Perpétuel

Vesperine

26/04/2024

Autoproduction

La vie n’est certes pas simple. Elle est faite de contradictions, d’épreuves, de souffrance, de joie aussi, et nous oblige quotidiennement à la voir comme un combat à mener. Que vous soyez fataliste ou déterministe, le problème reste le même. Un jour après l’autre, ou des plans sur la comète, des plaisirs fugaces pour des traumas tenaces. Et quelle autre musique que le Post-Hardcore pour décrire tout ça ?

C’est en tout cas le chemin choisi par VESPERINE, quintet récemment installé sur la scène, et déjà responsable de plusieurs études en moyen ou long format. En 2024, le groupe a enfin décidé de rassembler ses esprits pour donner une suite au déjà formidable Espérer Sombrer, dont le grand âge réclamait un successeur. Le voici donc sous la forme de trois mouvements et six pistes, avec une fois encore, un décalage entre les ténèbres et la lumière, la trademark d’un genre qui confronte le chaos à la pureté.

Jéremy Piffady (basse), Pierre Prunier & Adam Courtinot  (guitares), Rémi Lasowy (chant) et Aurélien B. Tosolini  (batterie) présentent avec Perpétuel leur grand-œuvre. De par ses proportions évidemment, dantesques, avec près d’une heure de jeu pour six chapitres, mais aussi par son incroyable inspiration. Si les dédales du Post-Hardcore sont parfois complexes à arpenter, si de temps à autres, personne ne trouve la sortie, nos guides nous permettent de traverser les catacombes de la vie avec une faible lumière naturelle comme point de repère. Mais le voyage n’est pas de tout repos, et les fantômes du passé ses manifestent avec insistance.

Qu’en est-il d’une musique aussi ouverte et dévastatrice ? A l’image des tourments qu’elle décrit, elle se permet des allers retours permanents entre le Hardcore de NEUROSIS et le Post-Rock/Post-Punk des années 80, allant même jusqu’à citer le Black Metal avant-gardiste le plus français dans le texte. « Mouvement III - Tant qu'il y a de l'Espoir » plante les bases en quelques minutes, avant que l’introspection ne plonge plus en profondeur pour en extirper les sentiments les plus refoulés.

Enregistré et mixé avec Amaury Sauvé au studio The Apiary, masterisé au DeviantLab par Thibault Chaumont (IGORRR, FANGE, 20 SECONDS FALLING MAN), Perpétuel creuse, explore, tamise, explose et table sur de longues évolutions pour traiter son propos avec acuité. « Mouvement I - Universelle Liesse », et son côté Sludge progressif soudainement interrompu par un break Folk au son cristallin révèle toute la richesse d’une direction artistique ouverte, mais ferme à la fois. Les options sont multiples, et les expressions de genre libres. Le plus important restant les sentiments, les sensations, et la façon de les coucher sur bandes numériques, ce que le quintet fait avec une assurance impressionnante.

Difficile toutefois de décrypter un album qui se révèle dans son ensemble après de nombreuses écoutes. La somme d’informations musicales à traiter étant gigantesque, une approche superficielle condamnera l’auditeur à une incompréhension partielle, comme un film de Lynch qu’on regarderait par intermittence. Il convient donc de faire très attention aux détails, à ces voix qui s’entremêlent dans un discours rageur, à ces deux guitares qui ne se contentent pas de lâcher les riffs les plus amples, et à cette rythmique polyvalente qui s‘adapte parfaitement bien aux motifs choisis.

Le conflit détaillé dans cet album est simple : l’affrontement permanent entre l’espoir et la lucidité. Cet espoir presque dérisoire de voir l’homme prendre la mesure des catastrophes à venir, tout en étant parfaitement lucide quant à son incapacité à se remettre en question. En découle un habile jeu d’ombres qui ressemble parfois au théâtre japonais, avec ses découpages menaçants et ses lumières apaisantes. On prend la mesure de cette dualité en encaissant le choc énorme de « Mouvement I - À Cœur Joie », modèle de construction en gigogne qui passe en revue toutes les nuances d’émotions que la vie nous impose. Fonctionnant comme un journal intime exposé à la vue de tous, Perpétuel est un mouvement sans fin, un roulis terrestre, une secousse marine, qui provoque le futur pour assumer le présent.

Ou au moins, tenter de le faire.

Les structures et digressions sont évidemment riches, tout comme les textures sonores. Le groupe a vraiment tenu à peaufiner chaque aspect de sa musique pour coller à son concept, et proposer une œuvre complexe et dense qui agira sur la durée. Loin des systématismes épuisants du Post-Hardcore de base, VESPERINE emprunte au vocable de nombreux sous-genres de quoi enrichir son discours, et nous entraîner dans une course folle vers un avenir si incertain qu’il n’est lui-même pas conscient de son caractère aléatoire.

Avec des canaux bien séparés, des silences étudiés, des charges virales éléphantesques, Perpétuel joue constamment le contraste accentué, et prend des airs de bobine super-8 en noir et blanc que l’on découvre dans une boîte abandonnée. La fascination qu’exercent les images tient de l’hypnose volontaire, spécialement lorsque la délicatesse atteint des sommets sur l’entame de « Mouvement II - Le Poids du Silence ». Ce silence que le quintet accepte, pour mieux le briser en mille morceaux lors d’une reprise qui souffle un vent terriblement chaud sur la nuque. Mais les détails de ces guitares qui osent aller plus loin, dont la clarté tient parfois du miracle de mixage, permettent de s’immerger dans un monde que l’on croyait connaître, et qui finalement, reste aussi mystérieux qu’un message abscons.

En bon héritiers des travaux les plus progressifs des années 70, qu’ils actualisent d’une violence contemporaine, les VESPERINE tissent une toile ouvragée, dont les motifs divergent selon les émotions. Celle dégagée par « Mouvement II - Interférence » est apaisante, pour le moins, et prépare à la détonation finale de « Mouvement III - Mauvaise Herbe », gigantesque pavé mélancolique et lancinant qui pèse sur le cœur.

Les cris déchirent le ciel plombé, alors que les regards embués fixent un horizon qui se rapproche de plus en plus. Une ligne qui brûle dans la nuit, et qui nous promet des jours encore plus douloureux. Un cycle Perpétuel, une confusion des sens, pour une humanité qui crève de ne pas avoir su laisser mourir ses plus bas instincts.

          

   

Titres de l’album:

01. Mouvement III - Tant qu'il y a de l'Espoir

02. Mouvement I - Universelle Liesse

03. Mouvement I - À Cœur Joie

04. Mouvement II - Le Poids du Silence

05. Mouvement II - Interférence

06. Mouvement III - Mauvaise Herbe


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par mortne2001 le 26/04/2024 à 18:41
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