ASPHYX, SINISTER, GOREFEST, LEGION OF THE DAMNED, THANATOS et PESTILENCE. Il serait de bon ton lorsqu’on aborde l’historique du Death Metal mondial de ne pas oublier l’apport conséquent des Pays-Bas, pays qui dès les années 80 a lâché ses monstres les plus abjects. Alors certes, la Floride, mais l’univers des sabots et des tulipes n’a pas été en reste, et continue dans les années 2020 à nous révéler de nouveaux secrets. Le dernier en date est le premier album de DEADSPEAK, trio de Frise qui a les cheveux raides, et qui pratique un Metal morbide et symptomatique des productions nationales des années 90.
DEADSPEAK, ce sont trois musiciens, Moanne de Kroon (batterie), Jasper Post (guitare/chant) et Lieuwe Kuik (basse), qui n’ont cure de la nostalgie habituelle, et qui refusent de singer la froideur scandinave ou la putréfaction calorifère floridienne. Non, ce que le trio recherche, ce sont les ambiances bien de chez eux, tout en gardant intacte cette attitude primaire incitant à choisir les riffs les plus directs. Une technique assez fine pour impressionner, mais surtout, un talent de compositeur inné. D’où huit morceaux sombres, déliquescents, parfois cryptiques, souvent graves, qui nous ramènent à l’époque bénie des premiers macchabées retrouvés dans le caniveau et les fossés.
La durée des morceaux, parfois surprenante pour le créneau, donne des indications claires quant à l’ambition de ces jeunes garçons. Avec deux titres piétinant les sept et neuf minutes, Plagues of Sulfur Bound se distingue de la masse, et va ronger ses fémurs le plus loin possible de la plèbe old-school. Un son épais et cradingue, un chant au léger écho qui file les foies, et une atmosphère de film craspec, tourné quelque part dans la périphérie d’une grande ville pour rester discret et ne pas être dérangé.
Et c’est après la courte intro « Entering Realms Infernal » que les débats s’emballent avec le title-track affolant qu’est « Plagues of Sulfur Bound ». Tout est en place, le décor sent bon le moisi, et les postures sont fermes. Si la trame traditionnelle ne surprendra personne, avec son alternance de plans lourds et d’envolées prestes, la forme pourra chatouiller la corde sensible des amateurs de Death/Doom, alors même que DEADSPEAK est bêtement classé Death/Thrash.
Les codes du Thrash n’ont pas droit de cité ici. Rien n’est souriant, le mosh s’en va en claquant la porte, et la vitesse est largement au-dessus de la limite autorisée. Ce premier chapitre est donc définitivement ancré dans la tradition Death nationale, et l’infernal « Tidal Disruption » en incarne le parangon. Quelques effets sonores pour ambiancer les convives, des passages qui alternent avec une belle constance, et une insistance dans la démence par le truchement d’un habile jeu de rôles, entre croque-mort névrosé et embaumeur obsédé.
Des fluides, des toiles d’araignée, du salpêtre, des tâches suspectes, du sang séché, des restes de membres nécrosés, l’accueil n’est pas des plus chaleureux, et donne même quelques suées. Parfois proche d’un NOCTURNUS beaucoup plus glauque et flippant, Plagues of Sulfur Bound joue sur plusieurs niveaux, et se garde une place au chaud près des classiques du genre. « Polarisation in Times of Dispossession » combine d’ailleurs les stances claustrophobiques du Dark Ambient, avant de sombrer dans la violence la plus crue, de celle qu’on renifle chez Sentient Ruin ou Helldprod Records.
Ce titre fleuve incorpore justement des idées un poil plus lumineuses, et symptomatiques de l’héritage de DEATH et SUFFOCATION, le tout emballé dans un body-bag recyclable. Ces embardées rythmiques ne cachent toutefois pas un panache indéniable dans le traitement des riffs, qui savent accrocher l’oreille avant de l’arracher sans prendre de gants.
En deux morceaux seulement, le trio hollandais sonne la charge, et avertit de sa présence. Mais le reste du répertoire est loin de jouer les bouche-trous, puisque « Into Endless Divinities » lapide dans les grandes largeurs avec une belle opposition entre une guitare plus guillerette et un chant toujours aussi régurgité du fond des cryptes. C’est non seulement agréable, mais efficace en diable, et ça rend la mort encore plus séduisante, avec ou sans décolleté.
« Death Shall Rise » est sans conteste le seul lien avec le Thrash, puisque son intro en utilise les astuces catchy. Dans un registre CARCASS passé en terminale DEMOLITION HAMMER, ce dernier titre fait son petit effet, et nous laisse un goût délicieux dans la bouche.
Les Pays-Bas visent haut. Et le pays peut être fier de ses rejetons. Pas polis, mal éduqués, mais performants et travailleurs.
Titres de l’album:
01. Entering Realms Infernal
02. Plagues of Sulfur Bound
03. Parallel Existence
04. Tidal Disruption
05. Knee Deep in Death
06. Polarisation in Times of Dispossession
07. Into Endless Divinities
08. Death Shall Rise
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