Visiblement, septembre sera long, ténébreux, et assez peu rassurant. Du moins si j’en crois la salve de sorties I, Voidhanger, qui en cinq nouveautés truste le podium des albums étranges et hermétiques. Et avec la nouvelle publication des finlandais d’ÆVANGELIST, la première place est pour le moment réservée, tant l’ancien duo a encore repoussé les limites du chaos et de l’obscurantisme bruitiste.
Au départ projet en solo de Matron Thorn (ANDACHT, BENIGHTED IN SODOM, CALIFORNIA BLOOD RITUAL, CATHAARIA, DEATH FETISHIST, HEX ARCANA, KADOTUKSEN PORTTI, MATRON THORN, OBLIVION GATE, OBSCURING VEIL, PRÆTERNATURA, RAGNARÖKKUR, SKRYING MIRROR, MIDWINTER STORM, ex-BLIGHT, ex-CARRIE WHITE BURNS IN HELL, ex-DEVIL WORSHIPPER, CARRION BLUES, CATHAARIA, DISENCHANTRA, PALINDROME, VAGRANT STARSCAPE, ex-BETHLEHEM, ex-CHAOS MOON, ex-CROWHURST, ex-LICHT DES URTEILS, ex-LEVIATHAN), musicien omnipotent et toujours très occupé, ÆVANGELIST est devenu un projet collectif, avec l’arrivée de nouveaux membres. Le fidèle Stéphane Gerbaud au chant, Manuel Garcia à la batterie, Tempest à la basse et Matias Sallinen à la guitare.
Une formation entièrement repensée donc, pour un concept toujours dirigé par son maître. Un maître qui aime sa créature et qui la laisse s’exprimer à sa guise, sans essayer de la brider, encore moins de la domestiquer. Si l’étiquette Black/Death/Indus est systématiquement accolée au monstre, elle peine à en définir le geste et le verbe. Certes, la base de la composition s’articule autour d’une forme très biscornue de Black Metal, mais l’art partagé par Matron et Stéphane dépasse le simple cadre du BM contemporain pour s’aventurer sur les terres les plus noisy du nord de l’Europe. Il n’est donc pas incongru de voir en Perdition Ekstasis Meta un cousin pas si éloigné que ça de TERRA TENEBROSA, en version évidemment plus...excessive.
Mais le paysage n’a pas changé. Les textures sont toujours aussi importantes, et les strates découpées par le duo sont toujours aussi épaisses et effrayantes. N’utilisant les instruments que pour peindre un tableau des plus sombres, bien au-delà de leur fonction initiale, Matron Thorn nous entraîne encore dans un space-opera maudit, entre la colère de Belzébuth et l’ire de Zeus, quelque part dans une galaxie lointaine où règnent la brutalité, l’oppression, et la suffocation.
La forme n’a quant à elle pas changé. Les morceaux sont plus nombreux certes, mais leur longueur est toujours aussi impressionnante. Si nous sommes loin des deux volets Dream an Evil Dream qui se contentaient d’un ou deux chapitres, Perdition Ekstasis Meta n’en reste pas moins très difficile d’accès pour qui le Noise et le Black Indus ne sont pas des langages parlés de naissance.
Proposé aux fans d’ABYSSAL, BLUT AUS NORD, PORTAL, ou MITOCHONDRION, ÆVANGELIST s’adresse en effet toujours à la frange la plus extrême de l’extrême, celle qui ne conçoit l’art que sous sa forme la plus impénétrable et intraduisible, bien loin du mainstream Black et de la routine Death. Il faut donc être rompu à l’exercice du Black avant-gardiste et élitiste pour apprécier pleinement cette œuvre qui n’a que peu d’équivalent, et qui résulte d’un désir de bousculer l’auditeur et de l’obliger à aller chercher au fond de lui-même les ressources nécessaires pour supporter la douleur auditive.
Pour faire plus clair : Perdition Ekstasis Meta est redoutablement éprouvant, d’autant qu’il s’installe sur la durée et pèse donc sur les nerfs les plus solides.
Mais comme d’habitude, je n’ai pas pu m’empêcher de vibrer pour cette symphonie de l’outrance qui parvient parfois à susciter des réactions physiques, comme sur le tempo très dansant et limite EBM de « Metaphor of Ominous Silence », qui suggère à merveille une rave sauvage organisée par une faune pervertie et totalement corrompue.
Et lorsque les arrangements, l’électronique, la vilénie et la malfaisance se retrouvent à niveaux égaux, le résultat ne peut être qu’apocalyptique et effroyable. Tout comme l’est le malsain et cacophonique « Reflected in the Angel's Blade », susceptible de faire passer LUSTMORD et GNAW THEIR TONGUES pour de gentils représentants en tapis de salle de bain.
On a souvent tendance à dire que l’acmé d’un disque ambitieux se cache sous son titre le plus ample. C’est en partie vrai ici, puisque le quart d’heure fièrement affiché de « Ekstasis Divinae » provoque une extase divine, mais à vrai dire, c’est le crescendo global qui entraîne l’orgasme des sens, plus qu’un seul mouvement de va-et-vient. « Plague Blood Redemption » par exemple, en est un manifeste de cette envie de choquer et d’irriter, via une narration erratique et des sons poussés à leurs extrêmes.
Ceci étant dit, « Ekstasis Divinae » demeure quand même l’épreuve la plus globale. Un quart d’heure de répétition hypnotique, pour un mantra diabolique, et un supplice qui ne prend fin que lorsque le dernier bruit s’est évaporé dans les airs. En attendant cette précieuse seconde, les oreilles subissent les pires souillures, traitées comme des caniveaux sensoriels charriant leur lot d’immondices sonores, qui entachent l’âme aussi efficacement qu’un péché mortel.
Mais justement, ÆVANGELIST est un péché mortel. Une abomination inavouable, un défouloir digne de Dante, une performance physique, un tableau sombre et fascinant. Le côté le plus abject de l’espèce humaine, qui se repaît chaque jour de sa propre suffisance.
La traduction littérale d’un cauchemar qui n’est autre que la réalité.
Titres de l’album :
01. The Antinomian
02. Fountainhead
03. Endura
04. Wicked Flesh to Spirit Sublimate
05. Metaphor of Ominous Silence
06. Reflected in the Angel's Blade
07. Plague Blood Redemption
08. The Sword and the Crystal
09. Ekstasis Divinae
10. Portent of Verisimilitudes
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