Fans de lourdeur, de claustrophobie, de redondance et d’idées noires, je vous invite à me rejoindre pour un voyage aux confins de la Finlande, afin d’y rencontrer un collectif versé sur la nostalgie sombre et les rêveries glauques. Fondé à la fin des années 2010, GOATROACH propose une musique évidemment pressante, violente dans la lancinance, et agressive dans les options. A tel point que les sites ont du mal à les situer, préférant le vague d’une appellation Sludge/Doom pour éviter les céphalées inutiles et le hors-sujet.
Mais GOATROACH est beaucoup plus qu’un simple groupe de Sludge supplémentaire. En effet, sa musique butine toutes les fleurs du mal, sa psyché embrasse toutes les déviances, et on se retrouve plus volontiers face à une torture Death/Doom que face à un miroir déformant Sludge, qui n’est pas vraiment le reflet de cette démarche artistique.
Originaire de Kuopio, ce quatuor (Iippo - basse/piano, Junnu - batterie, Toni - guitare et Ville - chant) propose donc avec ce premier long une descente aux enfers lente, qui connaît toutefois des épisodes de chute beaucoup plus rapides. Mais si l’essentiel de la construction reste basée sur des principes d’insistance et de redondance, le tout est assez libre pour ne pas s’accrocher à un seul objectif. De fait, on effraie, on console, on reste lucide et on avance coûte que coûte, quel que soit le rythme des pas.
Assez ancré dans la tradition d’un Death/Doom des années 90, avec ses fulgurances soudaines qui brisent les cervicales, Plagueborn est en effet un fléau pour les nerfs et la santé mentale. J’en tiens pour preuve un exemple précis, celui de « Rise Above the Primate », massacre boueux de cochons énervés dans leur soue, strié de riffs gras, de cassures soudaines et de distorsion rêche. Dans ces moments, le groupe s’affirme comme une force vive importante de la scène finlandaise, tordant le cou au Doom pour lui faire adopter les inflexions du Death.
Il m’est donc difficile de vous parler de Sludge en ces conditions. L’appellation est certes facile, mais les morceaux proposés ici vont beaucoup plus loin dans la vilénie. Comme un groupe de la vague NOLA délocalisé dans la Floride des égouts putride, GOATROACH joue sur l’équidistance entre les époques, et nous offre un raccourci agréable. « Alone in the Universe », en entame, inquiète de son intro sourde avant de cavaler sur un tapis de blasts et de riffs noyés dans la production. Cette alternance de tempi est d’importance, puisqu’elle représente l’ossature du monstre, et démontre par la même occasion que le Doom et le Sludge sont loin d’être les seules obsessions de ces musiciens.
On pense à un affrontement entre INCANTATION et NEUROSIS parfois, eu égard à ces percussions tribales, ou à un EYEHATEGOD du dimanche matin l’humeur chafouine, et l’art consommé des finlandais les pousse à rechercher la diversité dans l’unicité, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes.
L’écouter, c’est l’adopter. Un peu facile comme formule, mais c’est pourtant vrai, et lorsque le poisseux « An Echo of Blood » défèque sur le peu de joie de vivre qui nous reste, le doute n’est plus possible : ces gens-là sont des malfaisants, et seul notre inconfort les intéresse. Entre une basse ultra-distordue façon Grind, une guitare qui semble geindre sans cesse de sa condition misérable, et un chant caverneux qui détache ses mots avec peine, GOATROACH prouve qu’il a bien compris les règles de l’extrême sale, et nous livre sa version des faits. Une version qui empeste le cadavre, une version qui rend la vie encore plus déprimante et violente, une vie rythmée par des blanches à la grosse caisse et des chœurs nauséeux d’enterrement de troisième classe.
« Excarnated », archétype Death/Doom délicieux, qui ressemble à s’y méprendre à du DARKTHRONE de campagne, « Nykyhetki on Vain Huomisen Eilinen » son idiome natal et ses fantaisies d’arrangements, morceaux de choix, nous traînent jusqu’à l’épilogue monstrueux « Unworthy of a Grave », clôture en malaise et lenteur majeure. On sent la pourriture jusque dans les souvenirs, et on se résigne à accepter cette déprime annoncée, puisqu’elle est parfaitement à l’image de notre époque. Alors, c’est lent, c’est lourd, c’est éprouvant, moite comme des murs transpirant de mort, mais c’est parfaitement délicieux pour les masochistes et sadiques que nous sommes.
Plagueborn est un premier album tout à fait respectable, et s’écoute avec un plaisir coupable. Au-delà de toute catégorisation et autres label collé à la hâte comme une étiquette de friperie.
Titres de l’album :
01. Crawling Through the Apocalypse
02. Alone in the Universe
03. Of Guided Missiles and Misguided Men
04. Rise Above the Primate
05. An Echo of Blood
06. Excarnated
07. Nykyhetki on Vain Huomisen Eilinen
08. Unworthy of a Grave
Bravo, pour la chronique et du nouveau ce prépare pour ce groupe Finlandais
L'album est vraiment excellent !
Hi, the vocalist of the band here. I just noticed this review and figured I might thank you for it. Happy to see it found a receptive audience!
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