ! !

                         13.Le Cimetière De L'intelligence

                         14.Capital Of My Ass

                         15.S's (part 2)

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par mortne2001 le 15/12/2018 à 14:09
80 %    1419

Commentaires (1) | Ajouter un commentaire


Jus de cadavre
membre enregistré
15/12/2018, 17:41:25
Des mandales par paquets de 15 encore ce truc Mortne... Tu dois avoir les joues rouges ! ;)
La prod est très bonne pour le style !

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13/01/2025, 08:36

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Oui en effet dans les news on voit bien les étiquettes, mais sur la page chronique on a juste la première ligne de la chro, peut-être que ce serait intéressant de le mettre dans l'en-tête. 

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