Un groupe qui se réclame de l’avant-garde et du Progressif mérite généralement votre attention. Mais ces deux étiquettes peuvent être difficiles à porter lorsque les ambitions dépassent les moyens. Lorsque les deux sont en adéquation parfaite, alors l’équation est superbe. Et celle posée par les américains d’ORGONE est de celles que l’on résout avec une jouissance infinie.
ORGONE est un quatuor de Pittsburgh qui n’avait plus donné de nouvelles depuis très longtemps. Dix ans plus exactement, ceux séparant The Joyless Parson de ce Pleroma plein de promesses. Pensez-donc, plus d’une heure de métrage pour un troisième album en étape cruciale, et l’envie d’aller encore plus loin que les expériences passées. Tout en connaissant les travers de l’expérimental musical - une certaine complaisance, un élitisme parfois embarrassant, ou un illogisme perturbant - on accepte encore une fois de se faire maltraiter par une musique aussi étrange que brutale, et le choix est finalement le bon.
Le meilleur même.
Andrew Ransom (basse), Kent Wilson (violoncelle), Justin Wharton (batterie) et Steven Jarrett (guitare/claviers/chant) sont des gens très bien éduqués. On les imagine plus volontiers sur la terrasse de leur superbe bâtisse quelque part à Florence ou Rome, un verre de bon vin à la main et des partitions étalées sur la table, que trimant du côté de la Pennsylvanie pour se produire en concert coûte que coûte. Mais après tout, les ambiances surannées ne sont pas l’apanage de l’Italie ou de l’Europe en général, et les Etats-Unis ont aussi leur lot de musiciens maudits, habitant un vieil hôtel aux corridors hantés par une faune bigarrée des années 30.
Et c’est exactement ce genre d’atmosphère que développe Pleroma, entre Classique européen et rigueur rythmique transatlantique.
Pleroma est un disque complexe et exigeant, ne le cachons pas. Il développe des arguments magnifiques, oppose des interludes sublimes à de longues suites voraces, et construit sa réputation sur cette ambivalence qui fait toute sa richesse. Evidemment techniquement au-dessus de la moyenne, les quatre musiciens mettent leur talent et leur brio au service des morceaux, et non l’inverse, et nous déroulent le tapis rouge menant à une fête secrète aux invités masqués, et aux noms jamais prononcés.
C’est ainsi que j’ai perçu ce troisième tome qui se montre majestueux de bout en bout. D’ailleurs, plus qu’un album, parlons d’expérience, de voyage, aux étapes différentes et à l’effort fourni varié. Il faut en faire pour escalader les parties les plus techniques, basées sur une polyrythmie diabolique, et renvoyant les cadors de la complexité à leurs chères études. Car lorsqu’ORGONE fait son méchant, il ne fait pas semblant. Mais lorsqu’il s’adoucit et tente de nous séduire en mode nostalgie jaunie d’un passé révolu, il en devient irrésistible, et son regard a de quoi hypnotiser n’importe quelle héritière de la bourgeoisie de Pittsburgh.
Le problème qui se pose, est encore une fois de dévoiler sans trop montrer. Si la durée des titres donnera de précieuses indications quant au contenu d’une œuvre gargantuesque, il convient de ne pas tomber dans le piège du décorticage à outrance, pour ne pas gâcher la surprise. Je pourrais parler du pantagruélique « Trawling the Depths » et ses dix-sept minutes de circonvolutions, mais en étant trop précis, je mettrais en danger l’équilibre stable entre inconnu et lu, ce qui n’est bien sûr pas le but de la manœuvre.
Mais arrêtons-nous quand même sur ce morceau si incroyable, puisqu’il résume toutes les qualités d’un groupe qui ne recule devant rien pour ne pas sonner comme les autres.
« Trawling the Depths » est l’exemple type de progression disharmonique que l’on aime tant retrouver sur un disque avant-gardiste. Très influencé par la scène Progressive des années 70, cette suite propose un entre-deux intéressant entre OPETH, DISHARMONIC ORCHESTRA, IL BALLETTO DI BRONZO, le tout recouvert d’un glaçage épais de violence Metal cachant une couche de crème de Rock évolutif, le tout sur plus de dix-sept minutes.
En gros : un mini chef d’œuvre.
L’album par contre, est tout sauf mini. Il développe ses arguments avec une confiance étonnante, et nous entraîne dans un ballet étourdissant d’émotions contraires, comme si DODECAHEDRON reprenait à son compte les digressions de LE ORME, entre Folk champêtre à chœurs PINK FLOYD, et industrialisation de masse dans une zone vouée aux gémonies du béton.
En aérant son troisième effort de petits intermèdes mélodiques, ORGONE a rudement bien joué son coup. A l’image d’un groupe des années 70 reprenant vie en 2024, le quatuor ose à peu près tout ce que les autres s’interdisent de peur de s’aliéner un public, et cisèle ses attaques pour leur faire épouser les contours d’arabesques harmoniques d’une pureté incroyable.
Ecouter un album de ce type n’est pas fréquent. Aussi expérimental qu’il n’est cohérent, aussi violent qu’il n’est apaisant, Pleroma est un travail titanesque, qui a exigé dix ans de préparation. Et on sent que le groupe de Pittsburgh peut aller encore plus loin sans perdre de son homogénéité. Ce qui en dit long sur la marge de progression d’un orchestre déjà au sommet de son art.
Titres de l’album :
01. Silentium
02. Approaching Babel
03. Valley of the Locust
04. Hymne à la Beauté
05. Flâneurs
06. Lily by Lily
07. Ubiquitous Divinity
08. Trawling the Depths
09. Mourning Dove
10. Schemes of Fulfillment
11. Pleroma
Merci pour la découverte, je serai sûrement passé à côté. ça s'écoute étonnamment bien (la fluidité avec un tel mélange n'est pas donnée à toute le monde, c'est généralement une marque de maîtrise) et j'ai presque l'impression d'être intelligent quand je presse "lecture". Autoprod, vraiment surprenant qu'un label ne leur déroule pas le tapis rouge.
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29/04/2025, 13:37
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28/04/2025, 15:56
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27/04/2025, 12:35